Les seigneurs de la Marlière à Orcq de 1500 à la fin de l’Ancien Régime

Durant l’Ancien Régime, la Marlière était une seigneurie dépendant de l’office de la trésorerie de la cathédrale de Tournai, elle s’étendait sur 2,5 bonniers soit environ 3 hectares. Elle était située non loin du centre du village à l’endroit où se trouve le château actuel de la Marlière, propriété de la famille Letartre. Au XIXe siècle ses propriétaires l’ont agrandie. C’est maintenant un très beau parc privé d’une vingtaine d’hectares.

1. Les de Cordes seigneurs de la Marlière au XVIe siècle

La soumission de la ville de Tournai aux Anglais en 1513 a été relatée dans un document disparu dans la tourmente de mai 1940, il est intégralement reproduit dans un ouvrage d’Adolphe Hocquet[1]. Dans ce document il est écrit qu’Henri VIII logeait, à l’occasion du siège de Tournai au château de la Marlière appartenant à Jacques de Cordes.

Plusieurs auteurs se sont penchés sur la généalogie de cette famille (du Chastel de la Howardries, Van der Heyden…) Une synthèse beaucoup plus récente a été publiée en 1979[2]. De Lannoy s’est intéressé à beaucoup de familles importantes de la région de Celles, Renaix, Leuze. Bien que les seigneurs de la Marlière soient originaires de Tournai il est probable qu’ils descendent des de Cordes de Waudripont (Wattripont), ce lien proche de la région mentionnée plus haut explique pourquoi cet auteur s’est intéressé à cette famille. Il donne la lignée des « seigneurs de la Marlière à Orcq » qui suit sous 1.1.

DE CORDES 2.jpg

 « Le cri de guerre de la maison de Cordes, branche cadette de la maison de Waudripont était : « Cul à cul Waudripont !, allusion aux deux lions adossés figurant sur les armoiries des chevaliers de Cordes. Ces armes étaient « D’or à deux lions adossés de gueules, les queues passées en sautoir, armés et lampassés d’azur ». Elles rappelleraient la vaillance – légendaire – de deux frères Waudripont, qui combattirent en lions les infidèles en Palestine, et qui moururent après avoir gardé quelque pont ou passage, dos contre dos. »[3]

1.1.  Jacques de Cordes

Écuyer et seigneur de la Marlière par achat fait le 2 5 1503.

Il faut ici ajouter que l’auteur ne dit rien de plus sur cette seigneurie, de plus amples renseignements seront trouvés en consultant le « Livre des rapports du chapitre 1599 »[4] – ce registre donne l’étendue de la seigneurie de la Marlière qui est en 1590, de 2.5 bonniers à Orcq. Cette seigneurie dépend du chapitre de la cathédrale de Tournai. Nous supposons qu’au début du XVIe siècle elle avait les mêmes statut et étendue. La destruction des archives de la cathédrale en 1566 lors des guerres de religion ne nous a pas permis d’avoir de plus amples renseignements à ce sujet.

Jacques de Cordes était marchand domicilié à Anvers en 1498 et encore dans la même ville en 1525. Il épousa Marguerite Taets ou Tasse, fille de Jehan originaire de Tournai en 1498. Jacques de Cordes est décédé le 12 mai 1533.

En 1535 il est qualifié de chevalier. Le couple eut plusieurs enfants dont :

1.2. Jehan de Cordes

Seigneur de la Marlière il est décédé le 11 juin 1536 et est inhumé le 12 à Anvers-Notre Dame. D’un premier mariage avec Josine Van Groesdonck décédée en 1534 il eut :

1.3. Jean de Cordes

Seigneur de la Marlière. Déjà orphelin de mère, il avait au plus 9 ans lorsque son père est décédé et c’est son oncle Jacques de Cordes qui devint son tuteur. Il épousa le 19 avril 1547 Isabelle Preunen. Il mourut  en 1579. Le couple a eu 8 enfants dont aucun n’est cité par de Lannoy comme seigneur de la Marlière. Un des enfants prénommé également Jean (1549-1616) qui n’eut pas de postérité a adopté Jean Charles de Renialme, le fils aîné de sa sœur, Marie, qui avait épousé Ancelot ou Lancelot de Renialme. De Lannoy  dit aussi que Jean Charles de Renialme est seigneur de la Marlière.

Cependant,dans le « Livre des rapports du chapitre »[5] on cite en juin 1590, dans le dénombrement des fiefs mouvant de la trésorerie : « La terre et seigneurie del Marlière à Orcq contenant deux bonniers et demi, occupée par Jean de Cordes fils de Jacques, présentement par Jacques Frayere ». On ne sait donc pas exactement qui était le seigneur de la Marlière entre 1579, année de décès de Jean de Cordes et environ 1610 date approximative de la majorité de Jean de Cordes Renialme né entre 1574 et 1578.

1.4. Jean Charles de Cordes Renialme

Seigneur de la Marlière. Il fit trois mariages successifs avec : 1 Isabelle Van der Dilft, 2 Jacqueline de Caestre et 3 Isabelle de Robiano.

Il mourut le 18 août 1641 et est inhumé dans la cathédrale d’Anvers.

Jean Charles de Cordes Renialme et sa deuxième épouse Jacqueline de Caestre furent peints par Rubens ou Van Dyck.

JEAN CHARLES DE CORDES.jpg

 JACQUELINE DE CAESTRE.jpg

 

 

 

 

 

Portraits de Jean Charles de Cordes Renialme et de Jacqueline de Caestre son épouse Musées royaux des Beaux Arts Bruxelles

L’attribution des tableaux à Rubens n’est pas absolument certaine, en effet, certains auteurs croient qu’ils ont pu être peints par Van Dyck

2. Les seigneurs de la Marlière au XVIIe siècle

Faire relief ou relever un fief : nous ne croyons pas superflu de rappeler la définition de cette notion qui reviendra souvent dans la suite du texte. La notion de propriété était bien différente dans l’Ancien Régime de ce qu’elle est maintenant. On « tenait » un fief d’un seigneur de rang supérieur et ce seigneur pouvait être ecclésiastique comme c’est le cas pour la Marlière qui était tenue de l’office de la trésorerie de la cathédrale de Tournai. A chaque décès soit de celui qui tenait le fief ou du seigneur à qui appartenait le fief, le tenant devait relever le fief moyennant paiement et dans les 40 jours faire le dénombrement ou description du fief. Si ces formalité et paiement n’étaient pas accomplis, il était déshérité du fief et un remplaçant entrait en fonction.

2.1. Charles et/ou Maximilien de Martigny

Nous avons vu sous le point 1.4., plus haut, que le dernier membre de la famille de Cordes qui a été seigneur de la Marlière était Jean Charles de Cordes Renialme décédé en 1641. La seigneurie cependant dut être cédée avant cette date, car dans un dénombrement des biens de l’évêché fait en 1628[6] on apprend que c’est Charles de Martigny qui tient le fief. La partie de ce dénombrement concernant la Marlière est reprise ci-dessous :

« Mr Charles de Martigny chanoine dudit Tournay tient en fief la Justice et seigneurie de le Marlière, consistant en une maison, jardin, fossetz, chingles, bois, terres labourables et heritages gisans a Orcq , enclavé au pouvoir et banlieu dudit Tournay, contenant deux bonniers et demy de grand ou environ. Y ayant deux hommages, hostes et tenables audit lieu d’Orcq avecq plusieurs rentes seigneuriales deües et plusieurs fiefs en tenus, s’y appertient audit fief d’avoir bailly, lieutenant, juges cottiers sergeans, messiers et amendes de soixante sols loniens et endessous quand le cas y eschet »

C’est la première description détaillée que nous ayons pu trouver du fief de la Marlière. Le dénombrement laisse supposer que la seigneurie est d’une certaine importance  puisque plusieurs fiefs en dépendent et la justice y est rendue par un bailli, un lieutenant et des juges.

Le mot chingle doit être compris dans le sens de clôture. En prenant comme référence le bonnier de Tournai qui était équivalent à 1.17 ha, la surface de la seigneurie est de 2.93 ha soit environ 3 ha.

Les tenants successifs du fief sont ensuite retrouvés dans un registre conservé aux A.C.T.

Le 24 novembre 1635 Maximilien de Martigny fait relief du fief de la Marlière.[7]

2.2. La famille Carpentier

Le 18 12 1635 Anne Carpentier demeurant à Anvers, « fille à procuration », pour reprendre les termes exacts du texte, de Marguerite de Martigny veuve d’Adrien Carpentier comparaît pour représenter sa mère à l’occasion du décès de messire Charles de Martigny vivant chanoine à Tournai pour faire valoir ses droits sur le fief de Marquain et de la Marlière[8]. Maximilien / Charles ces deux prénoms différents sont étonnants – Entre 1629 et le 16 novembre 1635 Maximilien de Martigny est parrain lors de 4 baptêmes à Orcq et Charles lors de deux. Il est probable que Charles et Maximilien de Martigny ne sont qu’une seule et même personne.

Dans un nécrologue des chanoines de la cathédrale de Tournai,[9] on cite Antoine de Martigny devenu chanoine le 19 8 1583 et qui a démissionné en 1586. Cette même année on cite aussi Charles de Martigny devenu chanoine le 21 7 1586.

On peut supposer que Charles/Maximilien de Martigny était un proche parent de Marguerite de Martigny.

Le 29 3 1637 Anne Carpentier comparaît à nouveau devant les hommes de fief de la trésorerie de la cathédrale en son nom et celui de ses sœurs Barbe et Charlotte suite au décès de leur mère Marguerite de Martigny[10]. Elle relève le fief.

Le 15 9 1637, les consaux font abattre les bancs plaidoyables et le pilori nouvellement établi contre la maison de la Marlière[11].

Ce pilori a été retrouvé vers 1930 dans le parc de la Marlière par Denise Horlait fille de Gaston Horlait qui avait acheté la propriété en 1920. Ce dernier a fait reconstruire le pilori près de son habitation nouvellement construite. La photo ci dessous montre Denise Horlait le jour de son mariage à Orcq, en 1935 avec Robert T’Sas et leur nièce Thérèse Blaton[12]. Le pilori est actuellement à nouveau démonté, car il était devenu gênant pour la circulation des voitures des propriétaires actuels. Notre espoir est qu’il retrouve un emplacement d’où il pourrait être admiré de tous.

PILORI TSAS HORLAIT 1935.jpg

Le 26 1 1640 Anne et sa soeur Charlotte Carpentier comparaissent devant les hommes de fief de la trésorerie de la cathédrale en qualité de tutrices et administratrices des personne et biens d’Henri Carpentier leur neveu, fils de leur frère Alexandre, de son vivant seigneur de Marquain et de la Marlière[13]. Cette délégation résultait d’un acte testamentaire passé par feu le seigneur de Marquain le 16 juillet 1639. Elles sont admises « au relief de le seigneurie de la Marlière » et prêtent ensuite le serment pertinent.

Ce testament en date du 16 juillet 1639 est cité également dans les notices généalogiques de du Chastel et il ajoute qu’Alexandre Carpentier est décédé avant le 2 septembre de la même année[14].

Ne connaissant pas la date de naissance d’Henri, nous ne savons pas quand il est devenu majeur et seigneur de la Marlière mais il a épousé le 12 septembre 1654 à Tournai St Jacques Marie Madeleine de Cordes. Leurs deux premiers enfants, des fils, sont nés à Tournai à la suite desquels ils ont encore eu 7 filles dont 5 sont nées à Orcq.

L’acte de baptême, dans les registres paroissiaux d’Orcq, de l’une des filles du couple est particulièrement intéressant :

“Le 15 de décembre 1664  fut baptisée en la chapelle du chasteau par la permission de Mgr le révérendissime évêque de Tournay, Anne Philippine de Carpentier fille de Henry et Marie Magdelaine de Cordes Sr de Marquain. Parain fut le viscomte d’Odregnie Mgr André Philippe de Gand dit Villain paroissien de Nre Dame en Tournay. Marine de la paroisse de Sainct Jacques en Tournay”

 Cet acte de baptême nous apprend que le château possédait sa propre chapelle à cette époque.

A ce stade, on peut reprendre une brève généalogie de cette famille extraite de la généalogie de Cordes[15]

Adrien de Carpentier et Marguerite de Martigny  que du Chastel désigne erronément par Marie de Montigny,dont

      Anne

      Charlotte

      Barbe

      Alexandre dont

            Henri de Carpentier qui épouse Marie Madeleine de Cordes fille de Maximilien et d’Antoinette le Clercq

Tournai a acquis en 1673 le « Quart de Marquain »[16]. Orcq, avant cette date, était limité à l’ouest par le Rieu d’Orcq et cette acquisition de la ville de Tournai dont Orcq dépendait a augmenté son territoire d’une portion située entre le Rieu et le Quennelet à Marquain. Ce « Quart de Marquain » a été cédé par Henri de Carpentier seigneur de Marquain et de la Marlière. Etant lieutenant au régiment royal de cavalerie wallonne et désireux de se mettre en équipage il avait besoin d’argent et avait proposé à la ville de Tournai de lui racheter les droits seigneuriaux afférents au « Quart de Marquain » soit 150 hectares et 6 maisons, avec haute, moyenne et basse justice.

Henri de Carpentier, le 14 juin 1672, signe un acte Decarpentry.

Il faudra attendre 1678 avant qu’il soit encore fait mention de la Marlière dans le Registre des plaids.

Le 12 décembre de cette année le temporel de la trésorerie de la cathédrale constate que le fief n’a pas été relevé et que son dénombrement de même n’avait pas été fait depuis le décès d’Henri Carpentier seigneur de la Marlière[17].

On a pu lire plus haut qu’Henri Carpentier avait vendu le « Quart de Marquain » en 1673. Son décès se situe donc entre cette année et 1678, mais sans doute plus près de 1678, car le temporel de la trésorerie n’aurait probablement pas attendu 5 ans avant de réagir à un défaut de relief.

2.3. La famille Desmartin

DESMARTIN.jpgLe 22 décembre 1678, Nicolas François Desmartin, écuyer, seigneur d’Hurtebize comparaît devant le temporel de la trésorerie pour y présenter le décret par lequel la terre et seigneurie de la Marlière lui a été adjugée le 15 novembre 1678 par-devant le lieutenant général du baillage de Tournai. Cette terre étant tenue et relevant du temporel de la trésorerie de la cathédrale, il demande d’en être « adhérité ». Après acceptation il prête le serment d’usage et devient de ce fait le nouveau seigneur de la Marlière[18].

Nicolas François Desmartin appartient à la branche de Casau de cette famille, leurs armes se décrivent comme suit : d’azur à, la bande d’or, accompagné de deux étoiles du même, à six rais (ce sont les armes des Desmartin seigneurs du Foresteau) chez les Casau l’écu est brisé par l’adjonction d’un croissant de sable posé sur le chef de la bande. Cimier : une gerbe de blé d’or, liée d’azur.[19]

Nicolas François Desmartin est né à Tournai le 20 janvier 1651 et décédé avant le 22 septembre 1700. Il avait épousé Anne Monique Françoise Hovine à Tournai le 28 mai 1670. Les six premiers enfants du couple sont nés à Tournai, le sixième, Jean Baptiste le 20 mars 1679 soit quelques mois après que les Desmartin deviennent propriétaires du fief. L’enfant suivant Marie Adrienne est née à Orcq le 19 12 1680, elle fut suivie par 6 frères et sœurs tous nés à Orcq. Le couple a donc eu 13 enfants. Les dates de naissance montrent que le couple s’est installé à Orcq vers 1679-1680.

Entre 1683et 1685,un différend oppose le seigneur d’Hurtebise au collège des laboureurs de l’ancien pouvoir de Tournai à propos de tailles dues par la seigneurie de la Marlière[20]. N. F. Desmartins se défend, en disant que le fief de la Marlière n’est pas de la juridiction de la ville de Tournai mais relève de la trésorerie de la cathédrale qui elle-même relève immédiatement du roi « à cause » de la cour de Maire en Tournaisis.

Le 12 mars 1695 à la requête de François Carpentier, huissier de la chancellerie près de la cour du parlement de Tournai et le 14 mars à la requête de Pierre de Groot habitant à Rumes, la Marlière est saisie et « mise sous la main » pour défaut de paiement de plusieurs dettes[21]. Ces ennuis d’argent se sont sans doute arrangés, car Anne Monique Françoise Hovine l’épouse de Nicolas François Desmartin relèvera le fief après son décès (voir ci-après point 7 Les seigneurs de la Marlière au XVIIIe siècle)

3. Les seigneurs de la Marlière au XVIIIe siècle

3.1. La famille Desmartin (suite)

Le 22 septembre 1700, Anne Monique Françoise Hovine se présente en face des hommes de fief de la trésorerie de la cathédrale pour relever le fief de la Marlière suite au décès de son mari[22]. Elle décédera à Orcq le 14 juillet 1714.

En 1702 on trouve une référence à Adrien Joseph des Martins écuyer Sr de Rosbecq, Hurtebize, la Marlière etc, le second fils de Nicolas Joseph Desmartin et Anne Monique Françoise Hovine qui avait épousé une veuve, Mme de Nébra[23]. Antoine, le frère aîné d’Adrien étant décédé en 1695 ce dernier était  donc en position de devenir seigneur de la Marlière. Le registre des plaids n’a cependant pas gardé de trace qu’il ait relevé le fief. Mais on verra ci-dessous que des négligences avaient été commises dans les formalités à accomplir pour pouvoir valablement relever le fief.

En octobre 1716 Thomas Joseph Bonnet comparaît à la trésorerie de la cathédrale[24] en tant que « curateur commis aux biens abandonnés par les enfants de feu Dame anne monique françoise hovines Douairière d’hurtebise tels que jean baptiste Desmartin, nicolas françois joseph Desmartin, et damelle marie therese joseph Desmartin demts à Orcq, gilbert grangé en action de Damelle marie joseph Desmartin son épouse, et la Damelle veuve du Sr albert Roupin en qualité de mere grande et tutrice legitime Des Enfans mineurs delaissez par feu le Sr claude françois joseph Desmartin et Reine marie Roupin vivant conjoincts »

Comme on peut le constater le relief a été fait avec un retard conséquent puisque la veuve Desmartin était décédée depuis plus de deux ans. Le réquisitoire de Thomas Joseph Bonnet est d’ailleurs élogieux à ce sujet car il « s’adresse à vos Seigneuries les supplians estre servy de  l’authoriser à faire ledit relief » pour éviter « par ce moÿen causer grand Domage et interest à ladite curation »

Aucune raison n’est donnée à ce retard : ennuis financiers ? négligence ?

Le relief est accepté et le droit de 60 sols lonisiens payé.

Du Chastel de la Howardries fait remonter la généalogie des Desmartin (branche de Casau qui est celle d’Orcq) au début du XVIsiècle[25], mais prudemment il dit « Cette branche étant fort obscure, avant 1632, je ne la prends sous ma responsabilité qu’à partir de cette date » c’est-à-dire à l’époque du père de Nicolas François Desmartin. Il faut dire qu’il avait préfacé  la reproduction d’un ouvrage ancien disant que le grand-père de Nicolas François était un valet du comte de Middelbourg ![26]

3.2. La famille Locquerelle et Louis François Druez

LOCQUERELLE 5 CLICK.jpgLe 7 12 1720, on apprend les circonstances de la mutation de propriété du fief[27]. On fait valoir à Nicolas François Joseph Desmartins fils demeurant alors au château de la Marlière qu’en date du 18 mai 1688 ses parents ont « vendu chacun pour le tout au profit de l’office de la Présentation de Notre Dame fondée en la cathédrale de cette ville, 150 livres tournois de rente héritable par an » et qu’il était en défaut de paiement de cette rente depuis 16 ans. L’huissier d’armes à cheval passe à la Marlière le 25 juin 1720 et fait commandement à N. F. J.  Desmartins de payer dans les trois jours. La dette n’étant pas apurée, l’huissier repasse à Orcq le 3 juillet pour saisir les bâtiments et terres constituant le fief.

La mise en vente est annoncée à la bretècque de Tournai le 20 juillet 1720. Une première offre de 3860 livres tournois est faite par Georges Vinchent. Après avoir surenchéri c’est Etienne Delerue qui achète le fief pour 6145 livres 17 sols et six deniers tournois. Delerue était commandité par le sieur François Locquerelle dit Le Riche qui devient en septembre le nouveau seigneur de la Marlière.

Six ans plus tard le 20 juin 1726, il sera anobli par Charles VI avec la permission de pouvoir transférer le titre, par faute d’héritier mâle au fils de son frère avec le surnom de Marlière[28]

Les armes des Locquerelle sont, d’azur, au chevron d’argent, accompagné, en chef de deux coquilles renversées, et, en pointe, d’une tête et col de loup, le tout du même.

Le château a été complètement rebâti entre 1720 et 1728 par François Locquerelle dit le Riche[29].

DRUEZ 5CLICKS.jpgLe 10 3 1739 François Locquerelle dit le Riche, qui n’a pas d’enfants, fait donation à sa nièce Marie Madeleine Locquerelle épouse de Louis François Druez de la Seigneurie de la Marlière[30].  Suite à cette donation M. M. Locquerelle fait le dénombrement du fief le 14 mars 1739[31].

François Locquerelle meurt à Tournai St Jacques le 25 9 1739.

Marie Madeleine Locquerelle avait épousé à Tournai St Jacques le 7 janvier 1739 Louis François Joseph Druez baptisé à Tournai St Quentin le 28 mai 1715.

Les armes des Druez sont,  de sable, au sautoir d’argent, cantonné de 4 étoiles du même à six rais. (voir ci contre)

Le 14 1 1754 Marie Madeleine Locquerelle déclare « se déshériter, désaisir et dévestir du fief et seigneurie de la Marlière au profit de celuy, ceux ou celles qu’elle a disposés ou disposera par testament ou autres dispositions »[32]

C’est la dernière référence à la Marlière dans le registre des plaids.

Louis François Druez est parrain le 10 mars 1748 à Orcq de Louise Béghin, à cette occasion il est qualifié de « Toparcha de la Marlière » soit « Seigneur de la Marlière ».

Le 7 10 1765 M. M. Locquerelle est inhumée dans le chœur de l’église d’Orcq,  épouse de Louis François Druez « toparcha in Marquain et de la Marlière »

Louis François Druez « toparcha in Marquain et de la Marlière » décède à Orcq le 27 8 1771, il est inhumé dans le chœur de l’église.[33]

Une nouvelle église a été construite à Orcq en 1782 et la plaque tombale des époux Druez Locquerelle a été replacée dans le chœur, mais un plancher la recouvre actuellement la rendant inaccessible.

3.3. Le chevalier de Bonnes

Le chevalier de Bonnes fut seigneur de la Marlière sous Marie Thérèse[34].

La seule référence que nous ayons trouvée à propos d’un chavalier de Bonnes, relate l’ « Affaire du chevalier de Bone Savardin », accusé en 1790 du crime de « lèse nation ». Il est natif des Échelles, chevalier de St Louis, aide de camp du maréchal de Broglie, capitaine d’artillerie dans la légion de Maillebois, au service de la Hollande.[35] Je ne sais si il y a une relation entre le chevalier de Bonnes cité par Hoverlant et le chevalier de Bone Savardin.

On verra ci-dessous que la Marlière appartenait avec certitude, en 1782, à Charles Eugène Benoist de Gentissart. Puisque Louis François Druez est mort en 1771 et que Nicolas Toussaint, curé du village le qualifiait, à cette date, de seigneur de la Marlière et que Charles Eugène Benoist a vendu la propriété en 1782, il est possible que la Marlière soit passée dans ce laps de temps dans deux mains différentes.

3.4. Charles Eugène Marie Benoist de Gentissart

BENOIST DE GENTISSART.jpgEnsuite, Eugène Benoît de Condé qui acheta des lettres de baron fut propriétaire de la Marlière et il transféra sa propriété au comte de Woestenraedt[36].

Lors de la vente de la Marlière par de Woestenraedt à Lefebvre et Declercq[37] il est dit, concernant l’origine de la propriété, que de Woestenraedt l’a acquise le 13 novembre 1782 de Charles Eugène Marie Besnoit de Tournai. Ceci confirme donc ce qu’a écrit Hoverlant.

Charles Eugène Marie Benoist de Gentissart est né à Condé le 7 avril 1741 et est décédé à Tournai le 25 novembre 1804. Il avait obtenu le 16 septembre 1778 le titre de baron. Il avait épousé en premières noces, le 28 mai 1764, Marie Louise Henriette Visart de Bocarmé et en secondes noces, le 6 novembre 1779, Isabelle Marie Thérèse Caroline de Wulf.

3.5. Le chanoine comte Jean Christian de Woestenraedt 

Le comte Jean Christian de Woestenraedt a acquis la Marlière en novembre 1782.

Il était chanoine à la cathédrale de Tournai.

Cette famille est originaire de la principauté de Liège, dans le sud du Limbourg hollandais. Ils étaient barons et c’est PhilippDE WOESTENRAEDT.jpge Joseph Dieudonné de Woestenraedt qui a été créé comte par lettres patentes du 1 2 1744.

Leur blason est de gueules à la ramure de cerf d’or accompagné d’un cygne d’argent en cœur.

En 1825 le comte signe un codicille à son testament « dernier vivant des comtes et barons de Woestenraedt ». On peut donc supposer que cette famille s’est éteinte après son décès.

Sur un terrier de 1791 conservé à la cathédrale de Tournai (ci dessous), on peut voir comment se présentait, tout à la fin de l’ancien régime, le fief de la Marlière[38].

TERRIER 48 ORCQ CENTRE.jpg

Plan du fief de la Marlière. Tournai, A.C.T. Plan terrier N°48 1791

En 1803 le comte Jean Christian de Woestenraedt vend la Marlière pour 15000 francs à De Clercq et Lefebvre associés. L’acte a été enregistré à Tournai le 22 frimaire de l’an 12 soit le 14 décembre 1803[39] :

Jean Christian de Woestenraedt, ancien chanoine à la cathédrale de Tournai demeurant rue du Cygne à Tournai vend à MM Piat François Joseph Lefebvre Boucher et Louis François Xavier De Clercq, tant pour eux que pour leurs héritiers « la terre ci-devant fief et seigneurie de la Marlière » En plus du fief initial quelques autres terres, que nous n’avons pas pu localiser, pour un total d’environ 2 hectares faisaient aussi partie de la transaction

L’acte dit aussi que le château et le jardin sont occupés par De Clercq. C’est le début du siècle et l’aube d’une ère nouvelle, le fief et la seigneurie ont vécu. Jusqu’en 1920 la Marlière va rester la propriété de Lefebvre et De Clercq et leurs descendants. Ce sera aussi une ère d’extension et de faste que nous présenterons dans un futur article.


[1] A. HOCQUET, Tournai et l’occupation anglaise, H. et L. Casterman, Tournai, 1901.

[2] A. DE LANNOY, Les sires de Cordes, marchands puis nobles, seigneurs du Biez, de la Marlière et de Guissignies, dans Revue Le Parchemin 1979 p. 451

[3] GENEAWIKI, Site internet, Belgique Wattripont

[4] Tournai, A.C.T., Livre des rapports du chapitre, Registre 70, 1599, P.14.

[5] Tournai, A.C.T., op.cit

[6] Tournai, A.C.T., Rapport et dénombrement des biens de l’évesché de Tournay tenus en fief du Roy, donné par Maximilien évesque le 4ème de mars 1628, Registre 79

[7] Tournai, A.C.T., Registre des plaids du bailli et des hommes de fief et des juges cottiers de la seigneurie de la trésorerie, Fonds de la trésorerie, numéro provisoire 11, p. 5.

[8] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 5

[9]A.A.M. HOVERLANT DE BEAUWELAERE, Essai chronologique pour servir à l’histoire de Tournay, A Tournai chez l’auteur Quai des Salines 1806, tome 9,  pp. 18 à 60.

[10] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 7

[11] F HENNEBERT, Ephémérides tournaisiennes, Imprimerie Hennebert frères, Tournai, 1841 p 18.

[12] Cette photo nous a aimablement été transmise par Mme Mireille Beernaerts T’Sas fille de Denise Horlait.

[13] Tournai, A.C.T., op. cit., Registre des plaids ….p. 9

[14] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, Notices généalogiques tournaisiennes dressées sur titres, Vasseur Delmée, Tournai, 1881 : Tome 1 p. 566

[15] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, op. cit.

[16] F. DESMONS, Extension territoriale du Tournaisis et de la banlieue de Tournai au XVIIe siècle, dans Annales histoire archéologie de Tournai T XIV , 1909,  p. 1-33

[17] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 134

[18] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 135

[19] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, op. cit., p 644

[20] Tournai, A.É.T., Archives de la communauté d’Orcq, N° 35

[21] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 177

[22] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p 184

[23] F. BRASSART,La féodalité dans le Nord de la France : histoire du château et de la châtellenie de Douai, Tome 1, 1877.

[24] Tournai, A.C.T., op. cit., Registre des plaids ….p. 219

[25] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, op. cit., p. 644.

[26] P DE LA HAMAYDE (†1711), Le livre noir du patriciat tournaisien, dans Souvenirs de la Flandre wallonne Tome III 2éme série, L. Crépin éditeur, Douai, 1883, p. 9.

[27] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 223.

[28] LISTE, des titres de noblesse accordés par les souverains des Pays Bas de 1659 à 1794,  A. Vandaele Libraire éditeur, Bruxelles, 1847.

[29]A. PASTURE et F JACQUES, Une description des paroisses de Tournai, Palais des Académies Bruxelles, 1968.

[30] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 278

[31] Tournai, A.C.T., Fonds des localités Orcq, N° 672

[32] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 301.

[33] Tournai, A.É.T., Registres paroissiaux d’Orcq.

[34] A.A.M. HOVERLANT DE BEAUWELAERE, Essai chronologique pour servir à l’histoire de Tournay, A Tournai chez l’auteur Quai de l’Arsenal, 1812, Tome 102, p. 73.

[35] L. PRUDHOMME, Révolutions de Paris dédiées à la nation – 12 7 1789, Rue des Marais Paris 1790

[36] A.A.M. HOVERLANT DE BEAUWELAERE, op. cit., Tome 38, p. 73.

[37] Tournai, A.É.T., Archives de l’enregistrement de Tournai, Volume 18, N° 144.

[38] Tournai, A.C.T., Terrier des faubourgs et pouvoirs de cette ville, Terrier Nº 48, 1791.

[39] Tournai, A.É.T. Archives de l’enregistrement, Volume 18, article 144.