Les seigneurs de la Marlière à Orcq de 1500 à la fin de l’Ancien Régime

Durant l’Ancien Régime, la Marlière était une seigneurie dépendant de l’office de la trésorerie de la cathédrale de Tournai, elle s’étendait sur 2,5 bonniers soit environ 3 hectares. Elle était située non loin du centre du village à l’endroit où se trouve le château actuel de la Marlière, propriété de la famille Letartre. Au XIXe siècle ses propriétaires l’ont agrandie. C’est maintenant un très beau parc privé d’une vingtaine d’hectares.

1. Les de Cordes seigneurs de la Marlière au XVIe siècle

La soumission de la ville de Tournai aux Anglais en 1513 a été relatée dans un document disparu dans la tourmente de mai 1940, il est intégralement reproduit dans un ouvrage d’Adolphe Hocquet[1]. Dans ce document il est écrit qu’Henri VIII logeait, à l’occasion du siège de Tournai au château de la Marlière appartenant à Jacques de Cordes.

Plusieurs auteurs se sont penchés sur la généalogie de cette famille (du Chastel de la Howardries, Van der Heyden…) Une synthèse beaucoup plus récente a été publiée en 1979[2]. De Lannoy s’est intéressé à beaucoup de familles importantes de la région de Celles, Renaix, Leuze. Bien que les seigneurs de la Marlière soient originaires de Tournai il est probable qu’ils descendent des de Cordes de Waudripont (Wattripont), ce lien proche de la région mentionnée plus haut explique pourquoi cet auteur s’est intéressé à cette famille. Il donne la lignée des « seigneurs de la Marlière à Orcq » qui suit sous 1.1.

DE CORDES 2.jpg

 « Le cri de guerre de la maison de Cordes, branche cadette de la maison de Waudripont était : « Cul à cul Waudripont !, allusion aux deux lions adossés figurant sur les armoiries des chevaliers de Cordes. Ces armes étaient « D’or à deux lions adossés de gueules, les queues passées en sautoir, armés et lampassés d’azur ». Elles rappelleraient la vaillance – légendaire – de deux frères Waudripont, qui combattirent en lions les infidèles en Palestine, et qui moururent après avoir gardé quelque pont ou passage, dos contre dos. »[3]

1.1.  Jacques de Cordes

Écuyer et seigneur de la Marlière par achat fait le 2 5 1503.

Il faut ici ajouter que l’auteur ne dit rien de plus sur cette seigneurie, de plus amples renseignements seront trouvés en consultant le « Livre des rapports du chapitre 1599 »[4] – ce registre donne l’étendue de la seigneurie de la Marlière qui est en 1590, de 2.5 bonniers à Orcq. Cette seigneurie dépend du chapitre de la cathédrale de Tournai. Nous supposons qu’au début du XVIe siècle elle avait les mêmes statut et étendue. La destruction des archives de la cathédrale en 1566 lors des guerres de religion ne nous a pas permis d’avoir de plus amples renseignements à ce sujet.

Jacques de Cordes était marchand domicilié à Anvers en 1498 et encore dans la même ville en 1525. Il épousa Marguerite Taets ou Tasse, fille de Jehan originaire de Tournai en 1498. Jacques de Cordes est décédé le 12 mai 1533.

En 1535 il est qualifié de chevalier. Le couple eut plusieurs enfants dont :

1.2. Jehan de Cordes

Seigneur de la Marlière il est décédé le 11 juin 1536 et est inhumé le 12 à Anvers-Notre Dame. D’un premier mariage avec Josine Van Groesdonck décédée en 1534 il eut :

1.3. Jean de Cordes

Seigneur de la Marlière. Déjà orphelin de mère, il avait au plus 9 ans lorsque son père est décédé et c’est son oncle Jacques de Cordes qui devint son tuteur. Il épousa le 19 avril 1547 Isabelle Preunen. Il mourut  en 1579. Le couple a eu 8 enfants dont aucun n’est cité par de Lannoy comme seigneur de la Marlière. Un des enfants prénommé également Jean (1549-1616) qui n’eut pas de postérité a adopté Jean Charles de Renialme, le fils aîné de sa sœur, Marie, qui avait épousé Ancelot ou Lancelot de Renialme. De Lannoy  dit aussi que Jean Charles de Renialme est seigneur de la Marlière.

Cependant,dans le « Livre des rapports du chapitre »[5] on cite en juin 1590, dans le dénombrement des fiefs mouvant de la trésorerie : « La terre et seigneurie del Marlière à Orcq contenant deux bonniers et demi, occupée par Jean de Cordes fils de Jacques, présentement par Jacques Frayere ». On ne sait donc pas exactement qui était le seigneur de la Marlière entre 1579, année de décès de Jean de Cordes et environ 1610 date approximative de la majorité de Jean de Cordes Renialme né entre 1574 et 1578.

1.4. Jean Charles de Cordes Renialme

Seigneur de la Marlière. Il fit trois mariages successifs avec : 1 Isabelle Van der Dilft, 2 Jacqueline de Caestre et 3 Isabelle de Robiano.

Il mourut le 18 août 1641 et est inhumé dans la cathédrale d’Anvers.

Jean Charles de Cordes Renialme et sa deuxième épouse Jacqueline de Caestre furent peints par Rubens ou Van Dyck.

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 JACQUELINE DE CAESTRE.jpg

 

 

 

 

 

Portraits de Jean Charles de Cordes Renialme et de Jacqueline de Caestre son épouse Musées royaux des Beaux Arts Bruxelles

L’attribution des tableaux à Rubens n’est pas absolument certaine, en effet, certains auteurs croient qu’ils ont pu être peints par Van Dyck

2. Les seigneurs de la Marlière au XVIIe siècle

Faire relief ou relever un fief : nous ne croyons pas superflu de rappeler la définition de cette notion qui reviendra souvent dans la suite du texte. La notion de propriété était bien différente dans l’Ancien Régime de ce qu’elle est maintenant. On « tenait » un fief d’un seigneur de rang supérieur et ce seigneur pouvait être ecclésiastique comme c’est le cas pour la Marlière qui était tenue de l’office de la trésorerie de la cathédrale de Tournai. A chaque décès soit de celui qui tenait le fief ou du seigneur à qui appartenait le fief, le tenant devait relever le fief moyennant paiement et dans les 40 jours faire le dénombrement ou description du fief. Si ces formalité et paiement n’étaient pas accomplis, il était déshérité du fief et un remplaçant entrait en fonction.

2.1. Charles et/ou Maximilien de Martigny

Nous avons vu sous le point 1.4., plus haut, que le dernier membre de la famille de Cordes qui a été seigneur de la Marlière était Jean Charles de Cordes Renialme décédé en 1641. La seigneurie cependant dut être cédée avant cette date, car dans un dénombrement des biens de l’évêché fait en 1628[6] on apprend que c’est Charles de Martigny qui tient le fief. La partie de ce dénombrement concernant la Marlière est reprise ci-dessous :

« Mr Charles de Martigny chanoine dudit Tournay tient en fief la Justice et seigneurie de le Marlière, consistant en une maison, jardin, fossetz, chingles, bois, terres labourables et heritages gisans a Orcq , enclavé au pouvoir et banlieu dudit Tournay, contenant deux bonniers et demy de grand ou environ. Y ayant deux hommages, hostes et tenables audit lieu d’Orcq avecq plusieurs rentes seigneuriales deües et plusieurs fiefs en tenus, s’y appertient audit fief d’avoir bailly, lieutenant, juges cottiers sergeans, messiers et amendes de soixante sols loniens et endessous quand le cas y eschet »

C’est la première description détaillée que nous ayons pu trouver du fief de la Marlière. Le dénombrement laisse supposer que la seigneurie est d’une certaine importance  puisque plusieurs fiefs en dépendent et la justice y est rendue par un bailli, un lieutenant et des juges.

Le mot chingle doit être compris dans le sens de clôture. En prenant comme référence le bonnier de Tournai qui était équivalent à 1.17 ha, la surface de la seigneurie est de 2.93 ha soit environ 3 ha.

Les tenants successifs du fief sont ensuite retrouvés dans un registre conservé aux A.C.T.

Le 24 novembre 1635 Maximilien de Martigny fait relief du fief de la Marlière.[7]

2.2. La famille Carpentier

Le 18 12 1635 Anne Carpentier demeurant à Anvers, « fille à procuration », pour reprendre les termes exacts du texte, de Marguerite de Martigny veuve d’Adrien Carpentier comparaît pour représenter sa mère à l’occasion du décès de messire Charles de Martigny vivant chanoine à Tournai pour faire valoir ses droits sur le fief de Marquain et de la Marlière[8]. Maximilien / Charles ces deux prénoms différents sont étonnants – Entre 1629 et le 16 novembre 1635 Maximilien de Martigny est parrain lors de 4 baptêmes à Orcq et Charles lors de deux. Il est probable que Charles et Maximilien de Martigny ne sont qu’une seule et même personne.

Dans un nécrologue des chanoines de la cathédrale de Tournai,[9] on cite Antoine de Martigny devenu chanoine le 19 8 1583 et qui a démissionné en 1586. Cette même année on cite aussi Charles de Martigny devenu chanoine le 21 7 1586.

On peut supposer que Charles/Maximilien de Martigny était un proche parent de Marguerite de Martigny.

Le 29 3 1637 Anne Carpentier comparaît à nouveau devant les hommes de fief de la trésorerie de la cathédrale en son nom et celui de ses sœurs Barbe et Charlotte suite au décès de leur mère Marguerite de Martigny[10]. Elle relève le fief.

Le 15 9 1637, les consaux font abattre les bancs plaidoyables et le pilori nouvellement établi contre la maison de la Marlière[11].

Ce pilori a été retrouvé vers 1930 dans le parc de la Marlière par Denise Horlait fille de Gaston Horlait qui avait acheté la propriété en 1920. Ce dernier a fait reconstruire le pilori près de son habitation nouvellement construite. La photo ci dessous montre Denise Horlait le jour de son mariage à Orcq, en 1935 avec Robert T’Sas et leur nièce Thérèse Blaton[12]. Le pilori est actuellement à nouveau démonté, car il était devenu gênant pour la circulation des voitures des propriétaires actuels. Notre espoir est qu’il retrouve un emplacement d’où il pourrait être admiré de tous.

PILORI TSAS HORLAIT 1935.jpg

Le 26 1 1640 Anne et sa soeur Charlotte Carpentier comparaissent devant les hommes de fief de la trésorerie de la cathédrale en qualité de tutrices et administratrices des personne et biens d’Henri Carpentier leur neveu, fils de leur frère Alexandre, de son vivant seigneur de Marquain et de la Marlière[13]. Cette délégation résultait d’un acte testamentaire passé par feu le seigneur de Marquain le 16 juillet 1639. Elles sont admises « au relief de le seigneurie de la Marlière » et prêtent ensuite le serment pertinent.

Ce testament en date du 16 juillet 1639 est cité également dans les notices généalogiques de du Chastel et il ajoute qu’Alexandre Carpentier est décédé avant le 2 septembre de la même année[14].

Ne connaissant pas la date de naissance d’Henri, nous ne savons pas quand il est devenu majeur et seigneur de la Marlière mais il a épousé le 12 septembre 1654 à Tournai St Jacques Marie Madeleine de Cordes. Leurs deux premiers enfants, des fils, sont nés à Tournai à la suite desquels ils ont encore eu 7 filles dont 5 sont nées à Orcq.

L’acte de baptême, dans les registres paroissiaux d’Orcq, de l’une des filles du couple est particulièrement intéressant :

“Le 15 de décembre 1664  fut baptisée en la chapelle du chasteau par la permission de Mgr le révérendissime évêque de Tournay, Anne Philippine de Carpentier fille de Henry et Marie Magdelaine de Cordes Sr de Marquain. Parain fut le viscomte d’Odregnie Mgr André Philippe de Gand dit Villain paroissien de Nre Dame en Tournay. Marine de la paroisse de Sainct Jacques en Tournay”

 Cet acte de baptême nous apprend que le château possédait sa propre chapelle à cette époque.

A ce stade, on peut reprendre une brève généalogie de cette famille extraite de la généalogie de Cordes[15]

Adrien de Carpentier et Marguerite de Martigny  que du Chastel désigne erronément par Marie de Montigny,dont

      Anne

      Charlotte

      Barbe

      Alexandre dont

            Henri de Carpentier qui épouse Marie Madeleine de Cordes fille de Maximilien et d’Antoinette le Clercq

Tournai a acquis en 1673 le « Quart de Marquain »[16]. Orcq, avant cette date, était limité à l’ouest par le Rieu d’Orcq et cette acquisition de la ville de Tournai dont Orcq dépendait a augmenté son territoire d’une portion située entre le Rieu et le Quennelet à Marquain. Ce « Quart de Marquain » a été cédé par Henri de Carpentier seigneur de Marquain et de la Marlière. Etant lieutenant au régiment royal de cavalerie wallonne et désireux de se mettre en équipage il avait besoin d’argent et avait proposé à la ville de Tournai de lui racheter les droits seigneuriaux afférents au « Quart de Marquain » soit 150 hectares et 6 maisons, avec haute, moyenne et basse justice.

Henri de Carpentier, le 14 juin 1672, signe un acte Decarpentry.

Il faudra attendre 1678 avant qu’il soit encore fait mention de la Marlière dans le Registre des plaids.

Le 12 décembre de cette année le temporel de la trésorerie de la cathédrale constate que le fief n’a pas été relevé et que son dénombrement de même n’avait pas été fait depuis le décès d’Henri Carpentier seigneur de la Marlière[17].

On a pu lire plus haut qu’Henri Carpentier avait vendu le « Quart de Marquain » en 1673. Son décès se situe donc entre cette année et 1678, mais sans doute plus près de 1678, car le temporel de la trésorerie n’aurait probablement pas attendu 5 ans avant de réagir à un défaut de relief.

2.3. La famille Desmartin

DESMARTIN.jpgLe 22 décembre 1678, Nicolas François Desmartin, écuyer, seigneur d’Hurtebize comparaît devant le temporel de la trésorerie pour y présenter le décret par lequel la terre et seigneurie de la Marlière lui a été adjugée le 15 novembre 1678 par-devant le lieutenant général du baillage de Tournai. Cette terre étant tenue et relevant du temporel de la trésorerie de la cathédrale, il demande d’en être « adhérité ». Après acceptation il prête le serment d’usage et devient de ce fait le nouveau seigneur de la Marlière[18].

Nicolas François Desmartin appartient à la branche de Casau de cette famille, leurs armes se décrivent comme suit : d’azur à, la bande d’or, accompagné de deux étoiles du même, à six rais (ce sont les armes des Desmartin seigneurs du Foresteau) chez les Casau l’écu est brisé par l’adjonction d’un croissant de sable posé sur le chef de la bande. Cimier : une gerbe de blé d’or, liée d’azur.[19]

Nicolas François Desmartin est né à Tournai le 20 janvier 1651 et décédé avant le 22 septembre 1700. Il avait épousé Anne Monique Françoise Hovine à Tournai le 28 mai 1670. Les six premiers enfants du couple sont nés à Tournai, le sixième, Jean Baptiste le 20 mars 1679 soit quelques mois après que les Desmartin deviennent propriétaires du fief. L’enfant suivant Marie Adrienne est née à Orcq le 19 12 1680, elle fut suivie par 6 frères et sœurs tous nés à Orcq. Le couple a donc eu 13 enfants. Les dates de naissance montrent que le couple s’est installé à Orcq vers 1679-1680.

Entre 1683et 1685,un différend oppose le seigneur d’Hurtebise au collège des laboureurs de l’ancien pouvoir de Tournai à propos de tailles dues par la seigneurie de la Marlière[20]. N. F. Desmartins se défend, en disant que le fief de la Marlière n’est pas de la juridiction de la ville de Tournai mais relève de la trésorerie de la cathédrale qui elle-même relève immédiatement du roi « à cause » de la cour de Maire en Tournaisis.

Le 12 mars 1695 à la requête de François Carpentier, huissier de la chancellerie près de la cour du parlement de Tournai et le 14 mars à la requête de Pierre de Groot habitant à Rumes, la Marlière est saisie et « mise sous la main » pour défaut de paiement de plusieurs dettes[21]. Ces ennuis d’argent se sont sans doute arrangés, car Anne Monique Françoise Hovine l’épouse de Nicolas François Desmartin relèvera le fief après son décès (voir ci-après point 7 Les seigneurs de la Marlière au XVIIIe siècle)

3. Les seigneurs de la Marlière au XVIIIe siècle

3.1. La famille Desmartin (suite)

Le 22 septembre 1700, Anne Monique Françoise Hovine se présente en face des hommes de fief de la trésorerie de la cathédrale pour relever le fief de la Marlière suite au décès de son mari[22]. Elle décédera à Orcq le 14 juillet 1714.

En 1702 on trouve une référence à Adrien Joseph des Martins écuyer Sr de Rosbecq, Hurtebize, la Marlière etc, le second fils de Nicolas Joseph Desmartin et Anne Monique Françoise Hovine qui avait épousé une veuve, Mme de Nébra[23]. Antoine, le frère aîné d’Adrien étant décédé en 1695 ce dernier était  donc en position de devenir seigneur de la Marlière. Le registre des plaids n’a cependant pas gardé de trace qu’il ait relevé le fief. Mais on verra ci-dessous que des négligences avaient été commises dans les formalités à accomplir pour pouvoir valablement relever le fief.

En octobre 1716 Thomas Joseph Bonnet comparaît à la trésorerie de la cathédrale[24] en tant que « curateur commis aux biens abandonnés par les enfants de feu Dame anne monique françoise hovines Douairière d’hurtebise tels que jean baptiste Desmartin, nicolas françois joseph Desmartin, et damelle marie therese joseph Desmartin demts à Orcq, gilbert grangé en action de Damelle marie joseph Desmartin son épouse, et la Damelle veuve du Sr albert Roupin en qualité de mere grande et tutrice legitime Des Enfans mineurs delaissez par feu le Sr claude françois joseph Desmartin et Reine marie Roupin vivant conjoincts »

Comme on peut le constater le relief a été fait avec un retard conséquent puisque la veuve Desmartin était décédée depuis plus de deux ans. Le réquisitoire de Thomas Joseph Bonnet est d’ailleurs élogieux à ce sujet car il « s’adresse à vos Seigneuries les supplians estre servy de  l’authoriser à faire ledit relief » pour éviter « par ce moÿen causer grand Domage et interest à ladite curation »

Aucune raison n’est donnée à ce retard : ennuis financiers ? négligence ?

Le relief est accepté et le droit de 60 sols lonisiens payé.

Du Chastel de la Howardries fait remonter la généalogie des Desmartin (branche de Casau qui est celle d’Orcq) au début du XVIsiècle[25], mais prudemment il dit « Cette branche étant fort obscure, avant 1632, je ne la prends sous ma responsabilité qu’à partir de cette date » c’est-à-dire à l’époque du père de Nicolas François Desmartin. Il faut dire qu’il avait préfacé  la reproduction d’un ouvrage ancien disant que le grand-père de Nicolas François était un valet du comte de Middelbourg ![26]

3.2. La famille Locquerelle et Louis François Druez

LOCQUERELLE 5 CLICK.jpgLe 7 12 1720, on apprend les circonstances de la mutation de propriété du fief[27]. On fait valoir à Nicolas François Joseph Desmartins fils demeurant alors au château de la Marlière qu’en date du 18 mai 1688 ses parents ont « vendu chacun pour le tout au profit de l’office de la Présentation de Notre Dame fondée en la cathédrale de cette ville, 150 livres tournois de rente héritable par an » et qu’il était en défaut de paiement de cette rente depuis 16 ans. L’huissier d’armes à cheval passe à la Marlière le 25 juin 1720 et fait commandement à N. F. J.  Desmartins de payer dans les trois jours. La dette n’étant pas apurée, l’huissier repasse à Orcq le 3 juillet pour saisir les bâtiments et terres constituant le fief.

La mise en vente est annoncée à la bretècque de Tournai le 20 juillet 1720. Une première offre de 3860 livres tournois est faite par Georges Vinchent. Après avoir surenchéri c’est Etienne Delerue qui achète le fief pour 6145 livres 17 sols et six deniers tournois. Delerue était commandité par le sieur François Locquerelle dit Le Riche qui devient en septembre le nouveau seigneur de la Marlière.

Six ans plus tard le 20 juin 1726, il sera anobli par Charles VI avec la permission de pouvoir transférer le titre, par faute d’héritier mâle au fils de son frère avec le surnom de Marlière[28]

Les armes des Locquerelle sont, d’azur, au chevron d’argent, accompagné, en chef de deux coquilles renversées, et, en pointe, d’une tête et col de loup, le tout du même.

Le château a été complètement rebâti entre 1720 et 1728 par François Locquerelle dit le Riche[29].

DRUEZ 5CLICKS.jpgLe 10 3 1739 François Locquerelle dit le Riche, qui n’a pas d’enfants, fait donation à sa nièce Marie Madeleine Locquerelle épouse de Louis François Druez de la Seigneurie de la Marlière[30].  Suite à cette donation M. M. Locquerelle fait le dénombrement du fief le 14 mars 1739[31].

François Locquerelle meurt à Tournai St Jacques le 25 9 1739.

Marie Madeleine Locquerelle avait épousé à Tournai St Jacques le 7 janvier 1739 Louis François Joseph Druez baptisé à Tournai St Quentin le 28 mai 1715.

Les armes des Druez sont,  de sable, au sautoir d’argent, cantonné de 4 étoiles du même à six rais. (voir ci contre)

Le 14 1 1754 Marie Madeleine Locquerelle déclare « se déshériter, désaisir et dévestir du fief et seigneurie de la Marlière au profit de celuy, ceux ou celles qu’elle a disposés ou disposera par testament ou autres dispositions »[32]

C’est la dernière référence à la Marlière dans le registre des plaids.

Louis François Druez est parrain le 10 mars 1748 à Orcq de Louise Béghin, à cette occasion il est qualifié de « Toparcha de la Marlière » soit « Seigneur de la Marlière ».

Le 7 10 1765 M. M. Locquerelle est inhumée dans le chœur de l’église d’Orcq,  épouse de Louis François Druez « toparcha in Marquain et de la Marlière »

Louis François Druez « toparcha in Marquain et de la Marlière » décède à Orcq le 27 8 1771, il est inhumé dans le chœur de l’église.[33]

Une nouvelle église a été construite à Orcq en 1782 et la plaque tombale des époux Druez Locquerelle a été replacée dans le chœur, mais un plancher la recouvre actuellement la rendant inaccessible.

3.3. Le chevalier de Bonnes

Le chevalier de Bonnes fut seigneur de la Marlière sous Marie Thérèse[34].

La seule référence que nous ayons trouvée à propos d’un chavalier de Bonnes, relate l’ « Affaire du chevalier de Bone Savardin », accusé en 1790 du crime de « lèse nation ». Il est natif des Échelles, chevalier de St Louis, aide de camp du maréchal de Broglie, capitaine d’artillerie dans la légion de Maillebois, au service de la Hollande.[35] Je ne sais si il y a une relation entre le chevalier de Bonnes cité par Hoverlant et le chevalier de Bone Savardin.

On verra ci-dessous que la Marlière appartenait avec certitude, en 1782, à Charles Eugène Benoist de Gentissart. Puisque Louis François Druez est mort en 1771 et que Nicolas Toussaint, curé du village le qualifiait, à cette date, de seigneur de la Marlière et que Charles Eugène Benoist a vendu la propriété en 1782, il est possible que la Marlière soit passée dans ce laps de temps dans deux mains différentes.

3.4. Charles Eugène Marie Benoist de Gentissart

BENOIST DE GENTISSART.jpgEnsuite, Eugène Benoît de Condé qui acheta des lettres de baron fut propriétaire de la Marlière et il transféra sa propriété au comte de Woestenraedt[36].

Lors de la vente de la Marlière par de Woestenraedt à Lefebvre et Declercq[37] il est dit, concernant l’origine de la propriété, que de Woestenraedt l’a acquise le 13 novembre 1782 de Charles Eugène Marie Besnoit de Tournai. Ceci confirme donc ce qu’a écrit Hoverlant.

Charles Eugène Marie Benoist de Gentissart est né à Condé le 7 avril 1741 et est décédé à Tournai le 25 novembre 1804. Il avait obtenu le 16 septembre 1778 le titre de baron. Il avait épousé en premières noces, le 28 mai 1764, Marie Louise Henriette Visart de Bocarmé et en secondes noces, le 6 novembre 1779, Isabelle Marie Thérèse Caroline de Wulf.

3.5. Le chanoine comte Jean Christian de Woestenraedt 

Le comte Jean Christian de Woestenraedt a acquis la Marlière en novembre 1782.

Il était chanoine à la cathédrale de Tournai.

Cette famille est originaire de la principauté de Liège, dans le sud du Limbourg hollandais. Ils étaient barons et c’est PhilippDE WOESTENRAEDT.jpge Joseph Dieudonné de Woestenraedt qui a été créé comte par lettres patentes du 1 2 1744.

Leur blason est de gueules à la ramure de cerf d’or accompagné d’un cygne d’argent en cœur.

En 1825 le comte signe un codicille à son testament « dernier vivant des comtes et barons de Woestenraedt ». On peut donc supposer que cette famille s’est éteinte après son décès.

Sur un terrier de 1791 conservé à la cathédrale de Tournai (ci dessous), on peut voir comment se présentait, tout à la fin de l’ancien régime, le fief de la Marlière[38].

TERRIER 48 ORCQ CENTRE.jpg

Plan du fief de la Marlière. Tournai, A.C.T. Plan terrier N°48 1791

En 1803 le comte Jean Christian de Woestenraedt vend la Marlière pour 15000 francs à De Clercq et Lefebvre associés. L’acte a été enregistré à Tournai le 22 frimaire de l’an 12 soit le 14 décembre 1803[39] :

Jean Christian de Woestenraedt, ancien chanoine à la cathédrale de Tournai demeurant rue du Cygne à Tournai vend à MM Piat François Joseph Lefebvre Boucher et Louis François Xavier De Clercq, tant pour eux que pour leurs héritiers « la terre ci-devant fief et seigneurie de la Marlière » En plus du fief initial quelques autres terres, que nous n’avons pas pu localiser, pour un total d’environ 2 hectares faisaient aussi partie de la transaction

L’acte dit aussi que le château et le jardin sont occupés par De Clercq. C’est le début du siècle et l’aube d’une ère nouvelle, le fief et la seigneurie ont vécu. Jusqu’en 1920 la Marlière va rester la propriété de Lefebvre et De Clercq et leurs descendants. Ce sera aussi une ère d’extension et de faste que nous présenterons dans un futur article.


[1] A. HOCQUET, Tournai et l’occupation anglaise, H. et L. Casterman, Tournai, 1901.

[2] A. DE LANNOY, Les sires de Cordes, marchands puis nobles, seigneurs du Biez, de la Marlière et de Guissignies, dans Revue Le Parchemin 1979 p. 451

[3] GENEAWIKI, Site internet, Belgique Wattripont

[4] Tournai, A.C.T., Livre des rapports du chapitre, Registre 70, 1599, P.14.

[5] Tournai, A.C.T., op.cit

[6] Tournai, A.C.T., Rapport et dénombrement des biens de l’évesché de Tournay tenus en fief du Roy, donné par Maximilien évesque le 4ème de mars 1628, Registre 79

[7] Tournai, A.C.T., Registre des plaids du bailli et des hommes de fief et des juges cottiers de la seigneurie de la trésorerie, Fonds de la trésorerie, numéro provisoire 11, p. 5.

[8] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 5

[9]A.A.M. HOVERLANT DE BEAUWELAERE, Essai chronologique pour servir à l’histoire de Tournay, A Tournai chez l’auteur Quai des Salines 1806, tome 9,  pp. 18 à 60.

[10] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 7

[11] F HENNEBERT, Ephémérides tournaisiennes, Imprimerie Hennebert frères, Tournai, 1841 p 18.

[12] Cette photo nous a aimablement été transmise par Mme Mireille Beernaerts T’Sas fille de Denise Horlait.

[13] Tournai, A.C.T., op. cit., Registre des plaids ….p. 9

[14] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, Notices généalogiques tournaisiennes dressées sur titres, Vasseur Delmée, Tournai, 1881 : Tome 1 p. 566

[15] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, op. cit.

[16] F. DESMONS, Extension territoriale du Tournaisis et de la banlieue de Tournai au XVIIe siècle, dans Annales histoire archéologie de Tournai T XIV , 1909,  p. 1-33

[17] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 134

[18] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 135

[19] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, op. cit., p 644

[20] Tournai, A.É.T., Archives de la communauté d’Orcq, N° 35

[21] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 177

[22] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p 184

[23] F. BRASSART,La féodalité dans le Nord de la France : histoire du château et de la châtellenie de Douai, Tome 1, 1877.

[24] Tournai, A.C.T., op. cit., Registre des plaids ….p. 219

[25] P.A. DU CHASTEL DE LA HOWARDRIES-NEUVIREUIL, op. cit., p. 644.

[26] P DE LA HAMAYDE (†1711), Le livre noir du patriciat tournaisien, dans Souvenirs de la Flandre wallonne Tome III 2éme série, L. Crépin éditeur, Douai, 1883, p. 9.

[27] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 223.

[28] LISTE, des titres de noblesse accordés par les souverains des Pays Bas de 1659 à 1794,  A. Vandaele Libraire éditeur, Bruxelles, 1847.

[29]A. PASTURE et F JACQUES, Une description des paroisses de Tournai, Palais des Académies Bruxelles, 1968.

[30] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 278

[31] Tournai, A.C.T., Fonds des localités Orcq, N° 672

[32] Tournai, A.C.T., op. cit. Registre des plaids ….p. 301.

[33] Tournai, A.É.T., Registres paroissiaux d’Orcq.

[34] A.A.M. HOVERLANT DE BEAUWELAERE, Essai chronologique pour servir à l’histoire de Tournay, A Tournai chez l’auteur Quai de l’Arsenal, 1812, Tome 102, p. 73.

[35] L. PRUDHOMME, Révolutions de Paris dédiées à la nation – 12 7 1789, Rue des Marais Paris 1790

[36] A.A.M. HOVERLANT DE BEAUWELAERE, op. cit., Tome 38, p. 73.

[37] Tournai, A.É.T., Archives de l’enregistrement de Tournai, Volume 18, N° 144.

[38] Tournai, A.C.T., Terrier des faubourgs et pouvoirs de cette ville, Terrier Nº 48, 1791.

[39] Tournai, A.É.T. Archives de l’enregistrement, Volume 18, article 144.

Le Rieu de Maire

 LE RIEU DE MAIRE  –  B. Demaire et F. Dorpe

La source du Rieu de Maire à Orcq, est probablement alimentée par une importante nappe souterraine située entre deux couches de terrains crétacés.Des silex de l’époque néolithique ont été trouvés à proximité et non loin de là des débris de céramique et tuiles gallo-romaines.[1] Nous avons personnellement fait les mêmes observations non loin de la source.

Sur le territoire d’ Orcq le Rieu de Maire s’appelle « Rieu d’Orcq ». Les anciens du village appellent encore leur ruisseau sous le nom de « Les Rieux », nous verrons que cette appellation a un fondement.

La carte de l’Institut Géographique National au 1/25000 montre un cours relativement simple de direction SO – NO. La source se situe au centre du village à la Fontaine. Toujours sur la même carte on voit à hauteur de la propriété de la Marlière un petit affluent venant d’un étang de la propriété lui-même alimenté par un petit ruisseau dont on ne voit pas la source se jeter dans le ruisseau qui continue jusque la Marmite.

BAILLIEU 1709.jpg

Les cartes anciennes montrent un cours plus net de la partie qui traverse la Marlière. Le plus ancien plan que nous ayons consulté datant de 1582 montre la ville et les environs lors du siège de Tournai de 1581.[2] On y voit un ruisseau formé par deux sources distinctes, l’une étant la Fontaine actuelle  et l’autre se situant aux environs de la chapelle Notre Dame de la Paix. À l’ occasion de ce siège, le quartier général des assiégeants se trouvait au village d’Orcq et Farnèse, commandant les opérations, logeait au château de la Marlière. En 1513 le même château avait accueilli Henri VIII lors du siège de Tournai par les Anglais.

Plusieurs plans relatifs au siège de Tournai de 1709 , manifestement copiés les uns sur les autres, montrent la même disposition des lieux.

Toutes ces cartes, dont celle représentée ci-dessus[3] sont approximatives et l’église d’Orcq, à cette époque, ne se trouvait pas à l’endroit indiqué près de B. La source actuelle au centre du village A est ici dénommée Desnouville, alors que de Ferraris[4] (sous le nom Dernouville), le terrier de l’abbaye Saint-Martin[5] (sous le nom d’Ernouille – sans doute a-t-on voulu écrire Ernouville) et le terrier de la cathédrale de Tournai[6] (sous le nom d’Arnouville) situent la source de ce nom à la Marmite. En plus de cette graphie, j’ai pu retrouver : Fontaine des Mourvilles, Fontaine Desnonville, et Fontaine d’Ennonville.

La source B alimentait les douves du château qui existent encore. La partie B-C qui se trouve actuellement en grande partie sur la propriété de la Marlière a été canalisée et on ne sait plus très bien où elle se situe ni où se trouve la source. Il y a quelques années nous avons pu approcher, au foyer de l’Amitié situé non loin de la source B, un passage souterrain rempli  de plus d’un mètre d’une eau très claire.

FERRARIS BOURELLE 2.jpg

La carte de Ferraris renseigne encore une autre source se jetant dans le Rieu d’Orcq dont le nom est fontaine Bourelle (voir carte ci-dessus).

Cette source se situe à gauche de la rue Gaston Horlait, non loin de l’endroit où le Rieu passe en dessous de cette rue 3. Pour se repérer sur la carte on trouve en 1 la source principale du Rieu, en 2 la fontaine Bourelle, en 4 l’ancienne église perpendiculaire à la rue de l’église à cette époque et en 5 la ferme du Vieux Maire.

Cette source est actuellement complètement dérobée aux yeux du passant. Elle a été définitivement canalisée au début des années 1950 lorsque les Glorieux, propriétaires de la ferme qui se trouve à cet endroit, ont réalisé des travaux d’agrandissement. La source n’est pas tarie et son eau se jette dans le Rieu sous la rue Gaston Horlait, elle sert aussi à abreuver le bétail de la ferme.

Au nord de la propriété de la Marlière, la source B par l’intermédiaire des douves (voir photo de 1709 plus haut)  a alimenté un étang artificiel (voir plus bas  f carte OSM), repris sur la carte IGN, creusé en 1870 par Victor Crombez propriétaire des lieux. Une photo des années 1930 montre des ouvriers occupés au curage de cet étang.

Curage étang Marlière.jpg

Faute d’entretien cet étang s’est ensuite colmaté, mais tout récemment les propriétaires actuels de la Marlière l’ont à nouveau curé et rempli.

La carte (© OSM Open Street Map) ci-dessous aidera à clarifier le cours du Rieu dans la propriété de la Marlière. En 1 une petite mare d’environ 8 m de longueur continuellement remplie d’une eau claire alimentée par une source se jette après un court trajet d’une trentaine de mètres dans le Rieu d’Orcq. En b-c nous avons tracé le cours canalisé et souterrain supposé de la branche B-C reproduite plus haut sur la carte de 1709. Le plan de la ville de Tournai par Carlez Gaudy en 1829 (Tournai, A.É.T.) montre ce tronçon à ciel ouvert sous le nom de Rieu d’Orcq, malheureusement la carte s’arrête avant la source.

Carte OSM.jpg

En 2 un remous dans les douves indique une arrivée permanente d’eau qui est sans doute celle provenant de la canalisation b-c. En 3 on trouve une autre arrivée permanente d’eau qui est probablement l’indication d’une source supplémentaire. En d un trop-plein alimente une portion canalisée d-e qui se poursuit par un cours de ruisseau à ciel ouvert où l’eau coule par intermittence en cas de fortes pluies ou lorsque la vanne du trop-plein est baissée. Par le parcours d-f on peut alimenter l’étang dont on a parlé plus haut, ce dernier est aussi alimenté en cas de besoin par une pompe plongeant directement dans le Rieu.

Le Rieu d’Orcq poursuit ensuite son cours jusqu’à la Marmite. À cet endroit dans la plaine de jeux actuelle se trouve une autre source qui se jette dans le Rieu. Nous l’appellerons Fontaine d’Arnouville, bien que de nombreuses variantes existent et que certains auteurs aient employé ce nom pour désigner la Fontaine source principale du Rieu d’Orcq au centre du village (voir plus haut).

Le 12 février 1478, Maximilien d’Autriche, devenu l’époux de Marie de Bourgogne (la fille de Charles le Téméraire) arriva  devant Tournai. Il « rangea ses troupes en bataille vers le Poncelet d’Arnouville, avec leurs bannières déployées et plusieurs serpentines et engins à poudre devant eux. […] Les gens de guerre sortis de la ville à la rencontre de cette armée étaient divisés en trois corps : un capitaine du nom de Meurisse était posté derrière la bonne maison du Val d’Orcq, sur les champs, le seigneur de Buisset auprès de l’Esscorcequeval et le troisième corps en la vallée de Froyennes. Ce dernier seul s’escarmoucha avec les Bourguignons auquel il prit un cheval et blessa plusieurs hommes ; mais ceux de Tournai eurent plusieurs blessés et deux piétons tués. Ainsi ce déploiement de force qui, selon toute apparence, devait amener un combat sérieux n’eut qu’une escarmouche pour résultat et l’affaire en resta là[7]». En partant, Maximilien d’Autriche incendia Orcq et Froyennes.

À cet endroit le 21 août 1478, « deux Bourguignons furent pris en flagrant délit de pillage près le pont d’Arnouville à Orcq, livrés au lieutenant du bailliage et condamnés à être pendus le même jour au gibet de Maire, où ils furent menés sur un chariot traîné par deux juments qu’ils avaient volées[8]».

Ce lieu a eu son moment de célébrité en 1566, en pleine frénésie des guerres de religion. Le pont d’Arnouville a été le lieu de prêches calvinistes. Le 28 juin 1566 à onze heures du soir, Ambroise Wille, formé par Calvin, y tint un prêche qui avait attiré 6000 personnes. Deux jours plus tard, 10000 personnes se rassemblèrent au même endroit pour entendre un autre prédicateur : Pérégrin de la Grange. Toujours au pont d’Arnouville ce sont 20000 personnes qui se réunirent pour entendre, à nouveau Ambroise Wille le 7 juillet .[9]

Ces prêches se donnaient au pont d’Arnouville, car, les participants pouvaient, si les gens d’armes de Tournai arrivaient, passer le la rive droite du ruisseau sous la juridiction de Tournai et sa banlieue, à la rive gauche sur Froyennes sous la juridiction du Tournaisis.[10]

TERRIER ST MARTIN FONTAINE.jpg

Le plan ci-contre (le sud est en haut) est extrait du terrier de l’abbaye St Martin[11] Il montre le cours du Rieu de Maire sur le territoire d’Orcq entre sa source et la Marmite (en 222). On y voit au  niveau de la source, la Fontaine, un petit filet d’eau semble se jeter dans le ruisseau naissant, ce filet prend sa naissance sous « le pavé de Tournay à Lille ». Il y a là un pont très anciennement connu sous le nom de pont Royal. Une autre source probablement canalisée depuis très longtemps se situe sans doute plus loin et pourrait constituer une septième source du Rieu.

Les cinq à sept sources différentes du Rieu d’Orcq décrites ci-dessus et alimentant deux branches différentes du ruisseau sont, à notre sens, la raison pour laquelle, localement, le ruisseau s’appelle « Les Rieux ».

Aux XVIIIe et XIXe siècles, le Rieu d’Orcq entre la Fontaine et la Marmite, était un lieu de promenade réputé et fréquenté par la bourgeoisie tournaisienne. « Sous le règne de Louis XIV, cette délicieuse fontaine était le rendez-vous de la fashion du temps. On s’y rendait en foule dans la belle saison pour jouir de la fraîcheur de ses eaux et de l’abri de ses futaies séculaires ».[12]

Nous avons une bonne raison de croire que le nom d’Arnouville (et ses variantes) s’applique bien à la source de la Marmite – c’était du moins le cas en 1794 – on peut en effet, dans le registre des baptêmes d’Orcq[13] de cette année, lire, écrit de la main de l’abbé Morelle, curé de la paroisse à l’époque:

«Le 4 d’aoust 1794 j’ay baptisé Antoine Joseph Dernouville fils d’un père et d’une mère inconnu trouver hier vers les dix heures du soir proche de la maison de la veuve de Louis Hovine à la Marmite pouvoir de cette ville… »

Le 8 du même mois, un enfant paraissant âgé de 2 jours était déposé au même endroit.

On peut donc justement penser que la transformation récente, au centre du village, du nom de le rue de la Fontaine en rue de la Fontaine d’Arnouville est une erreur.

FERRARIS ERNOUVILLE 2.jpg

 Extrait de la carte de Ferraris qui montre la fontaine Dernouville ou Arnouville (au lieu dit la Marmite indication ajoutée à la carte originale)

 Nous n’avons pas trouvé de mentions ou de cartes relatives à des installations artisanales du type moulin ou autres le long du Rieu sur le territoire d’Orcq à l’exception de la Marmite où était installée vers la moitié du XIXe siècle, une blanchisserie de tulle. Cette blanchisserie qui avait des besoins importants en eau, la puisait à la source dans la propriété. On peut lire dans les rapports du conseil échevinal d’Orcq[14] :

Le 20 8 1842 :

Sous le point Commerce et Industrie, on dit que la blanchisserie de Tulle (à la Marmite – famille Boulogne) n’a pas transmis les informations demandées pour juger de l’importance de l’entreprise.

Le 22 11 1844 :

MM Boulogne frères introduisent une demande tendant à obtenir l’autorisation d’établir une machine à vapeur dans leur établissement de blanc et d’apprêt situé à Orcq, l’autorisation est accordée.

Le 20 9 1858 :

Sous le point Commerce et Industrie on lit que la blanchisserie qui existait à Orcq ne marche plus et les bâtiments ont été affectés à une autre destination étrangère à l’industrie.

Ces extraits des conseils échevinaux d’Orcq montrent que cette blanchisserie a existé, à la Marmite, au moins de 1842 à 1858. La Marmite appartenait à Charles Désiré de  Boulogne père (Joncourt France 1788 – Tournai 1864). Nous possédons en archives privées des comptes datant de 1849 à 1860, relatifs à la famille Boulogne et à la blanchisserie d’Orcq. Charles Désiré fils deviendra artiste peintre et s’établira à Paris, nous possédons le relevé de ses biens à son décès qui témoigne d’une très grande aisance financière. La Marmite deviendra la propriété de la fille de Charles Désiré fils, Élise Aimée née à Tournai le 3 décembre 1865 qui en fera donation aux salésiens de Don Bosco en 1948.

À la même date du 20 septembre 1858, on trouve aussi ce qui suit dans le rapport du conseil échevinal : « La disette d’eau qui se fait sentir dans notre commune, comme ailleurs, a fait réclamer les habitants de Froyennes contre deux prises d’eau pratiquées sur le Rieu d’Orcq. En présence des dispositions des articles 640 à 648 du Code civil on se demande si les habitants du territoire sur lequel un ruisseau s’écoule n’ont pas le droit d’y puiser toute l’eau qui leur est nécessaire pour leurs besoins journaliers avant de laisser passer le surplus à un hameau voisin dont les habitants vont puiser au même ruisseau qui traverse leur  localité, l’eau dont ils peuvent avoir besoin »

À partir de la Marmite le Rieu continue son cours en formant la limite entre Tournai et Froyennes, une autre carte extraite du terrier de l’abbaye Saint-Martin, nous en donne un plan détaillé jusqu’à son embouchure dans l’Escaut.[15]

TERRIER ST MARTIN RIEU ORCQ 1.jpg

Ce premier tronçon nous donne le Cours du Rieu entre la Marmite et la chaussée de Lannoy. Laissons à un historien local le soin de le décrire : « Autrefois, à 150 mètres du Pont d’Ernonville, le Rieu s’élargissait et formait une sorte d’étang. Ce dernier servait de réservoir pour l’alimentation en eau du moulin Brisé qui se trouvait 250 mètres plus bas. De ce moulin, il n’existe plus qu’une chute d’environ deux mètres de hauteur sous une des maisons du chemin des Mottes, au Petit-Maire. »[16]

La carte montre en effet, après la Marmite et sur la rive gauche un élargissement du ruisseau appelé « Les viviers ». On peut supposer que cette réserve d’eau servait à la fois pour élever des poissons et de réserve d’eau pour le moulin Brisé ou Brizé comme indiqué sur la carte.

TERRIER ST MARTIN RIEU ORCQ 2.jpg

Le dernier tronçon ci-dessus extrait également du terrier de l’abbaye Saint-Martin nous donne le cours du ruisseau entre la chaussée de Roubaix et l’embouchure sur l’Escaut. Cette partie est actuellement entièrement canalisée. Le plan montre au niveau de la parcelle J, l’ Welle qui se jette dans le Rieu de Maire sur la rive gauche. Laissons à nouveau la parole à l’historien Froyennois pour décrire ce tronçon :

Coulant sous le « pont du Moulin Brisé », le ruisseau pénètre dans l’ancien domaine des Mottes, aujourd’hui morcelé ; il rencontre le pont de l’ancienne cense des Mottes et une centaine des mètres plus loin, il reçoit l’Welle à sa gauche ; il continue alors son cours entre les anciens étangs des Mottes. Autrefois, il passait au pied du château de Maire et faisait tourner le moulin de Maire (Source des Mottes). Il arrive ensuite au pont de Maire [qui relie la drève de Maire à Tournai au faubourg de Maire à Froyennes] et coulant toujours vers le Sud-Est, il ne se jette plus dans l’Escaut comme autrefois, mais dans le collecteur des égouts de la ville de Tournai ».

À noter que dans la seconde moitié du XXe siècle, divers travaux de voûtement ont été réalisés depuis la Résidence des Mottes jusqu’au talus du chemin de fer.

La « Source des Mottes a été pendant la première moitié du XIXe siècle un lieu de délassement particulièrement apprécié des Tournaisiens. Cette carte postale des années 1900 en témoigne.

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  Déploiements de troupes, escarmouches, etc. au pont de Maire

Au fil des siècles, le Rieu de Maire et  le pont de Maire, ont été le théâtre de maints événements. Rarement heureux, bien souvent tragiques. Petit tour d’horizon :

§  c’est « depuis le Rieu de Maire jusqu’à la porte de Valenciennes et au couvent des Frères mineurs [17] », etc. que les Flamands installèrent leurs lignes, en août 1303[18], quand ils assiégèrent Tournai[19] ;

§  les Flamands étendirent à nouveau leurs lignes depuis – notamment – le Rieu de Maire[20] lorsqu’au début la guerre de Cent Ans[21], avec les Anglais, les Hollandais, les Allemands, etc., ils se lancèrent dans le siège de Tournai; quelques jours avant ce siège, une patrouille tournaisienne partie en reconnaissance à Ramegnies-Chin (où Édouard III et ses troupes étaient venus rejoindre les Flamands) fut repérée et poursuivie « jusqu’au pont de Maire ; là, l’ennemi fut arrêté[22] » et refoulé après une lutte acharnée au cours de laquelle le capitaine tournaisien Baudart-Quiéret et soixante de ses hommes perdirent la vie ;

§  ce ne sont pas les seuls Tournaisiensà avoir été tués aux abords immédiats du pont de Maire. Vers 1360, le bailli d’Ypres,Olivier Steeland, « vient un jour se présenter à la porte des Sept-Fontaines (qui donnait accès au quartier de la Madeleine à Tournai) avec soixante hommes armés  [bien résolu à se venger des Tournaisiens qui quelque temps auparavant avaient arrêté, puis pendu l’écuyer avec lequel il était venu appréhender un fauteur de trouble de sa région.] Il fait main basse sur le premier bourgeois qu’il rencontre et en blesse plusieurs autres qui fuyaient dans la ville ; puis il profère mille et une injures aux habitans, les défie et tempête aussi longtemps qu’il faut pour les décider à prendre les armes. Les Tournaisiens sortent enfin au nombre de 400 ; ils s’élancent vers lui enseignes déployées ; le bailli recule et bat en retraite à petits pas jusqu’au pont de Maire, qu’il passe avec précipitation, feignant de fuir. Les Tournaisiens s’empressent de passer le pont après lui ; il revint à la charge, et une volée de traits tirés de son côté fait tomber sur le carreau 36 Tournaisiens ; cela fait ; il se retira sans perdre un seul homme[23]. »

§  d’un autre côté, en 1382, après avoir infligé une lourde défaite aux Flamands à Rozebeke (Flandre occidentale), le roi de France Charles VI « à la tête de son armée victorieuse, vint loger à Tournai [et les magistrats tournaisiens], vêtus de blanc, allèrent le recevoir au Pont de Maire. Le [roi] traînait à sa suite beaucoup de prisonniers flamands[24] ». Parmi eux, non seulement des hommes, mais aussi des femmes et même des enfants ;

§  vaincus mais indomptés,  les Flamands vinrent deux ans plus tard « brûler les faubourgs [de Tournai], enlever un étendard suspendu à une porte de la ville [et mettre entre autres] le feu au pont de Maire [25]»;

§  le pont de Maire en a encore vu d’autres. Le 27 juin 1477, les Bourguignons qui avaient déjà mené divers raids dans le Tournaisis[26], traversèrent à l’aube le faubourg de Maire à Froyennes, franchirent le pont de Maire et s’avancèrent dans la drève de Maire à Tournai. Ils étaient environ 8.000. « Les capitaines de Tournai sortis à la tête de leurs gens repoussèrent l’ennemi jusqu’à Pont-à-Chin, où ils remportèrent une brillante victoire[27]. » Trois jours plus tard, les Bourguignons, qui s’étaient retirés à Espierres, vinrent incendier le faubourg de Maire à Froyennes. « Le lendemain, la garnison tournaisienne partit pour Espierres venger cet affront. La victoire se déclara encore pour elle. Le soir, elle revint parmi les débris fumants de Maire, ramenant en triomphe devant elle 1.000 prisonniers, le grand étendard aux armes de Bourgogne, dix-sept drapeaux aux armes de Bruges, l’Écluse, Courtrai, Thielt, Damme et autres villes de Flandres. Le butin  comprenait en outre vingt-sept guidons, trente couleuvrines, ainsi que toutes les tentes et les bagages des Bourguignons[28]. »

§  une escarmouche de plus s’est déroulée en 1667 au pont de Maire. Après avoir pris Bergues, Courtrai, Dixmude, Armentières, Charleroi et Ath, Louis XIV (qui était en guerre contre l’Espagne) s’attaqua à Tournai. L’investissement de la ville débuta dans la nuit du 20 au 21 juin. « Le même jour, 21 juin, quelques compagnies d’esleus[29] du régiment de Bruxelles  [qui avaient été envoyées en renfort] d’Audenarde où elles étaient en garnison […] se laissèrent couper et vaincre par les Français et ce par défaut de précaution. En effet, le 20 après minuit, arrivés [au pont de Maire], succombant à la fatigue, en attendant l’ouverture des portes[30], les esleus se couchèrent le long du chemin, sans prendre le soin de placer des sentinelles. Les [Français] les aperçurent, les surprirent dans leur sommeil, les réveillèrent à coups de pistolets et d’épées, s’emparèrent des uns, mirent en fuite les autres, si bien que de 400 qu’ils étaient, c’est à peine s’il pénétra une centaine dans la ville tant fuyards que blessés, avec leur major et quelques capitaines…[31]» ;

§  tout autre chose. Le 23 mai 1673 – on était alors en pleine guerre dite de Hollande -, on vit passer un fastueux cortège à la chaussée de Courtrai à Froyennes et au pont de Maire. C’était le Roi-Soleil en personne qui venait conduire la Reine à Tournai[32] avant de partir assiéger Maastricht (un siège qui dura deux mois) ;

§  il y eut aussi une taverne enseignée « Au Pont de Maire ». Elle existait déjà  à la fin du XVIIe  siècle. Elle était sise contre le Rieu de Maire immédiatement à droite en venant de Tournai. Elle était toujours là au XIXe siècle. Elle changea de dénomination et porta l’enseigne du Pont Royal quelque temps après que le Roi des Belges Léopold 1er – qui allait inaugurer le canal de Bossuyt – se fut arrêté à sa hauteur pour prendre congé du « Magistrat de Tournai » et recevoir les compliments du conseil communal de Froyennes. Cette taverne fut démolie vers 1885. À son emplacement, à la fin du XXe siècle, il y existait encore un café à l’enseigne du Pont Royal (c’est à présent le restaurant   « Léon 1893 »)[33] ;

§  par ailleurs, le 3 juin 1781, venant de Tournai, Joseph II passa par la chaussée de Courtrai à Froyennes et le pont de Maire pour se rendre à Courtrai[34].

§  lors de la Grande Guerre, les troupes alliées commencèrent à regagner le terrain perdu à partir de août 1918. Lens, Lille et Douai furent libérées par la 5e armée britannique le 17 octobre 1918. Le lendemain, l’offensive anglaise se précisa dans le Tournaisis. Bombardés, les Allemands furent forcés de reculer. Le 21 octobre, les Anglais arrivèrent au Trieu du Loquet à Froyennes, à Marquain, au Pic au Vent. Le 24 octobre,ils purent prendre position le long du rieu de Maire[35]. La rive gauche de l’Escaut à Tournai ne fut libérée que le 8 novembre1918;

§  au début de la guerre 40-45, lors de la bataille de l’Escaut, c’est notamment au faubourg de Maire à proximité du Rieu de Maire et du « Pont Royal » que le 6e bataillon britannique des « Lancashire Fusiliers » se retrouva face aux Allemands.  Les combats firent surtout rage le 21 mai 1940. Les Anglais perdirent la plupart des leurs aux alentours du talus du chemin de fer. Les blessés furent soignés au château de Beauregard à Froyennes où un poste de Croix-Rouge avait été installé (« L’Avenir du Tournaisis »  du 3 juillet 1972).

Les moulins à eau

Trois moulins à eau se sont échelonnés le long du Rieu de Maire. Leur existence « nous est révélée par des chartes de l’Abbaye Saint-Martin datées des XIIe et XIIIe siècles. […] En 1184, l’un d’eux a déjà vécu [il devait se trouver à proximité de la ferme des Mottes].

Le plus connu, appelé dans ces chartes « molendinum superior » était celui situé le plus en amont sur le ruisseau. Dénommé plus tard le « moulin Brisé », il est cité fréquemment dans l’histoire de Tournai et dans les actes conservés dans les archives communales de Froyennes. [Enfin, il y avait] le « molendinum inferior » ou « moulin de Maire » [qui] était situé aux abords du « pont de Maire », près des viviers de Saint-Martin, là où fut par la suite la propriété connue sous le nom de « Source des Mottes ». [Les moulins Brisé et de Maire] ne paraissent pas avoir survécu [au-delà] du début du dix-neuvième siècle[36].»

Le Péage

« Le Péage ou Payage était un fief  incorporel consistant en un droit de péage d’un patard prélevé sur chaque chariot chargé passant sur le pont de Maire, et ce, depuis le 29 juin jusqu’au 1er septembre de chaque année.

La bannière de ce fief était plantée sur la gauche du grand chemin royal de Tournay à Audenaerde (l’actuelle chaussée de Courtrai), à proximité du pont. Le détenteur du fief avait à sa charge l’entretien de ce pont, comme jouissant du droit de tonlieu.

Au XVIe siècle, le Péage appartient à Gervais de Cambry, seigneur de Corroy, du Payage, etc., bourgeois de Tournay. 

[Par la suite, ce fief revint à d’autres seigneurs. À la mort de Ignace-François Vranckx de Beauregard en 1757,] le Péage  passa à son fils Théodore-Antoine-Joseph Vranckx de Beauregard  (1748 + an VII). Celui-ci, en 1784, affermait le droit de péage deux cents florins l’an à un cabaretier du faubourg de Maire.

La Révolution française ayant aboli les droits féodaux, Théodore fut le dernier seigneur du Péage[37]. »

[1]J. BAUDET, Nouveaux gisements Préhistoriques, Protohistoriques et Romains dans le Tournaisis, Bulletin de la Société royale belge d’Anthropologie et de Préhistoire, 1939,  p.30, 31, 32 et 34.

[2] LEPOIVRE, Recueil de plans de villes et de châteaux, de fortifications et de batailles, de cartes topographiques et géographiques se rapportant aux règnes de Charles-Quint, de Philippe II et d’Albert et Isabelle, 1585-1622, Bibliothèque Royale de Belgique

[3] BAILLIEU, Plan de la ville de Tournay 1708

[4] J.J.F. DE FERRARIS, Carte de cabinet des Pays-Bas autrichiens,1771-1778

[5] Archives de l’État à Tournai, Terrier de l’abbaye St Martin, Fin XVIIIe siècle,

[6]Archives de la cathédrale de Tournai, Terrier 48, 1791

[7]Souvenirs et légendes des communes de l’ancien Tournaisis, Société royale d’Histoire et d’Archéologie de Tournai – section Arts et Traditions populaires -, 1990, p. 94.

[8]Souvenirs et légendes des communes de l’ancien Tournaisis, op. cit., p. 94.

[9]J. LOTHROP MOTLEY, La révolution des Pays-Bas au XVIIIe siècle, Librairie universelle Bruxelles 1859 T 2 p. 53

[10]F. DESMONS, Maire. Guide du Promeneur, Revue Tournaisienne, juillet 1909, p.125.

[11]Archives de l’État à Tournai, op. cit.

[12] J. BAUDET, Op. cit., p. 32

[13] Archives de l’État à Tournai, Registres paroissiaux d’Orcq

[14]Archives communales à Templeuve, Rapports des réunions du conseil échevinal d’Orcq

[15]Archives de l’État à Tournai, op. cit.

[16] A. VANDENNIEUWENBORG, Histoire de Froyennes, Charleroi, 1965, p. 166.

[17] A. CHOTIN, Histoire de Tournai et du Tournésis, Massart et  Janssens, Tournai, 1840, Tome I, p. 251.

[18]Un peu plus d’ un an après la bataille des Éperons d’Or ( juillet 1302). 

[19]Qui ressortissait alors directement au roi de France.

[20] A. CHOTIN, op. cit., Tome I, p. 294.

[21] Plus précisément en 1340.

[22] A. CHOTIN, op. cit., Tome I, p. 293.

[23]J.-B. FLAMME, Histoire de la ville de Tournay, Imprimerie de Massart et Janssens, Tournay, 1839, p. 81 et 82.

[24]A.F.J. BOZIERE, Tournai ancien et moderne, Édition Culture et Civilisations, 1160 Bruxelles, 1974, p. 543.

[25]A. VANDENNIEUWENBORG, Histoire de Froyennes, Charleroi, 1965, p. 210.

[26]Durant son règne, le roi de France Louis XI s’efforça notamment de briser la puissance de la maison de Bourgogne (qui avait pris beaucoup d’expansion). L’affrontement entre les deux parties dura des années.

[27]Souvenirs et légendes des communes de l’ancien Tournaisis, op. cit., 1990, p. 12.

[28]A. VANDENNIEUWENBORG, op.cit., p. 213.

[29]« Ces esleus constituaient une milice médiocre, véritable ramassis de gens inhabiles, indisciplinés, raisonneurs, rassemblés au petit bonheur… » (Fernand Desmons, La conquête en 1667, Casterman, Tournai, 1905, p. 78).

[30]La nuit, le pont de Maire était fermé par des barrières verrouillées.

[31] F. DESMONS, op. cit., p. 98.

[32] A. VANDENNIEUWENBORG, op.cit., p. 234.

[33] F.DORPE, Froyennes, de la Préhistoire au XIXesiècle, Cercle des Collectionneurs de Froyennes, 2011, p 45.

[34] A. VANDENNIEUWENBORG , op.cit., p. 253.

[35] A. VANDENNIEUWENBORG, op.cit., p. 262.

[36]A. VANDENNIEUWENBORG, op.cit., p. 170.

[37]A. VANDENNIEUWENBORG, op.cit., p. 61 et 62.

Ferme 22: rue de l’Eglise Sainte-Agathe, 17 Ferme du Vieux Maire

 

22 

POPP N° parcelle

A 200 

POPP Propriétaire

VARLET Napoléon 

Propr. ou Occupant actuel

VARLET Willy 

Adresse

Rue de l’Eglise Ste Agathe 17 Ferme du vieux maire 

Dernier exploitant connu

VARLET Willy 

Le terrier se trouvant aux archives de la cathédrale de Tournai et qui date de 1791 renseigne « La demoiselle Pétillon » comme propriétaire à ce moment.

Les archives de l’enregistrement conservées aux AET ont gardé une copie de l’acte de vente de la ferme par Séraphine Angélique Pétillon au couple Fidèle Varlet et Albertine Bracaval le 2 nivôse de l’an XII (12 12 1803) pour la somme de 2500 francs. Trois ans auparavant Fidèle Varlet avait acheté une autre ferme à Orcq (voir ferme N° 35)

Séraphine Pétillon a été baptisée à Hertain le 26 12 1749, elle était la fille de Charles François et de Marie Anne Descamps. Lors de la vente elle est rentière et habite Tournai.

Le premier porteur du nom Varlet à Orcq est Jacques Varlet époux de Marie Monet, le couple a eu 7 enfants nés à Orcq entre 1649 et 1661. IL est l’ancêtre des propriétaires de la ferme.

La ferme s’appelle encore maintenant « Ferme du vieux maire » le mot maire fait référence à l’occupation française (1792-1815), le premier maire d’Orcq en 1800 fut Fidèle Varlet et il le resta jusqu’en 1825. Il avait épousé Bertine Bracaval fille de Philippe Bracaval décédé en 1798 qui fut un des derniers notables d’Orcq d’ancien régime, il avait été grand doyen de l’ordre des laboureurs, pauvrisseur, égliseur et Maître de la confrérie de Ste Agathe, en termes actuels on dirait membre de la fabrique d’église et membre du CPAS.

Le couple a eu 7 enfants dont un  est mort en bas-âge. Les époux Varlet Bracaval ont partagé les terres entre 5 de leurs enfants et la ferme est revenue à Napoléon, à charge pour lui d’indemniser ses frères et sœurs car la valeur de la ferme était supérieure à celle de l’ensemble des terres (voir annexe ci dessous). De leurs enfants Louis seul a eu une postérité, il avait épousé Marie Agnès Dufay et étaient agriculteurs à Blandain où sont nés leurs enfants.

Napoléon n’a pas eu d’enfants, et est décédé en 1898.

La ferme passe ensuite aux descendants de Louis Joseph et son épouse Marie Agnès Dufay. Ils ont eu 7 enfants dont un seul, à ma connaissance, s’est marié, Auguste qui d’un premier mariage avec Catherine Vifquin a eu deux enfants morts en bas âge et d’un second avec Marie Joseph Duwez trois enfants dont Louis Varlet père 

VARLET LOUIS.jpg

Louis Varlet père

qui était au début du XXème siècle propriétaire de la ferme du Vieux Maire. Louis Varlet père fut bourgmestre d’Orcq de 1921 à 1946, il avait épousé Odile Fiévez. C’est leur fils prénommé également Louis qui leur succéda. Louis Varlet fils, qui fut prisonnier de guerre en 1940 45, épousa Marie Degallaix née à Orcq également, fille d’Henri et Anna Hennequin (voir ferme n° 3). Il fut le premier a posséder une moissonneuse-batteuse à Orcq vers 1957. C’est actuellement, en 2013, son fils Willy qui exploite la ferme.

VARLET LOUIS EQ.jpg

Louis Varlet fils lors de son service militaire

FERME VIEUX MAIRE 1950.jpg

Ferme du Vieux Maire vers 1950 – photo prise par Octave Collyns

 

ANNEXE : description des biens faisant partie de la donation de Fidèle Varlet et son épouse

Par devant Me Thiefry sont comparus Fidèle Varlet et son épouse Albertine Bracaval, cultivateurs à Orcq. Ils font donation irrévocable entre vifs, à Napoléon Varlet, leur fils, sans profession, demeurant avec eux à Orcq de l’immeuble et du mobilier dont la description suit. L’acte est passé au domicile des donateurs, à la ferme, à Orcq le 23 12 1840.

1 Un immeuble. Une maison de ferme avec un Ha deux ares 59 ca en fonds de bâtiments sur jardin et terre à labour le tout situé à Orcq, tenant au bas chemin ou ruelle, au pavé de l’église, au ruisseau de la fontaine d’Orcq et à une petite maison que les donateurs se réserveront avec 29 ares 31 ca faisant partie du terrain de ladite ferme.

2Mobilier. Les meubles, chevaux, vaches, ustensiles aratoires et autres objets mobiliers quelconques qui se trouvent tant dans ladite maison de ferme que sur le terrain en dépendant …

DESCRIPTION[1]

VALEUR

           Dans la cuisine

1

1 Fer à huile

1

2

1 Tour de cendre[2]

0,5

3

Crémaillère

1

4

Pincette, poêle à feu et tison

1,5

5

1 Potière[3] 

0,5

6

3 Pots de fer pour la soupe

3

7

3 Chaudrons en cuivre

6

8

5 Cruches au lait en cuivre

12

9

7 Pots d’étain

10

10

2 Marabouts[4]

4

11

10 Tourtières en cuivre dont 4 petites

12

12

2 Casseroles en cuivre

5

13

14 Plats, 1 terrine, et 2 assiettes le tout en étain

20

14

3 Douzaines d’assiettes à la soupe en porcelaine

18

15

1 Terrine en porcelaine dont les manches sont brisés

4

et un plat (son dessous)

16

1 Bouilloire et deux poêlons en cuivre

5

17

2 Carafes

3

18

1 Douzaine de verres à bière

3

19

1 Douzaine de verres à goutte

1,5

20

1 Bassinoire en cuivre

1

21

1 Douzaine de tasses à café et 2 sucriers, le tout en porcelaine

5

22

2 Moutardiers en porcelaine

0,8

23

2 Salières en porcelaine

0,7

24

1 Douzaine de couteaux

4

25

1 Douzaine de fourchettes

0,8

26

2 Galoises[5] et 1 marmite

1,5

27

8 Chaises

3

28

1 Table en bois blanc

5

29

1 Banc en bois blanc

1

30

1 Armoire en chêne le fond en bois blanc

3

31

1 Horloge avec caisse

18

Dans la place tenant à la cuisine

32

1 Fer à huile et tour de cendre

1

33

1 Crémaillère

0,5

34

1 Table avec toile cirée

0,6

35

1 Armoire en bois blanc

3

36

1 Garde robes en chêne

25

37

1 Petit secrétaire en chêne

1,5

38

1 Petite table en bois blanc

1

39

1 Chaise percée

0,5

40

1 Bois de lit en chêne

8

41

1 Miroir

0,5

           Dans la chambre suivante

42

1 Coffre en chêne

3

43

1 Commode en chêne

5

44

1 Vieille garde robes en chêne

7

45

1 Bois de lit en bois blanc

3

46

1 Paillasse, 1 travers, 2 couvertures de laine,

12

46

2 draps de lit, vieux rideaux

47

1 Bois de lit en bois blanc

3

48

1 Paillasse, 1 traversin, 1 couverture de laine, 2 draps de lit

9

49

2 Vieux coffres

1

50

1 Table en bois blanc

0,8

51

3 fers à gaufres

5

52

1 Vieux bois de lit en bois blanc, paillasse,

8

paire de draps, couverture en laine, 1 traversin

           Dans la salle à manger

53

1 Table en bois blanc et son tapis

6

54

1 Table avec toile cirée

2

55

12 Chaises et 1 fauteuil

18

56

1 Miroir

5

57

1 Bois de lit en chêne avec un matelas en laine

25

58

1 Commode

5

           Relaverie[6]

59

1 Tonneau à battre le beurre

6

60

1 Poêle en cuivre

2

61

1 Couloir pour le lait, 1 gros tamis et un fin[6 BIS]

1

62

2 Cuvelles à la crème

4

           Dans la cave

63

6 Teilles[7] au lait

1,5

64

1 Jantier[8]

0,8

65

1 Saloir

1,5

           Dans le fournil

66

1 Metz[9]

2

67

2 Douzaines de catoires[10]

2

68

1 Pelle et  fourquelion[11]

0,6

           Linge se trouvant dans différentes pièces de la maison

69

6 Serviettes

6

70

10 Paires de draps de lit

24

71

1 Nappe

6

           Dans divers endroits de la maison

72

1 Partie de pommes de terre

40

73

1 Partie de carottes

20

74

1 Partie de betteraves

10

75

18 Sacs en sayeux (?)

18

           Dans l’écurie

76

1 Cheval hongre âgé de 5 ans, poil gris, avec son harnais

350

77

1 Cheval hongre âgé de 8 ans, poil gris, avec son harnais

300

78

1 Jument de 18 ans poil rouge

80

79

2 Lits avec literie: 2 paillasses, 2 paires de draps,

15

2 couvertures et 2 traversins

           Dans l’étable

80

1 Génisse 18 mois poil noir

100

81

1 Vache 7 ans poil noir

155

82

1 Vache 8 ans poil noir et blanc

160

83

1 Vache 6 ans poil blanc

190

84

1 Vache 8 ans poil noir

160

85

1 Vache 9 ans poil rouge et blanc

170

86

1 Vache 7 ans poil noir

180

87

1 Vache 12 ans poil rouge

130

88

1 Génisse 1 an poil rouge et blanc

50

89

1 Génisse 10 mois poil noir et blanc

30

           Dans la grange

90

6000 Gerbes de blé à battre en froment et blazé[12]

800

91

1500 Gerbes de méteil[13]

180

92

3000 Gerbes escourgeon

400

93

350 Bottes de foin de prairie

120

94

1 Meule de grain et froment contenant 2000 gerbes

260

95

1 Meule d’avoine contenant 1800 gerbes

250

96

1 Meule contenant 400 gerbes de seigle,

146

300 d’hivernage et 1000 d’escourgeon de mars[14]

          Dans la petite grange

97

800 Gerbes de fèves

70

98

300 Gerbes d’hivernage

36

99

1 Cheval à faire coupage

1,5

           Dans le charil[15]

100

300 gerbes de paille de blé battu

40

           Dans le grenier

101

5 (mot illisible) de grain blazé

90

102

1 Partie de charbon

15

           Ustensiles de labour

103

1 Chariot à jantes larges, grand voie

300

104

1 Chariot à jantes larges

250

105

1 Chariot à petites roues

140

106

1 Charrette

70

107

1 Charrue

50

108

1 Mauvaise charrue

15

109

3 Herses

18

110

1 Tombereau

35

111

1 Binoir

10

112

8 Tonnes au pureau[16]

40

113

1 Tonneau à l’eau

4

114

1 Autre tonneau en mauvais état

1,5

115

2 Louchets

3

116

3 Ratoires

1,5

117

2 Houes

1

118

1 Plantoir pour pommes de terre

1

119

2 Râteaux de fer

1

120

2 Fourchiles[17]

1

121

4 Fourches

2

122

1 Banc, 1 tinet[18], 1 …… noir

3

123

4 Bernes d’osier pour chariot

6

124

3 Seaux

2

125

1 Moulin à vanner

15

126

1 Petit van

0,5

127

1 Boîte à mesurer le grain

2

128

3 Fléaux

1

129

2 Râteaux en bois

0,3

130

2 Corbeilles

0,5

131

2 Hez[19] pour le fumier

0,6

132

2 Echelles

8

133

Montures de 2 chariots à fumier

19

134

2 Sommiers en chêne

35

135

1 Partie de bois scié

20

136

1 Moulin à couper les pommes de terre

5

 

 

Soit une valeur totale de 6000 francs dont 95 % ayant trait à l’exploitation

Trois chevaux estimés à 730 francs

Sept vaches et trois génisses estimées à 1325 francs

Instruments chariots… estimés à 1200 francs

Produits en stock estimés à 2395 francs

Restent le mobilier, la vaisselle, les ustensiles de cuisine et le linge estimés à 350 francs.

Tout est utile et  on ne trouve pas le moindre objet de décoration.

Il est étonnant de constater qu’il n’y a pas de matériel de moisson qui soit repris dans l’inventaire.


[1] L’orthographe a été corrigée : on a noté par exemple terrine au lieu de thérine. Les termes picards sont restés tels quels et nous avons respecté quelques tournures de phrases locales : cruche au lait, cuillers à la soupe…

[2] Sans doute le cendrier de l’âtre sur lequel on dépose les bûches

[3] ARMINJON et BLONDEL, Objets civils domestiques-vocabulaire dans Inventaire général des monuments et richesses de France, Ministère de la culture, Paris, imprimerie nationale 1984 p 470, Potière: instrument de métal appelé aussi servante, utilisé pour supporter au dessus du feu, un récipient en cuivre dépourvu d’anse.

[4] L. JARDEZ, Glossaire picard tournaisien, dans Publications extraordinaires de la Soc. Roy. D’Hist. et d’Arch. de Tournai Tome VII 1998. Marabout : cafetière

[5] L. JARDEZ, op. cit. Galoisse : cruche, broc.

[6] L. JARDEZ,  Erlav’rie : petite pièce qui fait suite à la cuisine et où on erlafe l’vaisselle. Dans ce cas précis ce doit être l’endroit où on fabrique le beurre et ou on lave les ustensiles utilisés pour le fabriquer.

[7] L. JARDEZ, op. cit. Telle : récipient en terre cuite vernie, beaucoup plus large que profond et dans lequel on mettait le lait à reposer.

[6bis] Dictionnaire des dictionnaires, Librairie Rosez Bruxelles 1851, Couloir: écuelle ordinairement faite en bois, qui a, au lieu de fond, une pièce de linge par où on coule le lait en le tirant.

[8] L. JARDEZ, op. cit. Jantier : chantier, support pour placer des tonneaux en cave.

[9] L. VERMESSE, Dictionnaire du patois de Flandre française ou wallonne(1837-1865) réédition de 1994 p. 334 Mets : grand coffre pour pétrir le pain, huche.

[10] L. JARDEZ, op. cit. Catoire : paneton, petit panier en osier garni de toile dans lequel on met le pain à lever.

[11] L. JARDEZ, op.cit. Fourquéyeon : long crochet de fer avec manche en bois pour ramener les braises du four.

[12] L. JARDEZ, op.cit. Blé blazé : variété de blé du Nord de la France.

[13] Méteil : mélange de blé et de seigle appelé aussi golnée.

[14] Escourgeon de mars ou escourgeon de printemps (Hordéum vulgare aestivum)

[15] Lieu où on entrepose les chariots

[16] L. JARDEZ, Purieau : purin

[17] Fourchile : fourche à trois ou quatre dents, tandis que la fourche n’en a que deux.

[18] L. JARDEZ, op. cit. Tinet : Appareil en bois muni de chaînes avec à chaque extrémité, une sorte d’épaulière, qui servait à deux hommes pour porter un tonneau.

[19] L. JARDEZ, op. cit. Hée : trident recourbé, crochet à fumier

 

 

 

 

 

Henri VIII à la Marlière à Orcq lors du siège de 1513

En cette année 2013, il y a eu 5 siècles que la ville de Tournai a été conquise par Henri VIII. Le 13 ou le 14 septembre 1513, il établissait son quartier général à Orcq au château de la Marlière.

HENRI VIII 5C.jpg

Henri VIII Gravure de Gérard Valck d’après un portrait à l’huile d’Adriaan Van der Werf. (collection personnelle)

Sur la gravure on retrouve un poème consacré au roi :

J’estimai la vertu mais j’aimais trop le vice

Mes passions sans frein désoleront ma cour

Femmes et favoris se virent tour à tour

Comblés de mes bienfaits et trainés au supplice    

Pour écrire cette note nous nous sommes essentiellement basé sur une relation contemporaine des faits, des démêlés diplomatiques qui accompagnent la soumission de la ville de Tournai aux Anglais, que nous appellerons  le manuscrit 214 de la bibliothèque de Tournai. Ce document qui a  disparu dans la tourmente de mai 1940 est intégralement reproduit dans un ouvrage d’Adolphe Hocquet[1].

Sans entrer dans les détails de l’histoire du XVIe siècle, on rappellera qu’en 1513 une coalition comprenant le pape Léon X, le roi d’Espagne Ferdinand d’Aragon, l’empereur d’Autriche Maximilien et le roi d’Angleterre Henri VIII avait ouvert les hostilités contre la France.

Au mois d’août, Maximilien et Henri VIII, après avoir pris, pillé et détruit Thérouanne avaient, décidé de mettre le cap sur Tournai. La prise de Tournai qui affaiblissait la France convenait très bien à Maximilien même s’il  laissait la ville à Henry dont il savait très bien qu’il n’en tirerait pas grand-chose.

Dans la nuit du 9 au 10 septembre, un curé de village dépêché par le Seigneur de Wannehain vint avertir le Magistrat de Tournai que les Alliés marchaient contre la ville. Les habitants des faubourgs se réfugièrent dans la ville avec bétail et biens et on acheva de brûler les faubourgs et d’abattre les arbres[2]. Dans la destruction disparurent l’abbaye des Prés[3] et la maladrerie du Val[4].

Talbot, lieutenant général de l’armée anglaise, avait quitté Lille le mercredi 14 septembre pour venir camper à une lieue de Tournai sur le Mont Doré au midi du chemin de Lille entre Orcq et Marquain. Maximilien et Henri le suivaient. L’empereur logea au presbytère d’Orcq et Henri non loin de là « en une tour qui est une cense close d’eau ».Il semble que l’on doive lire « Mont d’Orcq » qui se trouve en fait au nord de la chaussée de Lille. Il est possible que les armées venant de Thérouanne soient arrivées par le chemin du même nom[5] auquel cas le Mont Doré se trouvait bien au sud. C’est d’ailleurs ce que pense Desmons qui en marge de ses notes manuscrites écrit en face de Mont doré : Mont d’Orcq ?[6] Une autre source donne comme date de l’établissement du quartier général anglais à Orcq le 13 septembre soit un jour plus tôt[7].

Le 9 septembre à Flodden dans le nord de l’Angleterre, Jacques IV d’Ecosse est défait par les Anglais et tué lors de la bataille. Sa cotte de mailles[8] et ses gantelets d’acier seront envoyés à Henri VIII qui les recevra à son campement de la Marlière le 20 septembre, la cotte de maille sera montrée à Maximilien[9]

Le 21 septembre, les plénipotentiaires tournaisiens chargés de la reddition rencontrèrent les alliés à Maire dans le bâtiment qui abritait le baillage de Tournai. C’est là qu’apprenant avec stupéfaction qu’ils devraient se soumettre à Henri plutôt qu’à Maximilien, ils demandèrent à rencontrer ce dernier qui les reçut au château des Mottes à Froyennes[10] où il résidait. Il était accompagné d’Henri. Le roi et l’empereur leur confirmèrent que Tournai serait investie par les Anglais. Il se peut qu’entre le 14 et le 21 l’empereur Maximilien ait quitté le presbytère d’Orcq pour le château des Mottes. Une autre chronique situe cependant cette rencontre à Orcq[11] : « L’empereur les voyant en son logis au villaige d’Orcque en genoulx, sans en avoir pitié, leur dict : Entrés, vous Tournisiens par trop incorrigibles… »

Le 23 septembre fut le jour de la capitulation, mais laissons la place au chroniqueur en reprenant le texte reproduit dans le manuscrit 214 :

« Le lendemain quy fut le vendredy, (donc le 23 septembre) de l’après disné, les quattre chiefz de ladicte ville avecq les deputez dessusdis et pluisieurs notables personnaiges de la ville en bon nombre tant de messeigneurs de l’église comme aultres, se trouvèrent vers ledit Roy en son camp en dehors d’Orque, du costé de la ville où il avoit fait tendre et dreschier une tente toute de drap d’or à forme de pavillon à ung lion d’or pardessus, laquelle estoit grande et fort riche et y avoit escript au dessus des bordures et rabastiaulx de alentour d’icelle en lettre Romaine « Dieu et mon droict » et venant de son logis quy estoit la cense et maison de la Marlière, appertenant à Jacques de Cordes, se vint bouter soulz ceste tente accompaignie de grand nombre de ses princes en moult beaux et riches accoustremens »

Ce texte est des plus intéressants puisqu’on peut conclure que la capitulation a été signée non loin d’Orcq vers Tournai dans une tente luxueuse érigée aux grandes occasions. Arrivant à cette tente Henri venait de son logis provisoire, la maison ou château ferme de la Marlière qui appartenait à ce moment à Jacques de Cordes. Il faut aussi apporter une petite correction à la relation des faits ; en effet la tente royale était surmontée d’un léopard d’or qu’on retrouve dans les armes des Tudor et non un lion ! Ce détail est d’ailleurs confirmé dans une autre chronique  dans laquelle on parle d’ « ung luppart acroupy, grant comme ung chien, tout de fin or massief »[12], cette chronique précise aussi que les Tournaisiens restèrent agenouillés une heure ou plus lors de cette rencontre.

Le dimanche 25, Henri VIII quittant Orcq vers 10 heures du matin, fera son entrée triomphale à Tournai lors d’un cortège somptueux.

Les différents auteurs ne citent plus Orcq ou la Marlière par la suite à l’exception d’un seul[13] qui dit que les jours passant comme on ne voyait pas de démonstrations hostiles de la part des citoyens de Tournai, Henri fut désireux de mieux les connaître. Il quitta dès lors la sécurité de son campement à Orcq pour les quartiers moins sécurisés de Tournai.

Il quitta définitivement Tournai le 13 octobre.

 


[1] A. HOCQUET, Tournai et l’occupation anglaise, H. et L. Casterman, Tournai, 1901.

[2] Afin que les assiégés puissent mieux observer les assiégeants.

[3] Il s’agit de l’abbaye des Prés-Porcins qui se trouvait à l’emplacement de l’actuel commissariat de police drève de Maire. Une autre source dit que cette abbaye fut brûlée par les Anglais.

[4] Près de la chapelle des Lépreux, chaussée de Lille.

[5] Actuellement chemin Willems

[6] F. DESMONS , Henri VIII et Tournai, Manuscrit déposé à la bibliothèque communale de Tournai, non daté, mais sans doute début XXe siècle.

[7] A.G. CHOTIN, Histoire de Tournai et du Tournésis, imprimerie Massart et Janssens, Tournai, 1840, Tome 2 p. 87.

[8] La référence étant en anglais nous avons traduit « coat » par cotte de maille, mais ce mot peut aussi signifier le surtout armorié porté au-dessus de la cuirasse ou les deux ensemble.

[9] J.S. BREWER, Letters and papers, foreign and domestic, Henry VIII, Institute of historical research, 1920, Vol 1 1509-1514 p. 1023.

[10] Dépendant de l’abbaye de St Martin à Tournai.

[11] J.A.C. BUCHON, Choix de chroniques et mémoires sur l’histoire de France – Chronique de la Maison de Bourgogne par Robert Macquéreau livre III, Auguste Desrez Imprimeur Editeur,  Paris 1838,  p. 45.

[12]J.A.C. BUCHON, op. cit., p. 47

[13] C. G. CRUICKSHANK, The english occupation of Tournay, The Clarendon press, Oxford, 1971

Noms de rues, chemins, sentiers, lieux à Orcq

Cet article n’est pas un relevé exhaustif de tous les noms de rues et de lieux du village, mais nous avons voulu rassembler les informations peu connues du grand public et glanées lors de nos lectures ou lors de la consultation de plans et cartes.

La classification alphabétique sur base du nom le plus récent nous a semblé la façon la plus logique et la plus aisée de présenter les données.

Nous avons parfois, dans le but de situer certains endroits avec certitude, fait référence aux N° cadastraux, ceci permettra aux générations futures de pouvoir se repérer.

Afin de situer le lecteur dans le temps il faut savoir que le plan Popp, auquel il est souvent fait allusion, date de 1860 1865.

BARISEAU – Chemin 16  A la sortie du village vers Marquain, à droite de la chaussée de Lille, le chemin d’accès à la propriété du Dr Samain (entre les parcelles 220 et 73 section A du plan Popp) est signalé sur ce même plan comme étant la carrière Bariseau. Ce patronyme pratiquement inconnu à Orcq actuellement était très fréquent au XIXe siècle – sur les 1573 naissances de ce siècle il y eut 73 Bariseau, ce qui leur a fait prendre la troisième place, au nombre de naissances, derrière les Comblez et les Varlet.

BARRIERE En venant de Tournai le premier café du village porte l’enseigne de la Barrière parce que se trouvait là une barrière d’octroi. Les attelages y passant devaient s’acquitter d’une taxe qui servait à entretenir les routes nationales. Ces barrières servaient aussi à bloquer la route en période de dégel lorsque le passage des charrois menaçait de dégrader la chaussée. La perception de la taxe menait parfois à des différends. C’est ainsi que le 14 mai 1833, le préposé à la Barrière, nommé Joseph Bernard De Clercq a dressé procès-verbal à l’encontre de Jean Baptiste Vifquin, habitant d’Orcq, car celui-ci refusait de payer la taxe. Vifquin venait du centre du village pour se diriger à droite par le chemin Vert en direction d’ Ere et estimait ne rien devoir, par contre De Clercq estimait que l’âne attelé à la carriole de Vifquin avait bien dépassé le poteau indiquant la barrière et que celui-ci était redevable de la taxe.

L’affaire fit grand bruit et l’administration communale prit fait et cause pour Vifquin.

En 1863 les barrières furent définitivement supprimées. Ce serait actuellement une activité très rémunératrice !

J’ai rencontré dans le Tournaisis le nom de « barriéreux» pour désigner le préposé. Avant De Clercq, Joseph Lamontagne et Alexis Joseph Duwez ou Duwelz avaient été responsables de la barrière d’Orcq. De Clercq exploitait en même temps la ferme de la barrière et tenait le café du même nom.

BELLE VUE Le long de la chaussée de Lille, à droite dans le sens Tournai Lille et à environ 150 m de l’allée des Patriotes se situait la ferme Maladry, aujourd’hui rasée, qui était initialement une maison de commerce et à usage de cabaret à l’enseigne de la Belle-Vue. Le nom faisait certainement référence au panorama qui, à cet endroit, s’étend jusqu’au Mont Saint Aubert et qui était plus dégagé à l’époque. Cette propriété a changé de mains en 1858 et elle était occupée à l’époque par un locataire cordonnier dont le nom est renseigné comme étant Maximilien Marius dans l’acte de vente et comme Maximilien Marinus sur son acte de décès à Orcq le 4 juillet 1871. La consonance latine de son patronyme, inhabituelle dans notre région, a trouvé son explication dans le fait qu’il était un enfant trouvé, né de parents inconnus à Tournai le 20 novembre 1813 et auquel il a fallu donner un nom de famille.

BISTROUQUETTE C’est le nom d’un café  que j’ai pu retrouver dans la relation d’un procès d’Assises qui eut lieu à Mons en 1848 et mettant en cause un habitant d’Orcq – nous reviendrons sur cette affaire dans un numéro ultérieur de Ligne 4 – Lors du procès, Angélique Comblez (Orcq 1805 Orcq 1874) fut appelée à la barre pour témoigner, elle était l’épouse de Benoît Degand « cabaretière au cabaret dit la Bistrouquette » Michel Hernould et Pierre Liénart tous deux natifs d’Orcq se souviennent encore de cette dénomination. Ce café se trouvait dans la rue de l’Eglise – probablement au coin du chemin d’accès à l’entreprise Kesteloot.

Des témoignages oraux parlent de Bistoquette ou Bistroquette.

BORNES Ce paragraphe rappelle que jusque 1900 environ il y avait à la limite d’Orcq et Marquain, le long de la chaussée de Lille les anciennes bornes frontières des états du Tournaisis. C’est l’occasion de vous montrer une photo d’un dessin inédit rehaussé de gouache effectué en 1852 par Bozière, représentant ces bornes. On distingue à l’arrière-plan du dessin un moulin qui est probablement le moulin Cornille à Marquain.

 

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       Bornes à la limite d’Orcq et Marquain Dessin de Bozière 1852 Collection privée.

BOUVINES Le nom du chemin de Bouvines est parfois massacré et il a un certain temps été transformé en Bouvignes. Ce chemin, situé au sud du village, reliait jadis Tournai à la localité de Bouvines en France. Il eut son heure de gloire le dimanche 27 juillet 1214 quand les armées françaises l’empruntèrent pour se rendre à Bouvines. L’armée française menée par Philippe Auguste l’emporta. Cette bataille eut des conséquences très importantes pour la suite de l’histoire européenne.

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Extrait du plan Popp (1860 1865) montrant les environs de la Commune d’Orcq

Les biens appartenant à la commune sont délimités par a, b, c, d, e, f, g

AB Chemin de Bouvines

CD Chemin de la cache des vaches

DE Carrière du bas de la Commune

DF Carrière du milieu de la Commune

DG Carrière du haut de la Commune

AH Sentier de Pic au vent

IK Sentier de Froidmont

CACHE DES VACHES Le chemin de la Cache des vaches part à gauche du chemin de Bouvines (sens Tournai Bouvines) à environ 200 mètres du croisement où aboutit le chemin Landaise au chemin de Bouvines. Ce chemin mène à la Commune (voir plus loin) Le nom est un rappel que le bétail passait par là pour rejoindre les prés communaux. Voir CD sur la carte.

CHAPELLE La rue de la Chapelle est reprise sur le plan Popp sous la dénomination de carrière derrière les Jardins, elle part en effet perpendiculairement à la chaussée de Lille au niveau de la chapelle des voyageurs et fait après 100 mètres environ un coude à droite pour, à l’époque, longer le bout des jardins des maisons situées le long de la chaussée de Lille.

COMMUNE Voir carte. Cet endroit se trouve à l’extrême sud du village. On y accède par la carrière de la Cache des vaches. Comme le nom l’indique, il y avait à cet endroit des terres communales qui étaient gérées par les Jurés et Manants d’Orcq dont l’assemblée était l’ancêtre du Conseil communal. La mise en location des terres a permis au début du XVIIIe siècle d’acheter des nouvelles cloches, les anciennes ayant été réquisitionnées lors du siège de Tournai (1709 sans doute) et aussi d’acheter la maison du clerc. Ce bien communal représente sur le plan Popp (parcelles 125 à 181 section B), une surface d’environ 16 hectares , il est facilement repérable sur la carte IGN : au bout de la carrière de la Cache des vaches partent trois carrières disposées plus ou moins en patte d’oie, elles ont pour nom carrière du Bas, du Milieu et du Haut de la Commune. D E, D F et D G sur la carte

En 1682 un différend, lié à la gestion de la Commune, a opposé les Jurés et Manants d’Orcq aux bouchers de Tournai au sujet de la « paississon » la paissance des bestiaux. La construction des remparts et de la citadelle ayant fortement réduit les endroits où faire paître les « blankes bestes » les moutons et les « rouges bestes » les bovins, les bouchers de Tournai avaient décidé de les faire emmener sur les biens communaux Orcquois au grand dam des Jurés et Manants du village qui ont finalement eu gain de cause.

La carte de de Ferraris (env 1780) montre que les biens communaux étaient enherbés à cette époque et une perche de tir à l’arc s’y trouve dessinée au milieu.

On terminera en disant qu’il se trouve à cet endroit une petite mare qu’étant gamins nous désignions sous le nom d’étang de la Quémenne. C’est en compulsant ces anciennes cartes que je me suis rendu compte que Quémenne et Commune avaient la même origine.

CROMBEZ Quand j’y ai emménagé en février 1957 avec mes parents, la rue Victor Crombez qui portait le nom de chemin 23 était une carrière et il valait mieux mettre des bottes pour nous rendre visite. La rue a été dédiée  dans les années 1970 à celui qui fut propriétaire de la Marlière de 1840 à 1898, en souvenir du soutien et de l’aide qu’il apportait aux indigents du village. Sur le plan Popp elle est renseignée comme chemin de Vêcques, d’autres textes parlent de chemin de l’Évêque, parce que sous l’ancien régime les terres situées à droite de la rue (en allant vers le sud) appartenaient à l’évêché.

EUGENE C’est sous le nom de petit chemin Eugène qu’est repris, sur le plan Popp, le court chemin qui relie la chaussée de Lille au vieux chemin de Lille. Une description des rues du village faite par le pouvoir communal en 1825 parle du petit chemin entre deux pavés partant du pavé de Lille « près du puits communal ». Ce détail précieux nous indique qu’il y avait là un puits public.

FROIDMONT Le sentier de Froidmont partait de la chaussée de Lille au niveau de l’ancienne école des garçons et rejoignait la carrière de la Cache des vaches. Ce sentier n’existe plus. Voir I K sur la carte

HORLAIT La dénomination de rue Gaston Horlait est toute récente. Gaston Horlait a acheté la propriété de la Marlière en 1922 et immédiatement entrepris la construction du Château actuel qui vient d’être profondément remanié en 2007. Il était aussi l’administrateur délégué des brasseries du Lion à Tournai et Président du club de football l’Union de Tournai. Le stade de cette équipe s’appelait d’ailleurs le stade Gaston Horlait où les matches se sont joués jusqu’à la fusion des deux clubs tournaisiens. Cette rue était connue avant sous le nom de Bas-chemin car sa pente est assez raide et la dénivellation entre la place de l’église et « Les Rieux » qu’elle relie assez importante (du moins pour nos régions à relief peu accusé) Sur le plan Popp le nom repris est celui de Bas-chemin de Brunon. Des comptes de l’église datant de 1713 et 1716-1717 parlent de la Rue de haut son dite Cadau ou Cadeau. Ces dénominations ont aussi été relevées pour des périodes bien antérieures datant du début du XVIIe siècle.

MARLIERE Le chemin de la Marlière est la continuation de la rue de l’Eglise, il mène au château du même nom pour se terminer au chemin Vert à l’endroit où se situait jadis le moulin du diable (sur le territoire de Tournai). Si son nom n’a pas changé au cours des temps, son tracé a été modifié. Au bout de la rue de l’Eglise quand on s’engage dans le chemin de la Marlière une toute nouvelle et belle villa située à droite vient d’être bâtie en 2007. Une petite ferme qui a été rasée se trouvait à cet endroit et elle était occupée dans les années 1950 1970 par Édouard Comblez et son épouse Suzanne Clément et leurs enfants, Édouard était garde-chasse de Jean Horlait. En s’éloignant de l’église, le chemin laissait la ferme à droite, mais il n’en a pas toujours été ainsi. En sa séance du 20 août 1882 le Conseil Communal a décidé l’amélioration du Chemin de la Marlière (Chemin vicinal N°7) « Vu l’irrégularité de son parcours, les pentes et contre-pentes qu’il présente et la courbe presque à angle droit existant près de l’ancienne ferme Ghislain »

Sur le plan Popp on peut voir que le Chemin de la Marlière avant 1882 laissait la ferme à gauche. Cette rectification a probablement été faite à l’instigation de Victor Crombez lui-même qui a accepté l’échange des terres qu’elle occasionnait.

En 1843 Christine Bonnet veuve de Martin Ghislain fait le partage de ses biens entre ses enfants et cette ferme fait partie de l’héritage, ensuite Victor Crombez l’a acquise d’où la dénomination d’ancienne ferme Ghislain en 1882.

MOULIN DE BRIQUES La voie du Moulin de briques partait du début de la rue Victor Crombez au niveau du salon de coiffure (entre les parcelles 370 et 371 section B du plan Popp) pour rejoindre le chemin Vert au niveau de la dernière maison avant la bifurcation avec le chemin de Bouvines. Cette maison était occupée vers 1950 1990 par Pierre Tarwé qui fut conseiller communal d’Orcq et grand-père de l’actuel ministre Paul Magnette. Sur la parcelle près de la maison se trouvait un moulin à huile qui travaillait le colza. Ce moulin était sans doute construit en briques d’où le nom.

PARVENUS Même les rues ont leur sobriquet, ce nom a été donné au vieux chemin de Lille dans la première moitié du XXe siècle. Certains Orcquois mieux nantis y avaient probablement construit des maisons plus élégantes que celles habituellement érigées. (Information orale Michel Hernould)

PATRIOTES  L’allée des Patriotes fait un angle aigu avec la chaussée de Lille. Cette rue qui est un cul de sac rejoignait auparavant la rue de l’Eglise et porte sur le plan Popp le nom de sentier de Princhon que Collyns écrit Princhamps. Toujours selon ce même auteur, le nom aurait été changé après la guerre de 1940 45 en l’honneur de deux patriotes d’Orcq MM Malice et Mestdag.

Ernest Malice habitait la chaussée de Lille à Orcq, officier de réserve il fut chargé de surveiller des civils que leur opinion politique rendait suspects. Après la capitulation de l’armée belge Malice fut accusé par certains de ces civils pour avoir été rudoyés durant cette surveillance et il fut condamné par l’autorité allemande à cinq ans de travaux forcés, il mourut en détention le 25 mai 1944. Un livre a été consacré à sa biographie par G Meessen, jésuite, publié chez Casterman en 1950 : « Du comptoir aux barbelés ». Son épouse, Claire De Groote, était la nièce d’Octave Masurelle curé de Lamain et résistant notoire.

Jacques Mestdag qui habitait le sentier Princhon s’enfuit vers la France en vélo en 1940, à l’âge de 20 ans, pour rejoindre l’Angleterre et faire ensuite la campagne d’Afrique dans la colonne Leclercq. Son père Walter Mestdag fut également pris comme otage durant la guerre 1940 45.

Lors de la séance du collège échevinal du 11 juillet 1947 présidée par Jacques Allard, bourgmestre, il fut décidé de donner le nom d’allée des Patriotes au sentier N° 26 dénommé sentier Princheon, ce qui donne une troisième graphie au nom ancien de cette rue, mais le rapport du conseil n’est pas plus explicite sur les raisons de la modification.

PIC AU VENT Au bout de la rue Victor Crombez on prend à droite le chemin de Bouvines, environ 200 mètres plus loin le sentier de Pic au vent partait à gauche pour rejoindre le lieu du même nom à la limite de Froidmont et Tournai. Ce sentier n’existe plus. Voir A H sur la carte.

POURCEAUX La voie des Pourceaux, qui n’existe plus, rejoignait le chemin Landaise à peu près en son milieu au chemin de Bouvines. Ce chemin menait vers le trieu des Pourceaux (voir la carte) qui se trouvait un peu à l’ouest de la Commune. Ce trieu qui rappelle un bien communal se trouvait près de la Commune et du bois du commun d’Orcq où les cochons étaient peut-être menés à la glandée.

VERT Le chemin Vert qui marque la limite de la commune avec Tournai serait selon Collyns une corruption pour chemin d’Ere. Nous n’en sommes pas certain, car le nom de chemin Vert était souvent employé pour désigner les chemins qu’empruntaient les bergers et bouviers et leurs troupeaux pour les mener paître, sur le plan Popp il porte le nom de chemin de Maire ce qui est logique puisqu’il menait au faubourg du même nom, et il porte le N° 2 sur l’atlas communal des chemins.  CHEMIN VERT.jpg

Les saules du Chemin vert, date indéterminée Source A.I.T. Photothèque Vaulx

VIEUX MAIRE L’appellation de cette ferme est si connue qu’elle ne devrait pas trouver sa place dans une liste d’informations peu connues du grand public. Ce qui est cependant beaucoup moins connu c’est l’identité du vieux maire. Un des propriétaires de la ferme, grand-père de l’actuel, Willy Varlet, était Louis Varlet qui fut bourgmestre du village de 1921 à 1946 et beaucoup d’Orcquois pensent que c’est lui qui a légué son nom à la ferme. C’est une erreur, et l’origine du nom est environ cent ans plus ancienne. Le mot maire fait référence à l’ occupation française post révolutionnaire. En 1796 les révolutionnaires ont émancipé Orcq de la tutelle tournaisienne pour constituer une commune autonome et créer « Le Conseil Général du village d’Orcq » Les représentants de la commune ont été élus le 30 fructidor de l’an IV (16 septembre 1796). Les premiers rapports des réunions de ce Conseil Général ne nous sont pas parvenus, mais entre 1796 et 1800 les actes d’état civil sont signés par des agents municipaux ou adjoints du Conseil Général. Le premier acte signé par un maire date du 28 mai 1800 et était signé de Fidèle Joseph Varlet (Orcq 1761 – Orcq 1850) il est l’ancêtre des Varlet vivant encore à Orcq actuellement. À partir de 1819 Fidèle Varlet mentionnera Mayeur sur les actes qu’il signe, il le restera jusqu’en 1825. Il n’était pas aidé d’un secrétaire communal et écrivait lui-même tous les actes. Sa façon d’écrire les noms et prénoms était assez fantaisiste, il a par exemple donné une tournure picarde en transformant le nom de famille Delgrange, très connu à Orcq à l’époque, en Delgranche, Henriette devenait Ariette, Ernest Ernesse et il a systématiquement transformé toutes les Caroline en Caronille ! Même la graphie de son nom n’est pas fixée invariablement puisqu’il lui arrivait de signer Varlé.

WILLEM Le chemin Willem qui trace la frontière nord du village avec Froyennes et Tournai mène au village voisin de Willems en France. L’ancien nom était celui de chemin de Thérouanne, ce village français des environs de Saint-Omer compte maintenant un bon millier d’habitants, mais ce fut jadis une ville, siège d’un important évêché. Charles Quint assiégea la ville en 1553, elle comptait à ce moment 12000 habitants. Il la rasa complètement et interdit qu’on la reconstruise. Il avait symboliquement répandu du sel sur les ruines indiquant par là qu’il stérilisait l’endroit et en interdisait toute occupation.

Bibliographie

Archives communales d’Orcq déposées aux Archives de l’Etat à Tournai et à l’administration communale de Tournai district de Templeuve

Collyns : Monographie d’Orcq 1954

Luc Michel : Archives personnelles

Meessen G sj : Du comptoir aux barbelés Casterman 1950

Popp Christian : Plan cadastral d’Orcq

 

 

 

 

 

 

Un outil intéressant pour l’histoire locale: l’informatisation des registres paroissiaux et d’état-civil d’Orcq de 1596 à 1899

Plutôt que d’établir une classique généalogie familiale, nous avons essayé d’établir la généalogie des familles orcquoises en nous basant sur les actes relatifs au village. Le logiciel employé est Hérédis version pro.

L’objectif du présent article est de démontrer l’utilité de cet outil dans la recherche en histoire locale tout en dévoilant quelques aspects inédits de l’histoire d’Orcq.

Par l’ordonnance du 15 8 1539 dite de Villers-Cotterêts le roi de France François Premier réforme la juridiction ecclésiastique, il y oblige, entre autres, la tenue des registres de baptême. En 1563 le concile de Trente étend à tous les pays chrétiens l’obligation imposée par François Premier de tenir des registres de Baptême.

Le premier acte que nous trouvons dans les registres d’Orcq est celui du baptême de Jacqueline Carrette fille de Michel le 15 avril 1596, suivent les noms des parrain et marraine. Le premier acte de mariage est celui des époux Philippe Hierre et Jeanne Dufay en septembre 1596 après une procession faite par les habitants d’Orcq.

Comme on peut le voir, ces actes ne donnent pas beaucoup d’informations et ne sont filiatifs que dans le cas des actes de baptême, mais seulement en mentionnant le prénom du père. Les nom et prénom de la mère seront signalés dans les actes de baptêmes à partir de 1618 environ. Il faudra attendre 1797 et l’instauration de l’état civil pour que les actes de mariage renseignent les noms des parents des époux. Les actes de décès ont été tenus depuis 1669. Cette date coïncide avec une extension de la paroisse d’Orcq : d’une part, l’annexion d’une partie de Marquain à Orcq (le quart de Marquain). D’autre part, un peu plus tard, la suppression de la paroisse de Sainte Marguerite, cette église ayant été donnée aux religieux de Saint Médard dont le monastère avait été détruit pour faire place à la citadelle de Tournai. Dans cette opération la paroisse d’Orcq hérite des paroissiens de Sainte Marguerite habitant hors les murs, donc, en gros l’actuel faubourg de Lille appelé faubourg Coquerelle à l’époque. Le curé d’Orcq a sans doute adopté l’habitude de rédiger un acte de décès, ce qui était déjà le cas à Sainte Marguerite à moins qu’il n’en reçût l’ordre à ce moment. Il faut ici noter que, selon Collyns qui cite Hoverlant de Beauwelaere, les habitants du faubourg de Lille continuent à fréquenter la chapelle du Val d’Orcq toujours desservie par un chapelain et c’est là qu’ont lieu la plupart des baptêmes et mariages tandis que les inhumations se font à Orcq faute, sans doute, de cimetière au faubourg.

A partir de 1797 l’état civil a pris le relais des actes paroissiaux sans que ces derniers ne soient supprimés, mais dans notre étude nous avons uniquement considéré les actes d’état civil à partir de 1797. Le récent classement des archives de la paroisse d’Orcq aux AET nous a fait découvrir des registres paroissiaux pour la période 1797-1800 que nous avons également pris en considération, car l’état civil balbutiant était incomplet et la graphie des noms plutôt fantaisiste.

Les périodes couvertes par l’étude sont données dans le tableau ci-dessous :

 

Registres paroissiaux

Registres de l’état civil et paroissiaux pour 1797-1800

Baptêmes Naissances

1596-1796 soit 2614 actes

1797-1899 soit 1650 actes

Mariages

1596-1796 soit 799 actes

1797-1899 soit 427 actes

Décès

1669-1796 en cours

1797-1899 soit 1222 actes

 On peut estimer qu’il y a environ 1500 actes de décès pour la période 1669-1796, l’étude est donc le résultat d’environ 8200 actes enregistrés pour le village d’Orcq et le faubourg de Lille (surtout décès), pour ce dernier uniquement entre 1669 et 1779, à cette dernière date les religieux de Saint Médard ont déménagé dans l’actuel séminaire et la paroisse de Sainte Marguerite fut rétablie.

La graphie des patronymes

C’est à dessein que j’emploie le terme de graphie plutôt qu’orthographe, impropre à mon sens puisqu’il suppose qu’il y a une façon correcte d’écrire un nom à l’exclusion des autres qui ne le seraient pas. Cette immersion dans les registres orcquois m’a révélé l’énorme variabilité des façons d’écrire les noms de famille, on en jugera par quelques exemples :

Au XVIIe siècle le couple Martin Desplanques et Jeanne Houzé a eu à Orcq 9 enfants nés entre 1662 et 1684, dans les actes de naissance des enfants le nom de la mère s’écrit de cinq façons différentes en se terminant par zé, zée, sé, sez et set.

Une famille Calleberghe vivait à Orcq au XVIIe siècle, nous avons relevé dans les registres pas moins de onze façons différentes d’écrire ce nom, celle choisie, Calleberghe, étant la plus usitée.

À cheval sur les XVIIe et XVIIIe siècles vivait à Orcq une famille Doutreluingne dont j’écris le nom en pensant  à sa signification probable : par delà le village de Luingne. Les actes mentionnent neuf façons d’écrire ce nom dont aucune n’est conforme à ma logique et dont la plus curieuse est Douterluwinne.

Nous pourrions répéter ces exemples à l’infini au risque de lasser le lecteur.

Comme on peut le voir, les différentes graphies d’un patronyme ne sont pas une raison pour exclure d’une généalogie ceux qui ne correspondent pas au standard.

Les principaux artisans de cette variabilité sont ceux qui écrivent les actes, en fait, bien souvent les curés des paroisses sous l’ancien régime et les officiers de l’État civil après la révolution. L’état civil, instauré après la révolution a été marqué par des débuts assez anarchiques, qui se sont rapidement stabilisés pour tendre vers une tenue des registres de plus en plus fiable avec le temps.

À Orcq nous avons connu depuis 1596 jusque 1797 les curés suivants :

Le 15 mars 1596 arrive Richard Dieulot et le 17 mars il inaugure son registre pour y noter le 15 avril, le premier baptême (voir plus haut). Il reste en place jusqu’en 1622. Les actes de cette époque sont très bien écrits et les années clairement séparées les unes des autres.

De 1622 à 1686 se suivent quatre curés : Accart de Froidmont, Hennet, Parisis et Deffernez. Durant cette époque les registres sont beaucoup moins bien tenus et souvent difficiles à déchiffrer.

En 1686 arrive un curé plus ordonné : Gilles Martin qui reste en place 31 ans. Il est suivi de Léopold Alexandre Nicolas Toussaint qui assurera un très long pastorat de 57 ans (1717-1774), son écriture très particulière pourrait être qualifiée de rustique. Il est plutôt avare de détails, mais clair et ordonné.

Le dernier curé avant la révolution est Pierre François Morelle qui était déjà vicaire à Orcq depuis 1765.

Les familles les plus représentées à Orcq

Le logiciel Hérédis nous permettant de faire un dénombrement aisé des actes enregistrés nous avons pris comme critère de représentativité d’une famille le nombre de baptêmes durant la période concernée soit 1596-1899. Ce nombre se trouve entre parenthèses à la suite du patronyme. Suivent ici quelques familles les plus représentées à Orcq :

Comblez (265)

Avec 265 baptêmes recensés, c’est de loin la famille la plus représentée au village. Les premiers Comblez arrivés à Orcq sont Jean Comblez qui épousa à Orcq le 7 1 1669 Laurence Crépin et Martin Comblez qui épousa aussi à Orcq le 29 10 1674 Catherine Batteau. Ces deux Comblez venaient de la paroisse Saint Jean à Tournai, peut-être étaient-ils frères. Les tables des registres paroissiaux de Saint Jean ne signalent cependant qu’une seule naissance, féminine, Comblez à Saint Jean. Une bonne partie des Comblez encore présents à Orcq fin du XIXe siècle descendait de Jean Comblez.

Dans les actes du XVIIe siècle le nom s’écrivait Comblé puis l’abbé Toussaint a adopté la forme Comblez qui à quelques exceptions près est de loin la plus répandue pour les membres plus récents de cette famille.

Beaucoup de membres de cette famille étaient des artisans ou petits agriculteurs. Certains ne manquaient pas de cran, par exemple les frères Albert et Jules Comblez furent parmi les pionniers au Congo qui était encore un état indépendant. Jules Comblez fut décoré de l’Étoile du Congo et Albert mourut en 1898 à bord de l’Albertville lors de son retour entre Matadi et Anvers. On citera aussi un autre Albert Comblez et sa sœur Aurélie résistants notoires à Lamain durant la dernière guerre (voir Ligne 4 N° 5).

A ma connaissance il ne reste plus qu’un représentant de cette famille à Orcq : Marcel Comblez. Tous ces Comblez dont nous venons de parler sont des descendants de Jean Comblez et Laurence Crépin.

Varlet (161)

Famille d’agriculteurs enracinée à Orcq depuis 1648, année du mariage de Jacques Varlet et Marie Monet. Avant cette date il n’y avait pas de porteurs de ce nom au village. A notre connaissance tous les Varlet nés à Orcq descendent de ce couple. Actuellement la famille est connue par la ferme familiale appelée « Ferme du Vieux Maire » exploitée par Willy Varlet un descendant de Jacques. Fidèle Varlet fut, en 1800, le premier bourgmestre d’Orcq et, occupation française oblige, il fut nommé maire et c’est cette fonction qui donna plus tard le nom à la ferme. L’arrière-petit-fils de Fidèle, Louis Varlet père fut bourgmestre du village de 1924 à 1946 (photo ci-dessous).

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Les formes Varlet et Varlé ont coexisté au XVIIe siècle, après quoi le curé Toussaint a écrit Varlez. Nous retrouvons plus tard la forme Varlet qui est celle des derniers descendants actuels.

Béghin (118)

Ce nom n’est plus connu à Orcq depuis bien longtemps et sur les 118 naissances recensées 112 ont eu lieu avant 1800. Les deux premiers représentants de cette famille qu’on trouve à Orcq sont Noël et Jean, le premier épouse Marie Delemotte à Orcq le 3 3 1669 et le second Anne Henry également à Orcq le 23 5 1663. Les deux époux sont originaires de Wannehain en France. Le fait que Jean appelle son premier fils Noël me fait penser qu’ils sont frères. Le nom est resté très stable dans le temps.

Yseux (115)

Encore un patronyme orcquois passé dans l’oubli ou peu connu si ce n’est des anciens paroissiens qui se souviennent des messes célébrées pour la fondation Batteau Yseux, un couple qui a vécu au XIXe siècle et dont le mari, François Batteau, fut bourgmestre d’Orcq. Sur le plan Popp (environ 1860), la ferme qui abrite actuellement l’entreprise Buysse (parcelle A 261 du plan Popp) était la propriété d’Alexandre Yseux. Plus loin dans le temps les archives de la paroisse Saint Piat à Tournai font mention d’une demande de Gilles Yseux d’Orcq de remettre à plus tard le paiement de son « rendage » pour une terre appartenant à la paroisse et qu’il cultive. Sa demande est motivée par le fait que ses récoltes ont été anéanties par le passage des militaires français participant au siège de Tournai en 1668.

Au XVIIe siècle le nom s’écrivait Iseu ou Iseux, le curé Toussaint y a ajouté un s pour en faire Isseux et la forme la plus récente est devenue Yseux.

Bariseau (84)

Il y a eu des Bariseau à Orcq jusqu’au milieu du XXe siècle. Le premier Bariseau connu au village, Pierre Joseph y a épousé Marie Anne Henry le 21 septembre 1745 soit l’année du siège de Tournai et de la bataille de Fontenoy. L’acte de mariage est muet sur son lieu de naissance.

Dans le passé le nom a pris les formes Barisiau ou Bariziau et cette dernière forme peut-être facilement confondue avec Barizian.

Ghislain (76)

L’ancêtre de cette famille Louis est originaire de Taintignies et il a épousé une Orcquoise, Marie Martin le 4 8 1665. L’arrière-petit-fils de Louis, Nicolas Joseph Ghislain achètera en 1756 une ferme, aujourd’hui détruite, située chemin de la Marlière. Victor Crombez désirant agrandir sa propriété achètera cette ferme en 1849 suite à quoi les Ghislain vont acheter la ferme située Vieux Chemin de Lille 36, actuelle propriété d’André Soudan. C’est dans cette ferme qu’a vécu Jules Léopold Ghislain (photo ci-dessous) qui fut bourgmestre du village de 1885 à 1921.

 GHISLAIN JULES LEOPOLD.jpg

Le dernier porteur du nom vivant encore à Orcq, Jean, fils du bourgmestre Jules Léopold, est décédé célibataire en 1978. On l’appelait familièrement « Mononc Jean », sobre toute la semaine il s’offrait régulièrement une petite cuite le dimanche après la grand-messe. C’est d’ailleurs un dimanche qu’il m’apprit qu’il avait fait ses humanités au collège de Tournai et m’affirma t’il : « Garcheon de l’trigonométrie ch’est trois fois de l’géométrie » !

La graphie Ghislain est apparue au XIXe siècle, mais elle a été précédée par les formes Ghisselain, Gisselain, Guislain et Guislin pour Louis dont on a parlé plus haut.

Et les autres : d’autres familles ont été bien représentées à Orcq mais leur nom ne dira sans doute plus rien à personne parce qu’elles sont éteintes au village depuis longtemps : Prévost (69), Crépin (64), Menez (60), Brunin (55), Petit (55), Henry (54), Cuigniez (52) etc. Tous ces noms ont aussi connu de nombreuses variantes.

Je m’en voudrais d’ignorer deux familles qui ont été bien présentes à Orcq mais sur une période plus courte et plus récente, ce sont les :

Maladry

Tous les Maladry nés à Orcq descendent de Prosper Maladry né le 1 11 1805 à Saint-Sauveur. Il avait épousé à Orcq le 8 6 1831 Charlotte Béghin. Le couple a eu 9 enfants à Orcq dont quatre sont morts en bas âge tandis que tous les autres ont eu une descendance nombreuse. Il n’y a plus de porteurs du nom habitant au village.

Lefebvre

Il y a eu plusieurs familles porteuses de ce nom au village, mais nous songeons à ceux, porteurs du nom qui habitent encore au village. Leur ancêtre Louis est né à Anvaing le 30 septembre 1839 et s’est uni à une Orcquoise, Clémence Devillers le 6 7 1874. Le couple a eu 6 fils dont un seul est mort en bas âge. Les autres sont tous devenus indépendants dans des activités telles la menuiserie, la maçonnerie ou l’agriculture. Plus près de nous, nous avons connu Gérard Lefebvre, marchand de charbon et Roger, Raymond et Francis, boulangers.

Les Orcquois discrets

Ce sont ceux dont la généalogie tient en une page. Abandonnés par leurs parents à la naissance, leurs chances de survie en ces temps difficiles sont bien minces. Bien souvent ils n’ont pas de nom et sont classés dans notre base de données sous le vocable d’Anonyme. La photo ci-dessous donne l’acte de naissance de l’un de ces enfants, trouvé dans le jardin de Jean Baptiste Bresoux le 25 ventôse de l’an 7 soit le 15 mars 1799. Trouvé dans un jardin l’enfant est nommé Dujardin.

DUJARDIN NAISSANCE.jpg

La qualité du texte est suffisamment bonne pour que nous n’en donnions pas la traduction en prenant soin de traduire champette par champêtre, enfant malle par enfant mâle, nouveau nez par nouveau-né, batteme par baptême et parins et marrine par parrain et marraine.

 Voici quelques autres exemples d’actes concernant des enfants abandonnés :

25 2 1692 Enfant trouvé de sexe féminin

Inventa Marie Catherine Joseph : cet enfant a été trouvé le 1 3 1752 et sur son acte de décès le 1 10 1754 le nom Inventa semblait lui avoir été donné comme patronyme.

1 11 1754 Sur l’acte de baptême: le … 11 1754 a été baptisé sous condition Louis fils de …… et de ……. trouvé le même jour après l’office des défunts dans un fossé près de la maison de Martin Meinez dit l’abbé. Les parrain et marraine ont été Pierre François Montignie et Martine Laurence Duhen.

Sur l’acte de décès le 4 6 1755 on dit que l’enfant a été nourri par la ville de Tournai

16 5 1765 Marie Jeanne Joseph enfant trouvé, le 2 6 la même année on signale le décès de Deleperte Marie Jeanne, il s’agit sans doute du même enfant.

10 8 1773 Jean Baptiste Joseph né de parents inconnus – trouvé à 3 heures du matin près de la maison de  Pierre Joseph Carton

15 6 1774 Enfant trouvé à 5 heures du matin dans le champ de Pierre Joseph Varlet près du Mont d’Orcq au Quart de Marquain, décédé à Orcq le 7 9 1774

Dernouville Antoine Joseph trouvé près du domicile de la veuve de Louis Hovine à la Marmite le 4 8 1794 vers 10 heures du soir. Ernouville est le nom de l’une des sources du Rieu d’Orcq appelé aussi rieu de Maire se trouvant dans la propriété de la Marmite mais ce même nom est aussi employé sur certaines cartes anciennes pour désigner la source du rieu à l’endroit appelé la Fontaine au centre d’Orcq.

8 8 1794 Enfant trouvé près du domicile de la veuve de Louis Hovine à la Marmite vers 3 heures du matin et auquel il n’a pas été donné de nom. Il est assez étonnant de constater que deux enfants aient été trouvés au même endroit à quatre jours d’intervalle.

Delaporte Antoine Joseph né vers mai 1798 et trouvé, sans doute, près d’une porte, décédé à Orcq le 29 8 1798

Delporte Marie Joseph: enfant trouvé vers 2 h du matin par Jean Baptiste Delmarle 54 ans en face de sa porte. Contrairement à la plupart des autres enfants de cette rubrique, elle a survécu s’est mariée et eu trois enfants à Orcq.

En plus de ces enfants trouvés à Orcq il y en avait aussi qui étaient en pension chez des Orcquois mais dont on ne connaît pas l’endroit où ils ont été trouvés.

En haut de l’échelle

Comme tout village sous l’ancien régime, Orcq avait ses seigneurs. Il y avait plusieurs fiefs ou seigneuries à Orcq mais il n’y avait que sur la seigneurie de la Marlière qu’un château était bâti. Ce fief dépendait du chapitre de la cathédrale de Tournai et s’étendait sur environ 3 bonniers soit plus ou moins trois hectares et demi. Il était constitué d’un château, fossés, jardin et terres labourables. Au début du XVIIe siècle les de Martigny dont le nom s’est écrit plus tard de Martini étaient les seigneurs de la Marlière et on retrouve dans les actes de baptême du village Maximilien et Charles de Martigny parrains lors de six baptêmes entre 1629 et 1635.

On retrouve ensuite Henri Carpentier et Marie Madeleine de Cordes qui eurent à Orcq cinq filles nées entre 1658 et 1670. L’acte de baptême d’Anne Philippine est particulièrement intéressant, en voici la copie:

“Le 15 de décembre 1664  fut baptisée en la chapelle du chasteau par la permission de Mgr le révérendissime évêque de Tournay, Anne Philippine de Carpentier fille de Henry et Marie Magdelaine de Cordes Sr de Marquain. Parain fut le viscomte d’Odregnie Mgr André Philippe de Gand dit Villain paroissien de Nre Dame en Tournay. Marine de la paroisse de Sainct Jacques en Tournay”

Henry Carpentier ou de Carpentier était seigneur de Marquain, mais aussi seigneur de la Marlière. L’évêque de Tournai a accordé une dispense spéciale pour célébrer le baptême dans la chapelle du château, c’est à notre avis la première référence connue faisant allusion à l’existence d’une chapelle dans laquelle on pouvait célébrer des offices à la Marlière. Le parrain est un de Gand dit Villain, cette famille a donné deux évêques à Tournai: Maximilien de 1614 à 1644 et François de 1644 à 1660. Je suppose qu’il faut lire Audregnies à la place d’Odregnie. Marine signifie marraine mais son nom n’a pas été mentionné, tout juste sait-on qu’elle vient de la paroisse St Jacques à Tournai.

Le seigneur suivant fut Nicolas François Desmartin qui épousa Anne Monique Françoise Hovyne dont il eut 13 enfants. Les sept derniers sont nés à Orcq entre 1680 et 1692. En 1720 leur successeur, également prénommé Nicolas François, est en défaut de paiement depuis seize ans d’une rente due à l’office de présentation de Notre Dame fondé à la cathédrale de Tournai. Le château est saisi et vendu à François Locquerelle dit le Riche qui devient le nouveau seigneur de la Marlière. Sans enfants il fait donation du fief à sa nièce Marie Madeleine Locquerelle dont le mari Louis François Druez devient en 1740 seigneur de la Marlière. Elle décède en 1765 et lui en 1771. Leur dalle funéraire se trouve dans le chœur de l’église, malheureusement cachée sous un parquet. Personne n’a eu l’idée de photographier cette dalle lors du placement du parquet.

Plusieurs autres seigneurs vont encore se succéder avant la révolution, mais ils n’ont pas laissé de traces dans les registres d’Orcq, préférant sans doute le confort d’une maison à Tournai.

La chapelle Notre Dame de la Paix

Les promeneurs et les Orcquois curieux auront lu la plaque gravée qui se trouve en façade de la chapelle Notre Dame de la Paix (ou des voyageurs) située à l’angle de la chaussée de Lille et de la rue de la Chapelle et qui attribue, en 1697, la fondation de la chapelle à Noël Defroiesnes et Jacqueline Minet. L’enregistrement des actes dans notre base de données était l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ce couple. Nous fûmes bien étonnés de constater qu’il n’y avait aucun Defroiesnes à Orcq au XVIIe et au XVIIIe siècles. Le premier Defroyennes repéré dans les registres d’Orcq est Pierre Joseph Defroyennes né à Mourcourt et qui a épousé à Orcq, en 1845, Charlotte Joseph Ghislain. Il fut instituteur du village de 1844 à 1878. Par contre, nous avons bien retrouvé une Jacqueline Minet née à Orcq le 19 juillet 1654 et qui a épousé à Orcq Noël Deswatinnes qui n’était pas originaire d’Orcq mais y avait eu huit enfants, nés entre 1666 et 1676, avec une première épouse, Charlotte Dutrieu. Le couple Deswatinnes Minet eut encore cinq enfants nés entre 1678 et 1689. Noël Deswatinnes est décédé le 2 mai 1700 à Orcq et sa veuve convola à Orcq le 28 février 1702 avec Jean Poirier. Elle n’aura plus d’enfants et décédera à Orcq le 11 juin 1712.

Noël Deswatinnes étant décédé trois ans après la fondation de la chapelle nous pensons qu’il est très probable qu’il en fut le commanditaire pour assurer son salut. D’autres archives nous apprennent que vers 1653 il exploitait la ferme qui se trouve presque en face de la chapelle où se trouvent les ruines d’une ancienne tour.

La plaque gravée est d’une facture assez récente et Collyns dans sa monographie d’Orcq dit que la chapelle a été restaurée en 1953. Le texte ancien était sans doute devenu difficile à lire et le sculpteur a deviné Defroiesnes là où il fallait lire Deswatinnes, les deux premières lettres et les trois dernières des deux noms étant les mêmes.

Nous avons repris la graphie Deswatinnes avec un t et deux n telle qu’elle est dans l’acte de mariage avec Jacqueline Minet. Au gré des naissances des treize enfants, on retrouvera le nom écrit avec un ou deux n et t.

1745

Orcq se trouvant sur la route principale venant de France et étant le dernier village avant la ville de Tournai, il fut souvent le lieu de rassemblement des assiégeants qui convoitaient Tournai. Selon Chotin Tournai a connu pas moins de 29 sièges réels ou mythiques durant son histoire. Différents personnages illustres ont établi leur camp à Orcq avant de donner l’assaut à l’illustre voisine. On citera Maximilien en 1478, Henri VIII en 1513 à la Marlière, Alexandre Farnèse en 1581 au château d’Hurtebize (synonyme de Marlière, les seigneurs d’Hurtebize ayant été un certain temps également seigneurs de la Marlière) et Louis XIV en 1667.

C’est le siège de 1745 qui a laissé le plus de traces dans nos registres locaux.

Rappelons qu’en 1745 eurent lieu la bataille de Fontenoy (11 mai) et le siège de Tournai (du 19 avril au 19 juin).

DU BROCARD DECES.jpg

Le plus intéressant des actes est certainement celui qui est reproduit ci-dessus et qui concerne l’inhumation dans l’église d’Orcq d’Henri du Brocard, maréchal de camp du roi de France Louis XV et qui commandait l’artillerie française à Fontenoy. Il fut tué par un boulet vers 8 ou 9 heures le matin du jour de la bataille soit le 11 mai 1745 et fut inhumé à Orcq le lendemain. L’église actuelle reconstruite à neuf en 1782 n’a pas gardé de trace de cette inhumation.

Voltaire écrivit un poème en l’honneur des vainqueurs de Fontenoy, on en retirera deux vers consacrés à Henri du Brocard selon une note de l’auteur lui-même :

                                             Vous qui lanciez la foudre, et qu’ont frappé les coups

                                             Revivez dans nos chants quand vous mourez pour nous

D’avril à 23 juillet 1745 on célébra 14 baptêmes d’enfants de personnes étrangères au village à Orcq alors que dans une année normale il naissait environ 10 à 15 Orcquois. Pour la même époque, il y eut aussi 10 enterrements de personnes étrangères au village. C’est dire l’invasion massive d’étrangers à Orcq en ces mois de 1745. Pour mieux comprendre la chose, il faut savoir que la zone habitée le long de la chaussée de Lille depuis Orcq vers Tournai s’arrêtait à peu près au niveau de la chapelle des lépreux. De cet endroit jusqu’au mur d’enceinte de Tournai il y avait une zone nue qui permettait aux Tournaisiens de se rendre compte des manœuvres ennemies en cas d’attaque. La plaine des manœuvres est un reste de cette zone appelée glacis. Les assiégeants pour se protéger des tirs des assiégés devaient creuser des tranchées pour s’approcher de la ville convoitée. Le siège commençait effectivement lorsqu’on commençait cette tranchée et le terme « ouvrir la tranchée » était utilisé. Lors du siège de 1745, les Français ouvrirent la tranchée la nuit du 30 avril au 1er mai 1745 au centre du village d’Orcq derrière la ferme propriété actuelle de la famille Clarysse (plan Popp A 303). On comprend aisément le nombre conséquent de terrassiers qu’il fallait pour réaliser ces tranchées, ce personnel ainsi que les militaires étaient pour certains suivis de leur famille.

Ainsi en plus de cette arrivée massive d’étrangers qu’il fallait héberger le village fut aussi défiguré par une énorme tranchée qui reliait le centre du village à Tournai en passant par le chemin Vert.

Un recensement au XIXe siècle

Les archives de l’État à Tournai possèdent une partie des archives communales d’Orcq, c’est dans ce fonds que nous avons trouvé un recensement non daté fait par famille et par maison. Notre base de données, en comparant les compositions familiales du recensement et les nôtres nous a permis d’abord de déterminer précisément l’année durant laquelle il a été effectué soit 1829.

Ensuite en exploitant nos données généalogiques et les informations de la matrice cadastrale du plan Popp nous avons pu situer environ la moitié des maisons avec leurs occupants. Ces données seront exploitées dans le futur afin d’avoir une vue la plus précise possible de la vie du village au XIXe siècle. Nous ne manquerons pas de publier ces résultats dans de prochains numéros de Ligne 4.

D’une façon très succincte, on peut déjà dire qu’en 1829 l’âge moyen des 568 Orcquois était de 27 ans alors qu’il est d’environ 40 ans actuellement. Le village comptait un peu plus d’une centaine de familles réparties dans 104 maisons numérotées de 1 au Vert Marais (actuellement les deux fermes Hovine) jusque 104 au centre du village que nous n’avons pu situer avec précision, mais la ferme propriété actuelle des Clarysse (Plan Popp A 303) portait le numéro 102.

La répartition de l’occupation des chefs de famille est la suivante

Cultivateurs 55,  Journaliers 33,  Cabaretiers 4,  Ouvriers 3,  Jardiniers 3,  Tonnelier 1,  Menuisier 1,  Charpentier 1,  Tailleur  1,  Clerc (d’église) 1.

Certains membres de ces familles exerçaient aussi une autre activité : un instituteur, un cordonnier et un écrivain qu’il faut interpréter sans doute comme écrivain public. C’était Pierre Hubert Bresoux qui l’année suivant le recensement soit en 1830 devint pour 9 ans bourgmestre d’Orcq, il fut donc le premier bourgmestre d’Orcq en Belgique indépendante. Grâce à notre base de données, nous avons pu établir qu’il habitait la ferme située jadis à la place de l’Intermarché (plan Popp A 331).

Comme on peut le voir, il n’y avait à Orcq aucun représentant des classes les plus aisées. On notera aussi, pour l’époque un nombre restreint de cabarets.

On peut donner ici un exemple pratique de notre méthode de travail à l’aide des documents récoltés et de notre base de données :

L’habitation portant le N° 81 dans le recensement de 1829 est l’actuelle propriété des époux Baudens, elle était la propriété des époux Pierre Joseph Carton et Marie Joseph Ghislain qui étaient agriculteurs et l’occupaient avec leurs 5 enfants âgés de 1 à 9 ans. L’habitation suivante dont nous connaissons aussi le propriétaire porte le N° 86, c’est la « Ferme du Vieux Maire » qui appartient, en 1829, aux époux Fidèle Varlet et Bertine Bracaval qui y vivent avec 5 enfants célibataires âgés de 22 à 37 ans. Les habitations 83 à 85 sont occupées par des journaliers qui habitent sans doute les petites maisons entre les propriétés actuelles Baudens et Varlet. Il reste le N° 82 occupé en 1829 par une famille d’agriculteurs : Louis Duchatelet et son épouse Catherine Cornil, deux de leurs enfants, un beau fils Charles Grulois et deux petits enfants. Par déduction ces agriculteurs ne peuvent être que les occupants de la ferme dont il ne reste plus que la grange accolée au pavillon de chasse de la Marliére. L’histoire de cette ferme nous intéresse particulièrement, car il est possible qu’elle était bâtie sur un fief dépendant du chapitre de la cathédralen. Les premiers éléments d’une nouvelle recherche sont maintenant rassemblés pour en apprendre plus sur cette ferme qui est sur les plans anciens représentée par un quadrilatère un peu plus grand que celui de la « Ferme du Vieux Maire ».

Orcq… Une grande famille ?

Les Orcquois de souche ont coutume de dire que des liens familiaux anciens les lient entre eux. Pour employer une expression peu académique on disait  « A Orcq ils sont tous famille ensemble ». La mise au point de notre base de données est une occasion rêvée pour vérifier ce qu’il y a de vrai dans cette assertion.

Mais il fallait partir d’un échantillon d’Orcquois du village avant l’arrivée massive des habitants des nouveaux quartiers : résidences Lelubre et Christine, rues de la Chapelle et Victor Crombez. Pour ce faire, j’ai choisi deux photos de classe datant des années 1954-1955 reproduites plus bas. Sur la première photo, on voit 33 élèves des 6 classes primaires de l’école des garçons en compagnie de leur instituteur Louis Taquet. Nous avons retenu sur cette photo uniquement les élèves orcquois de souche en comprenant sous ce vocable ceux dont au moins un grand parent était né à Orcq, il restait ainsi 18 élèves et l’instituteur. Nous avons ensuite interrogé le logiciel pour chercher des ancêtres communs à ces Orcquois. Nous en avons trouvé plusieurs, mais celui qui a le plus de descendants présents sur la photo est Philippe Joseph Bracaval. Ce nom qui ne dit certainement rien à aucun de ses descendants était cependant une personnalité importante du village et même de Tournai et sa banlieue. Un relevé des épitaphes se trouvant sur les dalles funéraires de l’église réalisé par Willy Goeminne nous apprend en  effet qu’il fut durant 6 ans juré du corps des laboureurs de Tournai et sa banlieue et ensuite grand doyen de ce même corps. Il fut également pauvrisseur et égliseur, il gérait donc les comptes des pauvres et était également fabricien. Il fut aussi maître de la confrérie de Saint Agathe, vénérée, au village lors d’un important pèlerinage annuel.

Orcq dépendait du pouvoir de Tournai et sa banlieue, le corps des laboureurs y était divisé en 12 quartiers et y avait des rôles divers en perception d’impôts notamment mais aussi en des matières moins profanes puisque c’était le grand maître par exemple qui jugeait s’il était nécessaire d’implorer le secours du ciel quand la rigueur du climat ou les parasites entravaient le développement normal des cultures.

Sur les 18 élèves de souche orcquoise représentés sur la photo et l’instituteur nous en avons relevé 9 qui sont des descendants de Philippe Joseph Bracaval né à Orcq le 15 7 1716 et y décédé le 1 4 1792 et de son épouse Marie Anne Joseph Masquelier née vers 1721 et décédée à Orcq le 20 5 1808.

Descendent de leur fille Marie Françoise épouse Pierre Joseph Rabo : Freddy Lefebvre, Jean Claude Delrue,  Jean Louis Baudry, Abel Hernould et Marc Lefebvre

Descend de leur fille Bertine épouse Fidèle Varlet (le vieux maire) : Willy Varlet

Descendent de leur fils Piat époux Marie Anne Malo : l’instituteur Louis Taquet, Daniel Bourdeaud’hui et Jean Claude Liétart.

Num 5 Classe Taquet 1955.jpg

Orcq école communale des garçons, classe unique 1954 1955 : debout de g à d : Jacques Parent, Frans Dedeyne, Michel Clément, Jean Ségard, Jean Claude Delrue, Odiel Dedeyne, Freddy Lefebvre, Michel Decock, Georges Fervail, Christian Delbar, Louis Taquet l’instituteur, F Pot, Accroupis de g à d : Danile Pollet, Carl Delroisse, Alexis Dubuisson, André Coque, Jean Pierre Maladry, Gérard Detrain, Jean Claude Liétart, Daniel Bourdeaud’hui, Marc Lefebvre, Abel Hernould, Jacky Foret, assis de g à d Willy Varlet, Raymond Maladry, Michel Luc, Guy Duquenne, Daniel Lourdeau, André François, Roger Dedeyne, Norbert Vercamer, Jean Degallaix, Bernard Lefebvre et Jean Louis Baudry  en caractères gras les descendants de Philippe Bracaval.

Pour avoir un échantillon complet et par souci d’égalité entre les sexes ( !) j’ai aussi reproduit une photo de pareille époque de l’école des filles, mais comme cette école était moins fréquentée que celle des garçons l’échantillon est moins représentatif. La classe unique sous la direction de Madame Lacroix comprenait 16 élèves dont 7 seulement étaient de souche orcquoise, comme définie pour les garçons. L’institutrice quant à elle n’était pas originaire du village. Sur ces 7 élèves, j’en ai retrouvé 4 qui descendent de Philippe Bracaval : les sœurs Colette et Brigitte Comblez et Rosita Petit descendent de Marie Françoise Bracaval, tandis que Bernadette Moyart descend de Piat Bracaval.

Filles 1953.jpg

Orcq école communale des filles, classe unique vers 1954, debout à l’arrière et de g à d Claudette Steuve, Lucienne Dubuisson, Lucie François, Brigitte Comblez, Yolande Lagache, Bernadette Lefebvre, debout au milieu et de g à d Bernadette Moyart, Suzanne Noppe, Suzanne Lagache, Mauricette Steuve, Nicole Lemaire, Colette Comblez, Micheline Steuve assises de g à d : Marie Josée Declève, Claudine Clément, Rosita Petit et Bernadette Lefebvre. En caractères gras les descendantes de Philippe Bracaval.

Garçons et filles confondus, 52% des Orcquois de souche représentés sur les deux photos descendent donc de Philippe Bracaval : de quoi organiser une belle cousinade et conclure que l’expression populaire avait du sens !

Autres informations contenues dans les registres

Si la tenue des registres d’état civil est régie par des directives strictes, il n’en est pas de même des registres paroissiaux qui contiennent souvent des informations qui n’ont rien à voir avec les baptêmes, mariages et décès.

Ceux d’Orcq contiennent des listes de confirmations entre 1686 et 1731 ayant eu lieu à Orcq ou dans d’autres paroisses. Les registres contiennent aussi curieusement les semainiers du 1er octobre 1782 à la fin de l’année.

Mais le passage le plus intéressant est celui écrit par le curé Achart de Froidmont (c’est son patronyme) qui mentionne que le 1er et le 2 juillet 1623 l’évêque de Tournai Maximilien de Gand dit Villain est venu à l’église d’Orcq pour y consacrer trois autels, dont deux à la dévotion des saints martyrs Thébend et Trenerien (orthographe incertaine). J’ai d’abord pensé qu’une nouvelle église avait été construite à Orcq cette année, mais c’est peu probable puisque l’actuelle date de 1782 et il ne me semble pas qu’on aurait détruit une église d’à peine 150 ans pour en construire une nouvelle. Jacques Pycke, conservateur des archives de la cathédrale nous a dit qu’à cette époque de nombreuses reliques venant des pays nordiques, conquis par le protestantisme qui ne connaît pas la vénération des reliques, étaient disponibles. Il est donc possible que la paroisse les ait acquises à cette époque pour les offrir à la dévotion des paroissiens orcquois.

Conclusion

Nous avons démontré à suffisance l’intérêt que peut présenter notre  base de données, pour l’histoire locale. Ces informations sont aussi disponibles (gratuitement) pour quiconque est intéressé à se lancer dans des recherches concernant le village d’Orcq ainsi qu’aux généalogistes. Il suffit de prendre contact avec l’auteur bernard.demaire@skynet.be ou tel 32 69 841942.

 Bibliographie

1 Archives de l’Etat à Tournai : Registres des baptêmes, mariages et décès de la paroisse d’Orcq et archives de la commune d’Orcq

2 Administration communale de Tournai, antenne de Templeuve : Registres d’état civil d’Orcq 1796 1899

3 Collyns Octave : Monographie d’Orcq

Photos

Acte de baptême de Ghislain Dujardin voir référence bibliographique 2

Acte de décès de du Brocard voir référence bibliographique 1

Photo Louis Varlet : Willy Varlet

Photo Jules Ghislain : Michel Luc

Photo école des garçons : Francis Taquet

Photo école des filles : Lucie François

Orcq évoqué au cours de procès d’Assises au XIXe siècle

Au cours du XIXème siècle deux procès d’Assises qui se sont déroulés à Mons ont concerné Orcq de près. Notre article tentera de relater fidèlement ces deux crimes en y incluant la sentence finale. La première affaire est un crime crapuleux commis par un orcquois à Rumes et la seconde un drame de la misère qui se déroula à Orcq et dont la coupable était étrangère au village.

1Un mauvais garçon à Orcq

Le 7 octobre 1823 devant Fidèle Varlet mayeur d’Orcq (Pour ceux qui connaissent le village, c’est lui-même qui a donné son nom à « La ferme du vieux maire ») est comparu Louis Daneulin journalier domicilié à Orcq . Celui-ci déclare que la veille est né de lui et de son épouse Françoise Carrez un enfant mâle auquel il donne les prénoms de Louis Alexandre Fortuné.

On pouvait espérer  que L.A.F. Daneulin grandisse en âge et en sagesse.

Mais en 1847 L.A.F. avait pris un peu de liberté avec les lois de l’Eglise en faisant un enfant à la fille du garde champêtre d’Orcq alors qu’ils n’étaient pas mariés. Mais peut-être avait-il l’intention de l’épouser plus tard, la suite de l’histoire va montrer qu’il n’en eut pas l’occasion…

Le 6 septembre 1847 en face de Pierre Joseph Cuigniez bourgmestre d’Orcq  est comparu Louis Alexandre Fortuné Deneulin, (les généalogistes et amateurs d’histoire locale ont l’habitude de ces petites transformations dans les graphies des noms et ne s’étonneront pas qu’un « a » se soit mué en « e ») journalier qui déclare que le 3 septembre est né un enfant du sexe féminin dans la maison du sieur Louis Devignes garde champêtre et auquel il donne le prénom de Rosalie.

Il se reconnaît pour père de l’enfant qu’il a eu de Marie Anne Devignes fille dudit Louis qui joue également le rôle de témoin et signe l’acte. Da(e)neulin, lui, ne savait pas écrire.

Le garde champêtre n’était pas un homme facile et dans le rapport de la séance du conseil communal d’Orcq du 28 février 1848 on trouve les informations suivantes :

Cette séance est consacrée à la révocation du garde champêtre Louis Devignes. Les gardes champêtres avaient un carnet dans lequel étaient consignées les appréciations de leurs supérieurs et il se fait que Devignes en avait déchiré les pages contenant des notes négatives, de plus il avait proféré des « répliques révoltantes se permettant des expressions inconvenantes et contraires au respect dû à l’autorité locale »

Mais le reproche principal qu’on lui faisait est contenu dans les lignes suivantes :

« Il (le bourgmestre  Pierre Joseph Cuigniez) dit que l’an dernier (en 1847), lorsqu’il a adressé au garde champêtre des observations au sujet de la conduite d’un membre de sa famille et de celle de la personne qui vient d’être condamnée à la peine la plus ignominieuse pour assassinat et dont il tolérait la résidence chez lui au scandale de toute la commune, le garde champêtre s’est permis de tenir les propos les plus déplacés et les plus irrespectueux, qu’il n’a pas tenu compte de la défense qui lui avait été faite de loger chez lui l’auteur de l’assassinat commis à Rumes puisqu’il résulte de la déclaration faite par sa fille devant la cour d’assises que le jour même du crime l’assassin est encore allé chez lui pour y loger »

Plus loin on lit que les magistrats chargés d’interroger le garde champêtre dans le cadre de cette affaire ont dit que le garde champêtre était :

« indigne d’être continué plus longtemps dans ses fonctions vu son silence sur les circonstances du crime qu’il connaissait et les prétextes inventés  par lui et sa famille dans le but de disculper l’assassin qu’il aurait dû le premier dénoncer à la justice »

Il aurait fallu être assez obtus pour ne pas flairer une relation possible entre l’assassin et l’amant de la fille du garde champêtre.

La relation complète des faits ne peut être plus explicite qu’en laissant la parole à un journal tournaisien du XIXème siècle : « La Feuille de Tournai »

« La feuille de Tournai » 10 janvier 1848

« Le bruit courrait aujourd’hui en ville qu’un assassinat avait été commis hier à Rumes.  Cette horrible nouvelle n’est que trop vraie.  Le Procureur du Roi et le juge d’instruction sont partis ce matin, vers 9 heures, pour aller sur les lieux recueillir les principaux renseignements qu’on ignore encore.

Voici la version qui nous a été donnée.  Hier, vers onze heures et demie du matin, on a trouvé assassinée en son domicile à Rumes, la femme du sieur Eugène Maertens qui tient auberge à la barrière de Rumes, vis-à-vis du bureau des douanes.  Le sieur Maertens était en ce moment sorti pour faire sa visite du nouvel an au curé du village, qui est le frère de sa femme.  L’auberge du sieur Maertens est celle où vont d’ordinaire les gendarmes du lieu, qui ont leur caserne à 5 minutes de là.  L’assassinat a été suivi de vol. »

« La feuille de Tournai » jeudi 13 janvier 1848

« D’après les nouveaux renseignements que nous avons pu nous procurer sur l’assassinat de la femme Maertens, de Rumes, il paraît que sa demeure n’est pas, ainsi qu’on nous l’avait dit, située en face du bureau des Douanes, mais à l’entrée du village, près de Froidmont, non loin de l’avenue du château de Mad. Piat Lefebvre.

Cette maison est isolée.

Le cadavre de la victime a été trouvé dans un des fossés qui bordent la grand’route de Douai.  Cependant, le crime a été en partie commis dans la maison, le désordre et le sang répandu dans la chambre principale l’attestent ; la victime aura sans doute voulu échapper à son assassin qui a achevé de l’assommer dans le fossé.  Il devait être alors midi environ, car à 11 heures et demie, deux femmes allant vers Tournai, ont vu la femme Maertens à la porte de son cabaret.

On conçoit à peine l’audace d’un pareil forfait !  A l’heure de midi, dans une auberge barrière située sur une grand’route, une femme robuste de 40 ans est assassinée par un individu qui ne peut l’assommer qu’après une lutte acharnée : l’état horrible du cadavre le prouve suffisamment, et personne n’entend les cris de détresse de cette malheureuse, dont le cadavre est découvert à midi et quart.

En faisant une battue dans le bois de Vezon, situé à environ 200 pas de la maison Maertens, on a trouvé dans un buisson, le bâton ensanglanté qui a dû servir à perpétrer le crime.

Le vol a été de peu d’importance ; la recette de la barrière avait été versée la veille, et il n’a enlevé que le peu d’argent qu’il a pu trouver.

Au moment du crime, la fille de la victime ainsi que ses deux domestiques, étaient à la messe, et son mari était parti pour aller dans le pays de Charleroi faire une visite aux parents de sa femme.

Ce sont les gendarmes de la brigade de Rumes – qui prennent leurs repas chez les époux Maertens – qui ont découvert le cadavre.  Après avoir appelé vainement dans la maison, ils ont entendu sur la route les plaintes d’un jeune chien ; ils se sont dirigés de ce côté, et ont vu le pauvre animal couché sur le corps inanimé de sa maîtresse.

La gendarmerie a arrêté aujourd’hui jeudi, et écroué à la prison des Carmes, un individu véhémentement soupçonné d’être l’auteur de l’assassinat de l’épouse Maertens.  Il se nomme Alexandre Dénelin, ouvrier tanneur chez la veuve Dupont, rue de Morelle, mais résidant à Orcq.  La justice possède, dit-on, les preuves les plus accablantes contre cet individu qui, jusqu’à présent, est encore en dénégation.

Ces preuves sont une des boucles d’oreilles de la victime, trouvée dans la bourse de Dénelin et un morceau du pantalon qu’il portait et que le chien a dû arracher en défendant sa maîtresse.  Ce morceau d’étoffe, trouvé près du cadavre, s’adapte à un des pantalons du prévenu. »

« La feuille de Tournai » lundi 17 janvier 1848

 

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 Plan de la maison Maertens, à Rumes

« Quoique l’assassin de l’épouse Maertens soit en aveu, il n’a pas encore, paraît-il, dit toute la vérité ; car la version qu’il donne tend à faire croire que son action est un acte de colère exaltée et non un crime prémédité.  Ses explications sont peu vraisemblables d’après l’état des lieux.  Il dit que comme il sortait de chez Maertens, le dimanche, après y avoir pris la goutte, le chien de la maison lui a déchiré son pantalon, qu’il a rudement repoussé le chien, que la femme Maertens l’a injurié à cause de cela, qu’une querelle s’en est suivie, et, qu’aveuglé par la colère, il l’a frappée de son bâton près de la porte, qu’elle s’est sauvée alors sur la route, qu’il l’a poursuivie, etc. ; mais il proteste qu’il n’est pas rentré dans la maison, et conséquemment qu’il n’a rien pris.

D’après le plan que nous donnons plus haut, il est à peu près certain que la femme Maertens a été frappée non pas près de la porte d’entrée, ainsi que ledit Dénelin, mais près de la laverie ; la preuve, c’est qu’indépendamment de la mare de sang trouvée tout à côté, le chambranle et la porte de cette pièce sont tâchés de gouttes de sang qui ont jailli jusque-là.  La mare de sang la plus rapprochée de l’entrée de la maison indiquerait que c’est là que la malheureuse victime est venue tomber ; l’assassin la croyant morte, lui aura pris ses boucles d’oreilles, puis ses clés pour fouiller le tiroir du comptoir et le coffre du cabinet, qui ont été trouvés ouverts.  Pendant qu’il faisait ses investigations, la femme Maertens revenue à elle, aura trouvé assez de force pour sortir de chez elle, et il l’aura poursuivie et achevée.  Il est constant qu’on a trouvé sur lui une des boucles d’oreilles de la victime ; l’autre a été ramassée sur la chaussée où il l’aura laissé tomber sans doute.  Quant aux clés, elles ont été trouvées sur le fumier de la cour de la maison, dans la direction du bois où a été trouvé le bâton ensanglanté.

C’est le mari de la victime qui a mis la justice sur la voie du coupable.  En apprenant, dans les environs de Charleroi où il était alors, que sa femme avait été assassinée le dimanche vers midi :

« Je connais l’assassin » a-t-il dit, « ce doit être Dénelin !  Depuis plus de 6 mois, cet individu vient chez moi tous les dimanches à l’heure où ma femme est souvent seule, et sa manière d’être m’a toujours paru suspecte ; c’est au point que j’en avais averti ma femme. »

Les prévisions du mari, comme on sait, ne se sont que trop réalisées ! »

 

L’affaire Daneulin sera jugée en Assises à Mons le 22 février 1848 et la sentence tombera le 23 : c’est la peine de mort !

L’exécution de l’arrêt aura lieu sur l’une des places publiques de Tournai

Dans l’édition du 15 avril 1848 de la Feuille de Tournai on lit :

« Ce matin (15 avril 1848), à 6 heures, a eu lieu sur la Place Verte, l’exécution capitale de Daneulin, l’assassin de la femme Maertens de Rumes.  Une foule assez nombreuse assistait à ce triste spectacle.  M. l’abbé Renier et le père Bouchard ont donné à ce criminel, les dernières consolations de la religion.  Arrivé au pied de l’échafaud, les forces lui ont presque totalement manqué et il a été porté plutôt qu’il n’est monté  jusqu’à l’instrument du supplice.  A 6 heures et quelques minutes, justice était faite. »

Nous avons pu localiser avec précision l’endroit du crime et la maison existe toujours sans avoir subi, à l’extérieur, de transformations majeures : il s’agit du dancing qui porte le nom innocent de « La Rosière » situé chaussée de Douai à Rumes.

Plusieurs personnes d’Orcq furent citées ou appelées à témoigner Jean Baptiste Cuigniez 36 ans bourgmestre, Louis Fremeau 25 ans journalier, Armeline Wattiau 16 ans sans profession, Marie Anne Desvignes 25 ans journalière, François Vifquin 52 ans cultivateur, Catherine Leroy qui tenait le cabaret « La bite de tien » ! à Orcq, Angélique Comblez femme de Benoît Degand cabaretière à « La Bistoquette », Virginie Leroy 32 ans demeurant au café « Le Cuirassier », Albertine Dumortier femme de François Lefebvre cabaretière, Isidore Broquesoy, Noël Carpentier cabaretier.

Par ordre chronologique le dernier document du dossier d’Assises est une lettre adressée le 29 août 1848 par Eugème Maertens au Procureur du roi de Tournai commençant ainsi :

« Monsieur le Procureur,

Le misérable qui m’a privé de l’objet le plus tendre de mon amour ayant satisfait à la justice depuis quelque temps, je prends la respectueuse confiance de m’adresser à vous, Monsieur le Procureur afin de pouvoir reprendre les objets qui sont entrés comme pièces de conviction dans le jugement. …. »

Maertens demandait à récupérer les boucles d’oreilles dérobées par Daneulin à son épouse.

La Belgique indépendante a connu 54 exécutions pour condamnation à mort entre 1830 et 1863 date à laquelle, suite à une erreur judiciaire, le roi a chaque fois gracié les condamnés à mort pour des crimes de droit commun.

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 Affiche reprenant la sentence (Archives de l’Etat à Mons)

 

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Plan détaillé de la maison du crime ayant servi lors du procès d’assises (Archives de l’Etat Mons)

 En i et en h les mares de sang et en m et en l les traces de pas ensanglantés.

 

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La maison du crime, état actuel. A droite le magasin au charbon comme décrit sur le plan. La porte, entre les fenêtres, est la porte d’accès à la pièce de la maison où l’agression a eu lieu.

 

2 Drame de la misère à Orcq en 1895

Fin août 1894, Maria, domestique chez Léopold Dubus fermier au quartier du bourg à Orcq devra chercher du travail ailleurs. Le docteur Coppez à Tournai, payé par Dubus, a confirmé qu’elle était enceinte et Léopold a décidé de « lui donner ses huit jours » formule consacrée pour dire qu’elle était licenciée. Les temps sont durs et elle fait partie de la classe des moins nantis. On peut même dire qu’elle est de la classe des plus pauvres. Elle est née 22 ans plus tôt à Velaines, sa mère Julienne était fille-mère et lui a donné le jour le 31 janvier 1872.

Elle est célibataire et la naissance est prévue dans trois mois. Heureusement elle arrive à retrouver du travail dans la région, à la ferme de Julien Duwez, faubourg de Lille à Tournai. Son salaire sera de 20 francs par mois.

Fin novembre elle se rend chez Jean Baptiste Parent à Orcq qui est l’époux de Léocadie Lemaire pour pouvoir y accoucher. Odile Deneulin l’accoucheuse (une nièce d’Alexandre Fortuné Deneulin tristement célèbre à Orcq – voir première affaire traitée) l’y aide à mettre son enfant au monde le 25 novembre 1894 à 9 heures, c’est une fille. C’est Jean Baptiste qui se rend à la maison communale d’Orcq le même jour pour déclarer l’enfant.

La fillette  portera le prénom du premier enfant de Jean Baptiste et Léocadie décédé en 1882 à l’âge d’un an et demi : Azéma. Le prix de la mise en nourrice chez les époux Parent sera de 18 francs par mois. Gagnant 20 francs par mois Maria devait inéluctablement et à très brève échéance se trouver dans une situation financière inextricable.

Firmin Bourgy est maçon à Orcq et son frère Philippe travaille à Roubaix, ils habitent chaussée de Lille à Orcq. Le 9 avril et les jours suivants ils ont remarqué que quelque chose surnageait dans l’eau de leur puits ouvert qui se situe le long de la chaussée et dans lequel ils puisent l’eau pour leur usage quotidien. Le 14 avril, jour de Pâques, Philippe boit un verre dans un café de la chaussée de Lille et évoque devant d’autres personnes présentes la présence de l’objet dans le puits tout en se plaignant de l’odeur désagréable dégagée par l’eau. Ses amis évoquent la possibilité qu’un animal soit tombé dans le puits. Vers onze heures Philippe rentre chez lui et se décide à en avoir le cœur net. Il attache un crochet à une corde et essaie de ramener l’objet qui se trouve dans le puits. La réponse est immédiate et terrible : il hisse hors du puits le cadavre d’un enfant. Mise au fait de cette découverte l’accoucheuse, Odile Deneulin, arrive chez Bourgy et reconnaît l’enfant comme étant Azéma la fille de Maria. Les autorités communales sont averties.

Immédiatement l’appareil judiciaire se met en marche et l’après midi même de ce jour de Pâques le juge d’instruction auprès du tribunal de première instance de Tournai Albert Labis, accompagné du procureur du Roi Leschevin, d’Alexandre Segond Greffier et du docteur Emile Schrevens médecin légiste se mettent en route pour Orcq. Ils se rendent chez les frères Bourgy et y découvrent, dans la première place de la maison le cadavre d’une petite fille de quelques mois vêtue de vêtements grossiers.

Dès lors les interrogatoires se succèdent et en associant les différentes dépositions des témoins et de la mère de l’enfant on peut décrire le déroulement des faits comme suit :

Déposition des époux Parent (15 avril 1895)

Le 31 mars, dimanche de la passion (15 jours avant Pâques) vers 20h30 Maria s’est rendue chez les époux Parent afin d’y reprendre sa fille Azéma âgée de 4 mois. Les frais de garde qui se montaient à 72 francs n’avaient été payés que partiellement à concurrence de 50 francs. Elle dit aux Parent que sa grande tante Augustine Surmont habitant Velaines avait accepté de s’occuper de l’enfant gratuitement. Elle promettait de payer le solde le 10 avril, date où elle était payée chez Julien Duwez. A pied il faut environ deux heures trente pour relier Orcq à Velaines par les sentiers et les époux Parent proposent qu’elle emporte une bouteille de lait et un biberon ainsi qu’un vêtement supplémentaire pour protéger l’enfant du froid. Ils trouvent étrange que Marie refuse le tout et ce n’est qu’à force d’insister qu’elle accepte de prendre le biberon et le lait. Vers neuf heures elle quitte la maison des Parent pour se rendre, dit-elle, à Velaines chez Augustine Surmont.

Première déposition de Maria (15 avril 1895)

Je suis passée chez les époux Parent le dimanche de la passion pour reprendre mon enfant qu’ils soignaient mal. J’étais accompagnée de mon amoureux Victor Dubus (fils de Léopold l’ancien employeur de Maria), il est resté sur la route. Quand nous sommes sortis il a proposé de porter l’enfant, arrivé à la hauteur du puits il a proposé d’y jeter l’enfant afin de ne plus avoir à le nourrir. J’ai pleuré et essayé de l’en empêcher, sans succès. Après il s’est enfui en courant. Dubus m’avait promis de l’argent pour entretenir l’enfant et il n’a pas pu m’en donner c’est la raison pour laquelle il l’a tué. Mon intention était de le confier à ma tante Augustine Surmont à qui j’avais fixé rendez-vous au café du « Valet de pique » près de Saint Brice à Tournai. Je l’avais rencontrée le matin même à Tournai lors de la tournée de lait car elle allait à Lille et avait accepté de prendre l’enfant le soir même.

Deuxième déposition de Maria (15 avril 1895)

Ce que je viens de dire n’est pas vrai, j’ai tué seule mon enfant, personne ne m’a inspiré cette idée et je n’ai reçu de conseil de personne. J’ai été chercher mon enfant avec l’intention bien arrêtée de le jeter dans le puits où il a été retrouvé. Je me repens sincèrement de l’acte que j’ai posé et j’en demande pardon. C’est la misère qui m’a poussée à le commettre. Je gagne seulement 20 francs par mois et je devais en donner 18 pour l’entretien de l’enfant.

Le lundi 15 avril 1895 dans l’avant-midi Maria est arrêtée chez Duwez et les gendarmes auront bien de la peine à la protéger de la populace du faubourg de Lille prête à la lyncher.

On peut se poser la question de savoir si Maria avait été vraiment affectée par son acte, en effet, Clotilde Bourgois l’épouse de Julien Duwez, son employeur, déclara que quelques jours après son forfait elle chantait comme elle le faisait souvent. Le 14 avril jour de la découverte de l’enfant Jean Baptiste Parent se mit en quête de Maria afin de lui réclamer l’argent qu’elle lui devait encore. Il la trouva au café à l’enseigne du Tonnelier au faubourg de Lille. Parent au courant que son enfant avait été retrouvé dans le puits lui dit « C’est ton enfant qui a été jeté dans le puits, qu’est ce que tu as fait ? » elle lui répondit « Ce n’est pas le mien »

Le dimanche 7 avril Maria informe Odile Deneulin que son enfant est malade et le lundi 8 au matin elle lui dit que l’enfant est décédé et a été enterré la veille après midi. Odile Deneulin lui fait part de son étonnement de la rapidité de l’enterrement et de son indifférence.

Elle est écrouée à la prison de Tournai. Elle continue cependant à soutenir que Victor Dubus est le père de l’enfant ce que ce dernier nie avec force.

Le rapport d’autopsie établi par le docteur Emile Schrevens de Tournai le 15 avril se termine de de la façon suivante :

Je conclus

1° Que Azéma a succombé à l’asphyxie par submersion

2° Que son cadavre a séjourné dans l’eau une quinzaine de jours environ

3° Que le régime alimentaire auquel elle était soumise était complètement défectueux

4° Que la mort n’est pas survenue plus de deux heures après son dernier repas

L’acte d’accusation établi à Bruxelles le 27 mai 1895 se termine ainsi : Maria Léopoldine est accusée d’avoir, à Orcq le 31 mars 1895, dans l’intention de donner la mort et avec préméditation, commis volontairement un homicide sur la personne d’ Azéma sa fille naturelle.

Sur quoi le Cour d’Assises de la province du Hainaut aura à statuer.

Le procès d’Assises aura lieu à Mons le 15 juillet 1895.

Les jurés ayant répondu positivement aux questions du président concernant la culpabilité et la préméditation, l’arrêt tombera le jour même condamnant Maria à 15 ans de travaux forcés.

Le Courrier de l’Escaut du mercredi 17 avril 1895 a relaté le crime et l’édition du mardi 16 juillet de la même année a donné le verdict des Assises à la une.

Nous n’avons pas pu situer la maison des Bourgy, par contre la ferme Dubus est actuellement occupée par les établissements Waleck à Orcq et les Duwez occupaient la ferme du pavé Saint Lazare au faubourg de Lille, actuelle propriété du docteur Denis.


Pour conclure

Les archives criminelles ont permis de décrire avec beaucoup de précision des tranches de vie du XIXème siècle. J’ai été particulièrement étonné de la place importante que prenaient les cafés à ce moment. En effet une bonne partie de la vie sociale semble s’y dérouler et les témoignages relatifs à ce qui s’y passe ou ce qui s’y dit sont légion dans les deux affaires.

Un autre aspect très intéressant est celui de l’organisation de la justice qui était d’une rapidité incroyable : dans la première affaire 3 mois et 6 jours se sont écoulés entre le crime et l’exécution du coupable et dans la deuxième affaire 3 mois entre la découverte du crime et le prononcé du jugement. Justice rapide peut-être également expéditive ?

Références

Archives de l’Etat à Mons : dossiers d’Assises de la Cour de Mons 1848 et 1895

Archives de l’Etat à Tournai : consultation des registres d’état-civil d’Orcq

Courrier de l’Escaut : année 1895

Demaire Bernard : Une mauvaise rencontre à Orcq Revue trimestrielle de l’Association généalogique du Hainaut belge 2008 N° 73

Desqueper Damien : correspondance privée

La feuille de Tournai : année 1848

Pâques Raymond : correspondance privée

 

Les habitants d’Orcq à travers quelques photos des années 50

Cet article n’a pas la prétention de constituer une contribution importante à l’histoire locale, mais il répond à un souhait de beaucoup de retourner vers un passé pas trop éloigné, qu’ils ont connu et qu’ils parent souvent de la nostalgie des temps heureux révolus à jamais.

Nous allons essayer par l’image de faire revivre les habitants d’Orcq de ces années. A cette époque les téléphones n’étaient pas munis d’un œil photographique et de plus ils étaient fixes et peu nombreux, les appareils photographiques étaient aussi rares. Les photos étaient réservées aux grandes occasions et à Orcq, comme dans beaucoup d’autres villages, c’étaient surtout les événements religieux qui  attiraient le monde et les photographes.

Les quatre événements que nous allons suivre par la photo sont : une fancy-fair à l’école gardienne en 1951, l’installation du père Denis Hamaide comme curé de la paroisse le 31 août 1952 , l’inauguration le 15 mai 1955 de la nouvelle cloche de l’église remplaçant celle volée par les Allemands en 1943 et l’installation de l’abbé Robert Leduc curé de la paroisse en octobre 1961.

Le 22 juillet 1952 décédait à Orcq Emile Delmeulle pasteur du village. Ce curé austère et sévère avait conduit ses ouailles durant trente ans et passé avec elles les dures années de guerre.

FANCY FAIR JUIN 1951 NOM.jpg    Nous conservons de lui la photo 1 prise en juin 1951, un an avant son décès, lors d’une fancy-fair organisée au profit de l’école gardienne paroissiale.

 L’abbé Delmeulle est entouré des membres du Conseil Communal : Fernand Brunelle et André Decock conseillers, Fernand Pennequin et Félix Deligne échevins en compagnie du bourgmestre Jacques Allard. En ce qui concerne la commune on peut difficilement parler de partis politiques à Orcq, en effet on n’y retrouve pas les clivages religieux, sociaux ou politiques qu’on connaît au niveau national. Il faudrait plutôt parler de deux clans et il est parfois bien difficile d’expliquer pourquoi on appartient à l’un ou à l’autre. Nous parlerons donc de parti du bourgmestre et de parti de l’opposition. Le conseil communal était formé d’un bourgmestre, deux échevins et cinq conseillers. Sur la photo les édiles communaux sont tous du parti du bourgmestre. La fabrique d’église est représentée par Octave Collyns. C’est sans doute ce dernier, professeur au collège Notre Dame de Tournai, qui a invité le père jésuite Cardol recteur du même collège. Le prêtre à l’extrême droite est peut-être l’abbé Derache curé de Froyennes.

Une installation fleurie

Le 31 août de la même année le successeur de l’abbé Delmeulle était officiellement « installé », puisque c’est le terme consacré, au village. Il était d’usage à Orcq que les autorités communales aillent accueillir le nouveau pasteur à l’endroit où la chaussée de Lille quitte Tournai pour entrer dans Orcq au lieu dit justement nommé « La Barrière ».

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La photo a été prise près de la jonction de l’allée des Patriotes et de la chaussée de Lille, près de « La Barrière ». Le nouveau curé est un père franciscain, Joseph Hamaide, père Denis en religion, professeur au collège tout proche qui se trouve près de l’église Saint Lazare à Tournai. La raison de ce choix est sans doute dictée par la crise des vocations qui commence déjà à poser des problèmes. En l’absence du bourgmestre Jacques Allard, dont l’épouse Madeleine van Dam est cependant présente, c’est le premier échevin Fernand Pennequin, ceint de l’écharpe tricolore, qui prononce l’allocution de bienvenue sous l’œil approbateur du président de fabrique Octave Collyns. Les sœurs Bothuyne jouent les petites hôtesses et s’apprêtent à offrir les bouquets d’usage au père Denis. Derrière elles se tient celui qu’on appelle « Le petit bossu » Lucien Comblez, marchand de vieux fer et coqueleux émérite dont la spécialité était d’armer les coqs de combat.

Le cortège suivait alors son cours vers l’église. Heureux temps où il ne fallait pas une armée de gendarmes pour organiser les déviations tant la circulation était peu dense. La photo suivante est celle de la halte à l’école gardienne libre, actuellement « Foyer de l’Amitié », une délégation des enfants constituée de quatre fillettes dont nous en avons reconnu deux, accompagnées de leur institutrice, Marthe Juste, offre à nouveau des fleurs au pasteur. Le village comptait à cette époque environ 25 fermes en activité contre 5 actuellement. Sur la photo on peut reconnaître 4 membres d’une des « dynasties paysannes » d’Orcq : il s’agit de l’aïeule Clémence Ghislain fille de Jules, agriculteur, qui fut durant 36 ans de 1885 à 1921 bourgmestre du village, elle-même épouse de Guillaume Luc agriculteur également. Elle était la mère d’Emilie Luc épouse de Maurice Desloover agriculteur.  Ses petits enfants Robert et Anne Marie Trifin se trouvent aussi sur la photo.

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 Les trois religieuses appartiennent, semble t’ il  à la congrégation de la Sainte Union qui possède plusieurs écoles à Tournai dont une à la chaussée de LIlle. Après l’hommage de l’école libre, comme il fallait garder l’équilibre entre les réseaux d’enseignements, le nouveau pasteur eut encore droit à un bouquet, offert cette fois par l’école officielle communale des garçons. La scène est représentée sur la photo ci-dessous.

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À côté du père Denis et de Fernand Pennequin on peut reconnaître René Delbart, je pense qu’il devait représenter les anciens combattants du village. C’est Francis Baudry, fils du dernier maréchal ferrant du village qui avait eu la responsabilité de prononcer le mot de bienvenue. Freddy Lefebvre, le fils du marchand de charbon, avait quant à lui la responsabilité du bouquet. Peu après mon arrivée au village, en 1957, et lors d’une conversation avec Marie Degallaix (épouse Louis Varlet – ferme du Vieux Maire) qui parlait parfaitement le picard, elle me parla de Freddy Lefebvre comme étant  « El pétit garcheon Louis XVIII ». Il m’a fallu plusieurs années pour comprendre que son grand-père était surnommé Louis XVIII non pas pour une certaine ressemblance avec le roi de France ou avec le raccommodeur de porcelaines bien connu des amateurs du folklore tournaisien, mais parce qu’il était passionné d’un jeu de cartes de ce nom. L’instituteur, « El mait Taquet » supervise le tout, il était entré en fonctions avant la guerre, mais une absence forcée de cinq ans l’avait retenu prisonnier en Allemagne, loin de ses garnements.  Son épouse était la sœur de Fernand Pennequin  qui faisait office de bourgmestre et qui allait présider aux destinées de la commune à partir de 1959 jusqu’à la fusion de communes. On ne peut reconnaître personne dans la foule trop éloignée si ce n’est le champêtre du village, René Vifquin reconnaissable à son képi. Une photo en couleur et sans képi aurait aussi permis de le reconnaître à sa chevelure rouge qui impressionnait le gamin que j’étais.

Une inauguration dans l’allégresse

L’abbé Delmeulle, curé de la paroisse, dont nous avons parlé plus haut a gardé dans les archives paroissiales une trace du vol, par les Allemands le 9 juin 1943, de la cloche prénommée Elisabeth datant de 1724.

Cloche allemands 1943.jpgIl fallut attendre 12 ans pour qu’elle soit remplacée, en effet le 15 mai 1955 Mgr Himmer évêque de Tournai vint à Orcq bénir la nouvelle cloche prénommée Marie Jean, à l’occasion de cette cérémonie de nombreuses photos furent également prises. Nous en avons sélectionné deux qui démontrent qu’à cette occasion également tous les habitants du village, ou presque, se sentaient concernés.          

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La photo ci dessus a été prise en face de la ferme Ghislain au N° 36 du Vieux chemin de Lille (actuelle propriété André Soudant). Elle représente le groupe de l’école gardienne libre et leur institutrice Léonie Luc. Elle avait été engagée deux ans auparavant, le 1er septembre 1953 en remplacement de Marthe Juste (3ème photo). Le doyen Hachez accompagne l’évêque de Tournai, Mgr Himmer. A l’arrière-plan on reconnaît Lucienne Verdebout, épouse du champêtre René Vifquin. 

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A cette occasion, Jacques Allard (photo ci dessus), bourgmestre, est présent. Anglophile, il affiche cette préférence culturelle jusque dans les détails, il tient en effet à la main un chapeau melon très « british ». Les membres du conseil communal sont également présents : André Decock et Fernand Pennequin, échevins, Julien Luc, Louis Varlet et Gérard Hernould, conseillers. On mentionnera deux figures typiquement orcquoises : d’une part Jean Ghislain qui était  parrain de la nouvelle cloche, la marraine étant Madame Jacques Allard, Madeleine van Dam et d’autre part Andrée Faignard ou Dédée. On reconnaît aussi la haute stature d’Ernest Messiaen qui était secrétaire communal, fonction qu’il remplissait aussi à Marquain.

Installation de l’abbé Robert Leduc

 L’abbé Robert Leduc est arrivé à Orcq le dimanche 29 octobre 1961. Il était Tournaisien d’origine et nous venait de Croix-lez-Rouveroy où il avait exercé son pastorat précédent. Une importante délégation de ce village l’avait d’ailleurs accompagné à Orcq à l’occasion de la fête organisée à son arrivée. Cela laissait augurer que le nouveau curé, bien considéré dans son village le serait aussi à Orcq. Il fut en effet proche des paroissiens et comme il était aussi bon vivant il s’intégra de suite au village. Comme la coutume le voulait il fut accueilli à la Barrière par le bourgmestre qui était Fernand Pennequin depuis 1959. Marie José Declève, présente ce jour, nous dit que le père Denis, curé sortant, avait juste avant été conduit de l’église à la Barrière pour prendre congé de lui avant d’accueillir le nouveau curé. Le cortège se dirigea ensuite vers la chapelle Notre Dame de la Paix.

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La photo ci dessus montre le groupe de l’école des filles avec son institutrice, Madame Lacroix Fermeuse, qui venait sans doute de perdre un proche, car elle était en tenue de grand deuil, le long de la chaussée de Lille à l’embranchement de l’allée des Patriotes.

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En face de la chapelle Notre Dame de la Paix les jeunes filles du village avaient chanté un hymne de circonstance et c’était Irène Lefebvre, l’épouse de Jean Marie Vandekerkhove, qui tenait la baguette.

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Les jeunes femmes avaient,  quant à elles, formé un groupe dont on ne sait plus ce qu’il représentait. La photo ci dessus les montre à la chaussée de Lille en face de la chapelle ND de la paix. Parmi les spectateurs on distingue Maria Desloovere dont les goûts vestimentaires n’avaient plus évolué depuis les années 20. Elle était célibataire et vivait dans la ferme familiale en compagnie de sa mère et de quatre frères également célibataires. Les riverains de la chaussée de Lille l’ont vue de longues années passer une fois par semaine à pieds allant vers Tournai. J’étais très curieux de savoir où elle pouvait se rendre de façon si régulière, il n’y a que peu de temps que j’ai appris qu’elle allait, une fois par semaine, à la grotte d’Allain faire ses dévotions.

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Sur la place du village  le nouveau curé reçoit l’hommage des garçons de l’école, c’est un des frères Bargibant dont le prénom nous échappe en hésitant entre Charles et Jean Marie qui a eu l’honneur de lire le mot de bienvenue. On remarque aussi un drapeau qui est celui de la mutualité des ouvriers réunis tenu par René Delbart. Henri Lefebvre et Julien Luc, dont la ferme se trouve à l’arrière, sont conseillers communaux de l’opposition. L’abbé Joseph Bourdeaud’hui, curé de Marquain était venu en voisin.

A l’occasion de l’installation de l’abbé Leduc l’Administration communale avait fait parvenir au président de la fabrique d’église le programme de la cérémonie. Il est reproduit ci-dessous.

Il faut noter que le chemin 23 dont il est question est devenu depuis rue de la Chapelle et rue Victor Crombez.

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  Ces festivités, bien que religieuses, attiraient aussi bien les catholiques pratiquants que les autres. Tout le village se sentait concerné et participait activement afin que la journée soit une réussite. Nous espérons, par ces quelques photos, avoir pu redonner vie pour quelques instants aux nombreuses personnes représentées qui ne sont plus là.

Nous remercions Marie José Declève, Carl Delroisse et Michel Hernould pour nous avoir aidés à reconnaître certaines personnes. Et Robert Trifin pour nous avoir transmis la copie du programme de l’installation de l’abbé Leduc.

Nous ne sommes pas à l’abri d’erreurs et certaines personnes non identifiées seront peut-être reconnues par nos lecteurs : merci de m’en faire part au 069 841942

 

                                                                                                                            


Combattants d’Orcq de la guerre 14-18

 

Abréviations MMO : nom repris sur le monument aux morts d’Orcq, CF Croix du Feu, CG Croix de Guerre, MA1 Médaille d’Albert 1er, MC Médaille commémorative, MV Médaille de la Victoire, MY Médaille de l’Yser

Bonnier Auguste

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MMO, Né à Orcq le 3 avril 1892 il était le fils de Désiré Bonnier et d’Eloïse Parent Il était soldat de la classe 1912 et appartenait au 3è chasseurs à pied 7ème compagnie.

Il a été blessé le 4 septembre 1914 et est revenu au front le 1er décembre 1915.

Il a été marqué par la malchance : ayant échappé jusque fin juillet 1918 à tous les dangers auxquels il avait été exposé depuis 4 ans, il est mort accidentellement en se noyant lors d’une baignade à Coxyde.

La sœur aînée d’Auguste Bonnier était Eloïse Marie, mère de Léon Lefebvre époux de Léonie Luc qui fut de 1953 à 1970 institutrice maternelle à Orcq.

Debacker Albert

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Nous avons retrouvé son nom dans le livre d’or des croix du feu et vers 1934 35 il devait être domicilié à Orcq. Nous ne savons rien de plus que les médailles dont il a été décoré et qu’il appartenait au 23ème de ligne. Les 8 chevrons de front semblent attester d’un séjour complet au front durant toute la guerre. Nous n’avons pas trouvé de témoignage oral non plus.

Distinctions : CG, MC, MV, MY, CF, 8 chevrons de front    

 Declève Louis   

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Il est né à Orcq le 7 novembre 1894 il était le fils de François et de Rosa Hovine.

Il a été incorporé comme milicien le 23 septembre 1914. Tournai étant déjà occupée à ce moment il était soit évacué en France ou a fait preuve d’une réelle volonté de servir le pays. Le 1er octobre il était appelé à l’instruction à Fécamp jusqu’en avril 1915. A ce moment il a été versé au 2ème régiment des carabiniers, ensuite au 4ème suite au dédoublement du régiment. Au moment de sa démobilisation il faisait partie de la 10ème compagnie du 4ème régiment de carabiniers. Il a passé 46 mois au front. Il est décédé à Orcq le 20 juin 1956,il était marchand de charbon et l’époux de Renelde Mazurelle. Leur fille unique Rosa a épousé Gérard Lefebvre qui a continué le commerce. Rosa et Gérard furent aussi les fondateurs du café du Cœur Joyeux. Ils eurent trois enfants Freddy, Pascal et Claudine (qui habite Orcq) qui ont également des descendants.

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, CF, 6 chevrons de front, ordre de Léopold II

Degand Léon

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MMO Né à Orcq le 28 6 1893 fils de Léon et de Sidonie Tricot, célibataire. Son père était receveur communal à Orcq. IL était de la classe 1913 et était de ce fait entré en service actif le 16 septembre 1913. Il appartenait au régiment du 3ème chasseurs à pied. Il est mort au combat à Dixmude (bruggenhoofd) le 14 juin 1915, il est vraisemblable qu’il soit tombé lors de la défense de la tête de pont de Beerst Bloote comme le laisse supposer son dossier « bruggenhoofd » signifiant – tête de pont (voir paragraphe consacré au 3ème chasseurs.). Il a été enterré initialement au cimetière militaire de Kaaskerke.

Delbecq Ernest

MMO. De nationalité française né à Wattrelos le 19 9 1875, il était boulanger et avait épousé à Lamain le 22 4 1912 Victoire Léonie Dupuich. Un enfant était né au sein du couple qui habitait Orcq, Victorine en 1913. Il faisait partie de la classe 1895 et a été enrôlé au 275ème régiment d’infanterie français. Il est mort de blessure de guerre le 12 avril 1915 à Void dans le département de la Meuse – commune actuellement fusionnée avec Vacon.

Christian Vercauter, un internaute, m’a communiqué quelques renseignements supplémentaires glanés aux archives départementales du Nord et sur le site du Secrétarait général pour l’administration du Ministère de la Défense. Ernest Delbecq a été blessé le 5 avril 1915 à Flirey (Meurthe-et-Moselle) et est décédé des suites de ses blessures le 12 avril à l’ambulance 3/8 à Void (Meuse). Il est inhumé dans le carré militaire de la commune de Void-Vacon, dans la tombe individuelle 31.

Delmotte Paul

MMO Né à Celles le 14 janvier 1894 fils de Alphonse Delmotte originaire de Celles et de Adolphine Fremeau originaire d’Orcq.

Il a devancé l’appel et fait partie de la classe de milice 1913. Il a été incorporé au 7 ème de ligne mais a demandé à être muté au 3ème chasseurs à pied afin d’être plus près de sa mère veuve et pouvoir l’aider. En août 14 au début des hostilités il était au 3ème chasseurs.

Il est tombé le 4 septembre 1914 à Kapelle op den Bos, c’est là que le 3ème chasseurs avait infligé de lourdes pertes à l’ennemi. Cela lui valut les félicitations du Roi et d’être cité à l’ordre du jour de la division armée. (voir paragraphe consacré au 3ème chasseurs.)

Désir Charles

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Né à Orcq le 3 mai 1891, il était milicien de la classe 1911. Enrôlé au 3ème chasseurs à pied il se trouve comme Paul Delmotte (voir ci-dessus) aux environs de Kapelle op den Bos le 4 septembre 1914. Il est blessé par éclats d’obus aux deux jambes près de la gare de Tisselt en battant en retraite. Il est amené à l’hôpital militaire d’Anvers que l’armée belge doit quitter peu après en abandonnant les blessés intransportables. Il est fait prisonnier par les Allemands mais en vertu de la convention de La Haye qui prévoit que les grands blessés en pays conquis doivent être renvoyés dans leurs foyers, il rentre chez lui le 11 mai 1915.

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, CF, Ordre Léopold II, 2 chevrons de front et 1 de blessure.

Destrebecq Maurice

 MMO, Né à Marquain le 30 juin 1892. Il était le fils de Jules Destrebecq et d’Aimée Vantuyne.

Il appartenait au 1er régiment de grenadiers, soldat de 2è classe 1912.

Le régiment des grenadiers avait été fortement décimé au cours de la bataille de l’Yser. Il avait été reconstitué en 4 bataillons grâce aux recrues, aux volontaires et aux blessés guéris. C’est sous cette forme qu’il releva les Français aux tranchées de Steenstraat de mars à juillet 1915. Maurice Destrebecq est mort durant cette période le 9 avril 1915. C’est dans ce secteur que les grenadiers subirent, le 22 avril, la première attaque allemande par les gaz asphyxiants.

Il fut enterré au cimetière de Zuidschote près de Steenstraat. Mais selon le témoignage de Lucienne Destrebecq son corps aurait été ramené à Hertain mais ne s’y trouve plus.

Cette famille a été particulièrement éprouvée par la guerre puisque Jules Destrebecq frère de Maurice est mort en déportation en 1918.

Des descendants des frères et sœurs de Maurice et Jules Destrebecq habitent encore Orcq actuellement : Lucienne, Maria et Arlette Destrebecq, et Nadine François.

Goeminne Pierre

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Né à Blandain le 24 janvier 1894, il était agriculteur à Orcqet sa ferme aujourd’hui disparue se situait à côté de la boucherie Van Daele. De la classe de milice 1914 il fut mobilisé après le début de la guerre et dut, selon sa fille, traverser les lignes allemandes pour rejoindre dans  la zone libre, à ses risques et périls,  son régiment du 4ème génie.

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Il a probablement suivi une instruction de plusieurs mois et ensuite rejoint le front vers novembre 1915, où une photo le montre sur sa bicyclette.  

La nuit du 5 au 6 août 1916 il exécutait, dans le sous-secteur nord du secteur de Boesinghe, un travail de placement de chevaux de frise très près des lignes ennemies quand il fut atteint d’une balle au genou. Il fut évacué vers l’hôpital de campagne « L’Océan » à La Panne où il fut opéré deux fois le 6 août 1916 et le 17 février 1917. Cette blessure était d’une telle gravité qu’il resta handicapé la vie entière. Il partit ensuite en congé de convalescence à Palaiseau en France. Son chef de corps sollicitant une distinction honorifique pour lui concluait ainsi son rapport : « Jeune soldat au front depuis 10 mois, qui a toujours bien fait son devoir.

Exécutant un travail en première ligne, à proximité immédiate de l’ennemi, a montré le plus grand mépris du danger en continuant sa tâche, malgré le jet de grenades et a été blessé grièvement »

Les rapports officiels parlent d’une blessure par éclat de grenade, tandis que Pierre Goeminne lui-même parle d’une blessure par balle. C’est cette deuxième version qui est la bonne car le chirurgien qui l’opéra lui a donné la balle que son petit-fils conserve aujourd’hui pieusement  ainsi que la médaille des croix du feu gravée à son nom (voir photo).

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Pierre Goeminne a eu deux enfants dont une fille Marie Thérèse qui habitait Orcq et qui a tenu longtemps, avec son mari, Pierre Manche, la boucherie charcuterie Lyonnaise à Tournai.

Sur la photo Pierre Goeminne porte la médaille militaire et la croix de guerre ; il est décédé à Orcq le 29 janvier 1967.

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, CF, MA1, Médaille militaire, ordres de Léopold et couronne 5 chevrons de front et 1 de blessure

Horlait Gaston

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Né le 18 juin 1875 à Ligne Gaston Horlait était un homme d’affaires bien connu à Tournai où il était entre autres administrateur délégué des brasseries du Lion et président du club de football l’Union de Tournai dont le stade portait son nom. Quand la guerre éclate il a pratiquement 40 ans et s’engage comme volontaire. Il est versé dans le corps des transports de la 5ème division armée en qualité d’officier auxiliaire. Il devient le 25 mars 1916 lieutenant de réserve du corps des transports. Le premier mai 1916 il passe à la 2ème section du grand quartier général et devient chef de la section cinématographique de l’armée. A partir du 1er octobre 1918 il est mis en congé sans solde à sa demande.

Il est cité à l’ordre du jour de l’armée « Pour le courage et le dévouement dont il a fait preuve lors de sa longue présence au front » Il est décédé le 20 avril 1948 au Zoute (Knokke). La photo a été prise à La Panne en 1917.

Distinctions : CG, MC, MV, MY, Médaille civique, Ordre de la Couronne. 7 chevrons de front

Hovine Victor

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Né à Orcq le 27 avril 1894 il avait épousé Claire Allard originaire de Marquain – celle-ci dut purger 8 jours de prison en 14-18 pour avoir crié « Vive le Belgique » au passage d’un convoi de prisonniers belges.

Il a exercé, à Orcq, la profession d’entrepreneur en menuiserie.

Le 1er octobre 1914 il rejoignait le centre d’instruction de Montebourg (Normandie). Après l’instruction et un mois de maladie il rejoint le front comme caporal au 1er carabiniers, au début octobre 1915. Il est blessé durant l’offensive finale le 14 octobre 1918 au Zilverberg.

Il a été cité à l’ordre du jour du régiment avec attribution de la croix de guerre avec palme. A cette occasion le colonel commandant disait de lui :

« Très bon carabinier, très discipliné, très courageux. Au front depuis 43 mois. Au cours de l’offensive libératrice des Flandres, n’a pas cessé un seul instant d’encourager ses camarades par son entrain et sa belle humeur. A été blessé le 14 octobre 1918 au Zilverberg en partant à l’attaque d’un centre de résistance. »

La mémoire familiale a retenu que sous l’influence de son commandant il a  parfait ses connaissances scolaires durant la guerre. Il aurait aussi lors de l’offensive finale, pris, en guise de trophée, la montre d’un ennemi sur lequel il avait pris le dessus dans une lutte à l’arme blanche. Cette montre est précieusement conservée par une de ses filles.

Il est décédé à Tournai le 17 juin 1967. Il a eu un fils Léonce qui a continué l’entreprise familiale et partage maintenant son temps entre le midi de la France et Orcq et deux filles Odette et Monique qui habitent Tournai.

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, CF, Médaille civique 6 chevrons de front

Lemaire Florent

Né à Orcq le 29 octobre 1887 il était le fils de Pierre Joseph et de Polonie Fremeau. Nous n’avons que peu d’informations sur lui et c’est parce que nous avons retrouvé son nom dans la liste des anciens de 14 18 d’Orcq que nous avons fait des recherches.

Son dossier militaire est assez maigre : il a commencé la guerre au troisième chasseurs pour passer au 6ème chasseurs en décembre 1916. Il a aussi fait deux courts séjours à la 1ère compagnie du génie de la cinquième division armée. Il a été présent au front durant toute la guerre. Nous n’avons pas retrouvé trace des éventuelles médailles qu’il aurait obtenues.

Leturcq Léon

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Il est né à Bury le 20 décembre 1891, nous le citons ici parce qu’il a exerçé parallèlement à son métier d’entrepreneur les fonctions de secrétaire communal d’Orcq de 1925 à 1955 (dates à confirmer)

Il appartenait au 3ème chasseurs à pied et a servi à partir du 28 décembre 1916 au premier régiment de ligne. En date du 25 avril 1915 et jusqu’à la fin de la guerre il a été affecté à l’état major. Il a été gazé, la première utilisation de gaz par les Allemands datant du 22 avril 1915, c’est peut-être suite à cela qu’il a été muté à l’état major.

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, MY, CF, Ordre de la couronne et Léopold II,  Médaille militaire 8 chevrons de front

  Liénart Gaston

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Il est né le 30 mai 1885 à Thimougies, il a épousé après la guerre Sophie Renard qui fut institutrice à Orcq, leurs cinq enfants sont nés à Orcq.

Il était présent au 3ème chasseurs à pied le premier août 1914, il est passé au 3ème régiment de ligne le premier février 1916. Le premier mai 1916 il a été envoyé à Auvours près du Mans en France au CIBI Centre d’Instruction des Brancardiers. Suite à sa formation il est passé, au front, à la colonne d’ambulances de la 1ère division armée.

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, MY, CF, 6 chevrons de front

Meunier Gustave

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Né à Orcq le 2 mars 1890.

Il s’engage comme volontaire de guerre dans l’armée belge le 13 novembre 1914 à Rouen et entre au centre d’instruction du génie à Montebourg. Le 9 décembre 1914, à l’issue de son instruction il est affecté à la première compagnie du bataillon du génie de la quatrième division armée. Après les combats meurtriers de Tervaete son bataillon est engagé dans le secteur de Nieuport où il arrive le 22 décembre 1914. Il est nommé sergent le 16 janvier 1916. Il passe le reste de la guerre au front dans la région de Dixmude. Il est hospitalisé du 20 octobre 1916 au 22 mars 1917 suite à une blessure contractée en service sur le front.

Distinctions: CG avec palme, MC, MV, chevalier de l’ordre de Léopold

 Montignie Adolphe

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Il est de nationalité française et habite Orcq quand l’Allemagne envahit la Belgique. Homme jovial et enthousiaste et bien qu’âgé de 44 ans et père de trois enfants il décide de s’engager volontairement. Selon son petit-fils, Jacques Montignie, il aurait quitté Orcq en compagnie d’un compatriote français pour s’enrôler – il s’agit probablement d’Eugène Delbecq, voir ci dessus – Il est tailleur de profession et comme il n’est plus très jeune, l’autorité militaire décide de l’envoyer à Aubusson où sont fabriqués les costumes des combattants. Il y est désigné pour couper les uniformes hors taille. Il revient de la guerre dans le courant de l’année 1919 et est ensuite membre de l’Association des anciens combattants d’Orcq.

La photo ci dessous le montre à l’arrière, deuxième à partir de la gauche avec d’autres engagés volontaires à Aubusson en juillet 1915.

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Parent Marcel

 MMO, Né à Tournai le 29 1 1895, fils de Julia Philomène Célina Parent. Nous avons uniquement trouvé quelques renseignements le concernant sur le site de Flanders fields :

Il était soldat au 1er régiment de grenadiers, et volontaire de guerre – né en 1895 il a donc devancé l’appel d’un an.

Voir à  Destrebecq Maurice pour les circonstances de sa mort survenue à Steenstraat le 12 mai 1915

Le cimetière original où il fut inhumé est celui de Zuidschote dont Steenstraat est un hameau (linkeroever Ijzerkanaal groupement « XIX » tombe 4456)

Rapsaet Albert

Né le 1 août 1885 à Berchem (Oudenaarde), il nous est connu par le livre d’or des croix du feu, il a au moins habité Orcq de 1920 à 1935.

Il faisait partie de la classe de milice de 1906 et était présent au premier août 1914 au 3ème chasseurs à pied. D’une citation obtenue il apparaît qu’il était soldat brancardier :

« Soldat infirmier de compagnie. Au front depuis le début ; a toujours été un bel exemple de modeste bravoure, de sang froid, de dévouement et d’abnégation. S’est particulièrement distingué par son esprit de sacrifice pendant les dernières opérations offensives le 30 septembre 1918, en portant secours à des blessés en terrain découvert malgré un tir fauchant meurtrier de mitrailleuses et ce 17 octobre 1918 en ramenant au poste de secours sous un bombardement d’une violence inouïe un adjudant blessé en première ligne. »

Nous n’avons pas la preuve qu’il ait reçu les médailles commémorative et de la victoire, mais selon toute vraisemblance elles lui ont été accordées.

Distinctions : CG, MY, CF, MA1 Ordre de la couronne et Léopold II 8 chevrons de front

Schellaert Léon

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Il est né à Tournai le 8 juillet 1891 et a habité Orcq après la guerre où il était membre de l’association des anciens combattants. Il présente cette particularité d’avoir contracté mariage durant la guerre. En effet le 11 septembre 1917 il a épousé Julia Marie Maes et avait reçu à cette occasion une permission de 11 jours.

Il appartenait au 18 ème régiment d’artillerie et avait été nommé brigadier durant son service militaire le 29 janvier 1913 et ensuite maréchal des logis 24 août 1916.

Il a été cité à l’ordre du jour du régiment pour « le courage et le dévouement dont il a fait preuve au cours de sa longue présence au front » – il a en effet été présent au front durant toute la guerre. 

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, MY, CF, Ordre de Léopold, 8 chevrons de front                         

Taquet Louis François : 

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 MMO, Né à Orcq le 10 avril 1887 fils de Louis Joseph et de Adèle Bourgis.

Il a épousé, à Orcq le 5 novembre 1910 Léa Rosine Mazurelle originaire de Froyennes. Le couple a eu trois enfants, dont une fille naquit le 21 octobre 1914 après son décès et un garçon Louis Dominique qui fut instituteur à Orcq entre les années trente et septante, et prisonnier de guerre 40 45. Le fils de Louis Dominique, Francis Taquet continue à perpétuer le souvenir en étant la cheville ouvrière de l’hommage annuel aux anciens combattants organisé à Orcq le 11 novembre.

Il était soldat de la classe 1907 et appartenait au 3ème chasseurs à pied, il est mort à Breendonk le 4 septembre 1914, soit un mois après le début des hostilités. Il a d’abord été inhumé au cimetière de Willebroek pour être ensuite rapatrié à Orcq en juin 1922 et y être inhumé après des funérailles qui rassemblèrent une grande foule.

Voir aussi le paragraphe consacré au soldat Paul Delmotte, qui appartenait aussi au 3è chasseurs, en notant que Breendonk se trouve près de Kapelle-op-den-Bos. 

Trifin Louis :

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Né à Orcq le 27 juin 1893, il était le fils de Louis Antoine originaire de Flobecq et de Irma Delépine originaire de Bury. Il était l’aîné de cinq garçons dont trois sont morts en bas âge. Il a exercé les métiers de berger et d’agriculteur dans sa ferme située sur la place d’Orcq et qui est actuellement la propriété des époux Clarysse. D’un premier mariage avec Jeanne Adam il a eu trois enfants dont Odon qui fut échevin d’Orcq et président du CPAS de Tournai et d’un second avec Louise Pottier deux enfants dont Roberte qui habite Orcq, épouse de Willy Ménédème. Il est décédé à Orcq le 9 février 1966.

Il était soldat au troisième régiment de chasseurs à pieds.

Il fut blessé en juillet 1915. Voici ce qu’en dit son supérieur hiérarchique: « Le soldat Trifin a été blessé dans mon abri à Dixmude le 8 juillet 1915 pat éclats d’obus. Trifin a servi sous mes ordres à la 2/II 3ème ch, il a toujours été un soldat d’une conduite et d’un courage exemplaires » Les éclats l’ont frappé à la face et causé une mutilation du squelette nasal. Il fut d’abord amené à l’hôpital de la Panne puis dans différents hôpitaux français et dut rester plusieurs mois à l’abri de la lumière Il termina son périple à l’hôpital du Havre. C’est là qu’il rencontra celle qui devint sa première épouse. Au front il recevait régulièrement des colis de la famille Crombez dont une paire de cuissardes qui lui fut d’une grande utilité dans la plaine de l’Yser où les tranchées étaient souvent sous eau.

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 La photo ci dessus montre Louis Trifin, vers 1945, dans une occupation beaucoup plus pacifique. La photo a été prise sur la plaine de manœuvres de Tournai et le mur derrière lui constitue la clôture avec l’actuel institut ITMA, avec en rappel le V de la victoire de 40 45 … non, 14 18 n’avait pas été la der des der….

Distinctions : CG avec palme, MC, MV, MY, CF, MA1, 3 chevrons de front

Vanrutten Georges

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Né à Douai le 16 mai 1891, d’un père belge, il fait le 20 août 1912 acte de répudiation de la qualité de français. Il s’engage comme volontaire de carrière le 14 mai 1908 soit deux jours avant son dix-septième anniversaire et un mois après il est nommé caporal et sous-lieutenant le 26 septembre 1913 à 22 ans.

Il a commencé la guerre sous le 8ème régiment de ligne pour passer rapidement le 26 septembre 1914 au 10ème régiment de ligne. Il est devenu lieutenant le 8 octobre 1915 et capitaine en second le 18 décembre 1916. Voici ce que révèle son dossier sur ses faits d’armes en 14 18 : « Officier brave et courageux, blessé à l’épaule par un éclat d’obus le 24 octobre 1914, il reste au front. Malade, il rejoint son régiment imparfaitement guéri et continue à faire son service bien que son état de santé laisse toujours à désirer » et « Officier d’un dévouement inlassable, ayant conscience de ses devoirs jusqu’au plus haut point. Unissant une bravoure peu commune à un très grand sang-froid, a rendu des services pendant le cours de la campagne. A notamment facilité la manœuvre initiale et victorieuse de la 4ème division d’infanterie le 28 septembre 1918 et la prise de Dixmude en dirigeant, avec compétence une batterie de 24 mitrailleuses chargée d’établir un barrage roulant devant les vagues d’infanterie. Au front depuis le début de la guerre. »

Durant la guerre 1940 45 il a été prisonnier en Allemagne et a terminé sa brillante carrière au grade de général major honoraire.

Il est décédé à Uccle le premier février 1977 et est inhumé dans le caveau familial à Orcq.

Distinctions : CG avec 4 palmes, MC, MV, MY, CF, Ordre de la couronne, Léopold et Léopold II huit chevrons de front et deux de blessure

Problèmes non résolus

Nous avons aussi relevé dans les archives de l’Association des anciens combattants d’Orcq les noms de Cyrille Decocq et Léon Comblez, mais n’avons pas pu mettre en évidence une participation active à la guerre – peut-être étaient ils des sympathisants ou d’anciens déportés.

Une notification de mariage émanant de la direction générale de l’aumônerie de l’armée belge retrouvée dans un registre de baptêmes et mariages de la paroisse Sainte Agathe d’Orcq signale que le 13 août 1918 Charles Yseux né à Orcq le 14 2 1894 à contracté mariage à Rouen avec Rosa Maria Guéret. On peut supposer que Charles Yseux était à ce moment sous les armes.

Pour terminer

 

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Photo prise en 1945 à Orcq à l’occasion du cortège organisé pour fêter la libération : on y voit trois anciens de 14 18 sur leurs montures : de g à d Louis Trifin, Pierre Goeminne et Victor Hovine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Maître Grison prince des Alliborons d’Orcq

 Le chercheur en histoire locale actuel ne peut pas nier l’importance d’Internet et se doit d’interroger cette source de données lors de ses recherches.

C’est de cette façon que j’ai fait la connaissance de Maître Grison prince des Alliborons d’Orcq. J’ai d’abord cru que c’était un chef d’une tribu gauloise hybride entre les Eburons et le Allobroges et me réjouissais par avance de cette stupéfiante découverte qui aurait été relatée dans la presse interbnationale. Mon enthousiasme était cependant tempéré par le prénom du Prince : Maître Grison renvoyait plutôt à un notaire vieillissant, sévère et ennuyeux du XVIIIe siècle qu’à un vaillant guerrier gaulois. En terminant la lecture de la référence je vis qu’en 1830 Maître Grison avait écrit une lettre à un collègue et s’était de la sorte rendu célèbre – enterrée donc la voie des gaulois.

En fait Maître Grison est un personnage mythique, donc inventé de toutes pièces. A ma connaissance et dans l’état actuel de mes recherches sur l’histoire de notre village il est le seul personnage mythique qui ait jamais existé à Orcq. Le père de ce personnage n’est autre qu’Adrien Hoverlant de Beauwelaere. Si les amateurs d’histoire de Tournai connaissent bien cet historien local, la plupart des autres n’en ont jamais entendu parler c’est pourquoi je crois utile de le présenter brièvement.

Adrien Alexandre Marie Hoverlant de Beauwelaere est né à Tournai le 9 mars 1758 et y est décédé le 8 septembre 1840. Il termine ses études de droit à Louvain en 1782. Il exerce d’abord comme avocat mais se lance ensuite dans la politique et occupe plusieurs fonctions publiques. A partir de 1800 il se consacre uniquement à la recherche historique. Son œuvre maîtresse est sans conteste « L’essai chronologique pour servir à l’histoire de Tournay » (consultable à la bibliothèque de Tournai) publié de 1805 à 1834 en 114 volumes et 3 volumes de tables des matières. Cette histoire de Tournai est un mélange hétéroclite d’informations de toute nature concernant l’histoire de la ville, entrecoupé de tirades vengeresses et coléreuses contre ses ennemis et de cancans divers. L’historien actuel peut se référer à ce travail monumental en restant néanmoins très prudent, l’exactitude n’étant pas le premier souci d’Hoverlant. Voici ce qu’écrivait R C de Fortsas un des biographes d’Hoverlant en 1846 au sujet de l’essai chronologique :

« Pendant plus de trente ans ce fut de la part de l’Aretin (écrivain satirique italien du XVIème siècle) tournaisien, un déluge d’injures et de calomnies contre tous ses compatriotes les plus honorables. On ne peut même s’expliquer comment il échappa aux poursuites judiciaires et autres, surtout pour les derniers volumes, qu’en supposant qu’on le considérât comme devenu tout à fait fou »

Plus loin le même biographe écrit : « Il s’était mis, pendant les dernières années de sa vie, au régime de Robert d’Arbrissel, sans toutefois le supporter de même » Nous avons essayé de comprendre le sens cette phrase énigmatique. Robert d’Arbrissel est le fondateur de l’abbaye de Fontevraud, il conseillait à ses moines en guise de mortification suprême de dormir entre deux moniales sans succomber à l’acte de chair. Le lecteur déduira de lui-même ce que de Fortsas a voulu insinuer….

Lors de la parution du 66 éme volume de son essai chronologique il n’a plus que deux souscripteurs dont Piat Lefebvre Boucher qui à ce moment était propriétaire de château de la Marlière à Orcq.

Hoverlant a aussi publié d’autres œuvres moins volumineuses au rang desquelles il faut citer

Celle qui nous intéresse :

« La lettre authographe (sic) de son altesse sérénissime maître Grison, prince des Alliborons du village d’Orcq près de Tournay à son altesse sérénissime maître Roussin, prince des bourriques du village de Scharbeck (lisez Schaerbeek) près de Bruxelles »

 Comme le libellé peut le laisser aisément deviner il s’agit d’un texte satirique que RC de Fortsas décrit dans sa biographie d’Hoverlant comme « un manifeste burlesque en faveur de la révolution de 1830 ; nomenclature cocasse de tous les griefs contre le gouvernement du roi Guillaume »

Je n’ai pas pu me procurer ce petit in 8° de 16 pages qui doit être devenu rarissime, mais ce qui importe aux Orcquois c’est de savoir pourquoi avoir choisi Orcq comme lieu de résidence pour ce prince mythique auteur de la lettre.

En fait c’est une affaire de baudets…. Quiconque connaît un peu Orcq sait que ses habitants sont appelés les baudets en référence aux charrettes de légumes des maraîchers orcquois arrivant jadis au marché de Tournai et tirées par des ânes. Les Tournaisiens confondant les maraîchers avec leur moyen de locomotion les baptisèrent « Les baudets d’Orcq »

Si on analyse le titre de la lettre on y trouve :

Grison : synonyme d’âne

Alliboron en fait Aliboron avec un seul L : synonyme d’âne

Orcq : village des baudets

Roussin : ou roussin d’Arcadie, synonyme d’âne

Bourrique : synonyme d’âne

Schaerbeek : pour les mêmes raison que ceux d’Orcq les habitants de Schaerbeek étaient appelés des ânes par les Bruxellois.

On peut conclure que le texte satirique devenait sans doute plus mordant si il était écrit par un baudet d’Orcq s’adressant à un âne de Schaerbeek. Le mystère de notre prince orcquois est ainsi levé. 

BAUDET.jpg

Lithographie de Rosa Bonheur (Collection personnelle)

Pour en savoir plus sur Hoverlant de Beauwelaere on consultera :

De Fortsas R C, Notice biographique de messire Overlant (sic) de Beauwelaere. Bruxelles Librairie ancienne et moderne A Vandaele 1846

Lefebvre Gaston, Biographies tournaisiennes Archéologie industrielle de Tournai ASBL 1990

Milet chanoine, Bio Bibliographie d’Hoverlant de Beauwelaere Mémoires de la Société Royale d’Histoire et d’Archéologie de Tournai tome IX