Introduction
Il y a différentes façons de faire de l’histoire familiale. La première est une approche généalogique pure dont le résultat est une sorte d’annuaire téléphonique dont les dates de naissance, de mariage et de décès constituent les numéros. Le résultat des recherches se traduit parfois en des tableaux kilométriques, et le tout est consigné dans des fichiers informatiques qui comportent plusieurs dizaines de milliers de noms. J’ai ainsi pu rencontrer, lors d’un salon de généalogie, un adepte de cette méthode, exhibant fièrement les tableaux de ses ancêtres où figuraient les pharaons ! Bien que je ne conteste pas l’intérêt de ce type de méthode, elle ne correspond pas à ce que je souhaite faire.
Mon approche de l’histoire familiale, terme que je préfère de loin à celui de généalogie, est telle que le produit final de mes recherches ressemble beaucoup plus à un livre illustré qu’à un annuaire téléphonique. J’essaie de retrouver des plans, des actes notariés, des photos, des gravures, des lettres, des témoignages… qui se rapportent à la vie des membres des familles qui m’intéressent et qui s’inscrivent dans l’histoire locale. Ce sont quelques extraits de cette histoire qui seront publiés ici.
Le nom Delehouzée, est apparu, selon nos connaissances pour la première fois, la seconde moitié du XVI ème siècle dans la région de Celles (Hainaut belge). Au cours de l’Ancien Régime le nom s’écrivait le plus souvent en trois mots de le Houzée. Il existe aussi des variantes comme Delehouzé, Delahouzée, Houzet ou Houzée. Lors de la consultation de tables alphabétiques il ne faut pas se contenter d’aller aux lettres D comme Delehouzée ou H comme Houzée car il m’est arrivé de trouver des représentants de cette famille à L comme le Houzée ! Mes fichiers concernant cette famille contiennent 401 personnes dont les descendants actuels portent le nom qui se termine par le ée terminal, les seules variantes proviennent des accents et on peut noter les graphies : Delehouzée, Deléhouzée et Déléhouzée. Ces 401 personnes descendent d’un même couple : Guillaume de le Houzée décédé vers 1633 et son épouse Agnès Bruneau décédée en 1639 dans la paroisse Sainte Marie-Madeleine à Tournai. (source : colonel de Lannoy – voir ci-dessous)
Nous n’avons pas pu établir de lien entre les Houzé, famille encore bien représentée de nos jours, principalement au sud de Tournai et la famille qui nous concerne. Nous avons cependant trouvé dans la région de Pottes une famille Delehouzé. Le e terminal manquant n’est pas un critère pour pouvoir dire que cette famille est d’une origine différente, mais tous les membres vivants de cette famille écrivent leur nom sans e terminal et tous descendent d’Antoine Joseph Houzé né le 8 juin 1719 à Pottes et Marie Anne Delzenne, le couple a eu 12 enfants dont deux ont été baptisés sous le nom de Delehouzé, ce sont les descendants de l’un d’entre eux, Antoine Joseph fils que j’ai retrouvés lors de mon étude sur cette famille. J’ai pu remonter jusqu’au grand père d’Antoine josesph père et le nom reste invariablement Houzé, mais ceci n’est pas une preuve absolue que les Delehouzé ne descendent pas d’un ancêtre commun avec les Delehouzée.
Qui s’intéresse à l’histoire de la famille Delehouzée lira avec beaucoup d’intérêt l’étude que le colonel Albert de Lannoy a publié en 1971 dans la revue « Le Parchemin ». Il n’entre pas dans mes intentions de recopier ici le fruit de ses recherches, mais seulement de les compléter, les illustrer et aussi les corriger à la lumière d’archives qui sont devenues disponibles après 1971. Le premier Delehouzée cité dans cette étude est Arthus de le Houzée.
Selon de Lannoy le petit-fils d’ Arthus de le Houzée, Guillaume de le Houzée et son épouse Agnès Bruneau eurent quatre enfants d’après de Lannoy : une fille Claude, un fils Jaspard qui eut des enfants mais dont on ignore la destinée et deux autres fils qui nous intéressent plus particulièrement :
- Antoine qui signera en 1640 un bail d’entrée à la ferme d’Escavée à Molembaix. Cette location durera 3 siècles, la ferme restant occupée jusqu’en 1918 par les successeurs directs d’Antoine de le Houzée tous porteurs du nom. Nous appellerons cette branche : la branche d’Escavée
- Jean qui acheta en 1619 la seigneurie de Flines à Escanaffles qui restera à ses descendants tous porteurs du nom jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Nous appellerons cette branche : la branche de Flines
Une source très intéressante pour écrire cette histoire familiale est le dictionnaire des fiefs de la baronnie de Leuze déposé aux Archives de l’Etat à Tournai (A.E.T.) Il s’agit d’une transcription du XVIIIe siècle de la liste des fiefs mouvant de la baronnie de Leuze. Le fief de Flines y est repris sous la rubrique Escanaffles et avec la graphie Flynes. De plus, ce dictionnaire, en quatre volumes présente un seul plan et c’est celui de la seigneurie d’Escavée que nous reproduirons plus bas.
Branche d’Escavée
Cette branche a constitué une vraie dynastie paysanne. Les descendants d’un des fermiers d’Escavée, Prosper Delehouzée (1789-1859) et de son épouse Justine Herrier (1804-1876) se réunissent encore actuellement tous les cinq ans.
Ceux qui sont intéressés par la généalogie de cette branche pourront trouver des informations sur le site suivant http://www.planete-genealogie.fr/pcromm
J’ai trouvé quelques documents intéressants sur cette branche que je vous convie de découvrir ci après.
Plan de la seigneurie d’Escavée extrait du dictionnaire des fiefs de la baronnie de Leuze
Copyright Archives de l’Etat à Tournai – Archives régionales: Leuze – Dictionnaire des fiefs de la baronnie de Leuze.
A droite en 1: la ferme d’Escavée, en haut à gauche le château de la Cazerie, au milieu le cabaret de « La Ruine ». Le plan date de 1754 et à cette époque Escavée appartenait à la famille d’Espierres et la ferme était occupée par Joseph Delehouzée (1705 – 1768) et son épouse Marie Elisabeth Delroisse.
Un contrat de l’époque napoléonienne
J’ai pu retrouver aux archives de l’Etat à Tournai dans les minutes du Notaire Dumont de Celles une réaction originale pour essayer de minimiser l’effet négatif de la conscription, car à côté du danger représenté par le service lui-même il fallait aussi tenir compte de l’effet économique, surtout en milieu rural où la perte d’une paire de bras durant plusieurs années se faisait durement sentir.
Le 8 juin 1813, se sont réunis chez le Notaire Dumont à Celles, Auguste Deformanoir rentier, Norbert Herrier fermier, Prosper Joseph Delehouzée fermier, Adolphe Merry fermier, Pierre François Desfontaines fermier, Jean Joseph Ducellier fermier, Auguste Herrier fermier, Prosper Stiévenart fermier, Norbert Solem fermier et André Joseph Beulte fermier.
Les membres créent en fait un fonds commun qui servira à payer ceux qui les remplaceraient ou leurs fils dans les obligations militaires et un système d’entraide entre les membres afin de pouvoir trouver ces remplaçants.
Il s’agit d’une association basée sur le principe des assurances dont le règlement détaillé est expliqué dans l’acte constitutif.
« Convention du 8 juin 1813
Par devant François Joseph Dumont, notaire impérial résidant au village de Celles chef lieu de canton, arrondissement de Tournay, département de Jemappes, soussigné
Comparurent Les sieurs
1° Auguste Deformanoir, rentier, domicilié à Celles
2° Norbert Herrier fermier domicilié à Celles
3° Prosper Joseph Delehouzée fermier
4° Adolphe Merry, fermier domicilié à Celles
5° Pierre François Desfontaines fermier domicilié à Celles
6° Jean Joseph Ducellier, pour et au nom de Casimir Ducellier son fils dont il se fait fort et répond, fermier domicilié à Celles
7° Auguste Herrier fermier domicilié à Celles
8° Prosper Stiévenart fermier domicilié à Celles
9° Norbert Solem, fermier domicilié à Celles et
10° André Joseph Beulte fermier domicilié à Celles
Lesquels voulant faire remplacer ceux d’entre eux qui seront appelés au service de la garde nationale par suite du décret impérial du cinq avril dernier ont déclaré s’associer à cet effet de la manière suivante :
1° La société commencera ce jourd’huy et finira aussitôt que le tour de contrôle de la garde nationale pour le village de Celles, sera épuisé. Elle finira de droit pour celui des associés quand il aura quarante un ans accomplis pour autant que la loi le dispense de service ou par sa mort naturelle
Elle finira également pour celui ou ceux qui pourraient être appellés pendant la durée de la présente société à un autre service militaire que celui de la garde nationale.
Elle finira pareillement pour celui ou ceux qui étant appellés à un grade quelconque de la garde nationale ne pourroient pas se faire remplacer, pour lors ce qu’ils auront avancé à titre de la présente société leur sera restitué par leurs coassociés.
2° Les remplaçants ou suppléants devront être payés aux frais communs des contractans ainsi que tous contrats de remplacement déboursés d’équipements, de vacations et voyages à effet de la personne en remplacement ou pour les rendre à leur destination. Bien entendu que les frais de voyage et débours à chaque remplaçant sont fixés à trente francs ; le surplus sans y comprendre les frais d’actes et débours d’enregistrement seront au compte de celui qui sera remplacé.
5° Les fonds nécéssaires à cet effet devront être avancés ou payés par chacun des associés entre les mains du Sieur Casimir Ducellier, fermier domicilié à Celles, qu’ils denomment à cet effet, et ce, d’avance et à sa réquisition, et si le retard de payement d’un ou plusieurs associés entrainerait quelques préjudice ou frais devront être payés et supportés par les défaillants
6° Chaque associé appellé pourra le premier désigné avec l’assistance et l’intervention dudit Prosper Delehouzé, et ceux appellés par la suite, avec l’assistance de celui de la société qui aura été demandé avant lui, faire tout traités et marchés d’engagement avec tels remplacant que ce soit et à tels prix pour tels terme aux charges et conditions qu’il avisera les plus avantageuses aux intérêts des associés et dépenser et payer à ces fins au nom de laditte société tous contrats requis et nécessaires.
7° Celui qui aura été appellé d’entre les sociétaires devra également faire tous voyages, spécialement celui de mons ( ? nous), avec le deuxième demandé aux frais de ce dernier (hormis de ne payer ?) que sur débours de route
8° Si contre toute attente on ne pourroit trouver des suppléants au fur et à mesure qu’on appellera les associés et que celui ou ceux appellés seroient forcés de ……. , dans ce cas celui ou ceux qui devront servir recevront de leurs coassociés en numéraire les neuf dixième du prix du plus fort engagement qu’on aura payé pour un remplacé de leur société
9° Le service de garde nationale des membres de la société est réputé être le grade de simple soldat et si un ou plusieurs d’entre eux seroient appellés au grade de sergent ou autres, de manière que son remplaçant intervient d’avantage qu’un simple soldat, le surplus de l’engagement présumé du simple soldat sera au compte du remplacé
A l’entretien et à l’exécution de tout quoi les parties comparantes tant personnelle que se faisant fort comme dit se sont obligés respectivement ……condition que ceux des associés qui auront atteint leur quarante unième année avant l’expiration de cette société ils ne pourront pas cesser de payer jusqu’à ce que …..
Dont acte fait et passé à Celles le huit de juin dix huit cent treize présents Pierre Joseph Delannoy marchand et Louis Joseph Leclercq cordonnier y demeurant, témoins majeurs requis après lecture les parties témoins et notaire ont signé
(signatures de) Auguste de Formanoir, aug : norb : Herrier, jj Du Cellier, A herrier,
P.j . Delehouzée, N : J : Solem, pierre francois Defontaine, prosper Stevenart , A J Bulte,
L : j : Le Clercq, A :j :Merry, P :J : Delannoy, f :j : Dumont not.
On notera que les anciens n’y regardaient pas de si près lors de la rédaction d’un texte: l’omission des points 3° et 4° n’est pas une erreur de ma part, ils n’existent pas!
PROSPER DELEHOUZEE HERRIER ACHETE LE MOULIN DU BUTOR EN 1852
Trois Prosper Delehouzée s’étant succédé dans la série des fermiers d’Escavée, nous adjoignons le nom de l’épouse pour éviter toute confusion. J’ai pu retrouver dans les minutes du notaire de Celles Vandendooren, déposées aux Archives de l’Etat à Tournai, l’acte d’un achat important effectué par Prosper Delehouzée Herrier.
Année 1852-acte 6606. Le 7 octobre 1852 il acquiert la ferme et le moulin Butor ainsi que deux hectares de terre pour la somme de 18800 francs.
DES FERMIERS AISES
La grand-mère maternelle de mon épouse Myriam Delehouzée (descendante de la branche de Flines), Angèle Steuve, a épousé en secondes noces Henry Delehouzée frère de Prosper Delehouzée-Buxant dernier fermier d’Escavée de la famille. Nous possédons de ce fait quelques souvenirs de l’aisance de cette famille. La photo ci-contre montre le dos d’une petite cuiller en argent datant du XVIII è siècle. Elle est frappée aux initiales I-I – H, on peut penser qu’il s’agit des initiales d’Isidore Joseph Herrier père de Justine Joseph l’épouse de Prosper Delehouzée. Ce dernier est né en 1762, mais nous avons des raisons de croire que la cuiller est antérieure à 1750 et dans ce cas ces initiales seraient celles de Jean Joseph Herrier père d’Isidore Joseph. Dans les alphabets anciens les lettres i et j ne sont souvent qu’une seule et même lettre, il est donc hasardeux de sa baser sur ce critère pour déterminer qui se cache sous ces initiales. Une détemination précise de la date de fabrication à l’aide du poinçon serait précieuse – actuellement à la lumière de ma très petite connaissance en la matière, j’opte pour 1734 et donc Jean Joseph Herrier.
Nous possédons aussi, de la même provenance, quelques couverts en argent marqués aux initiales PD comme Prosper Delehouzée. Ces couverts sont en excellent état à l’exception d’un seul représenté ci contre. En dessous des initiales que porte ce couvert est écrit le chiffre 1. Les dents de la fourchette sont usées et la cuiller bosselée. Nous en déduisons qu’il s’agit du couvert utilisé quotidiennement par la maître de maison. Un poinçon postérieur à 1869 indique que les initiales correspondent à Prosper Delehouzée Romant avant dernier de la longue suite des Delehouzée fermiers d’Escavée. Ces trouvailles indiquent une aisance certaine.
Branche de Flines
Les archives paroissiales de Celles antérieures à 1700 ont été détruites et le Colonel de Lannoy s’est basé presque exclusivement pour cette période de son étude sur des documents d’archives privées, des comptes de l’église ou des registres de taxation. Toute nouvelle source découverte après 1971, année de la publication de son étude, se doit d’être étudiée afin de pouvoir confirmer ou infirmer ses recherches.
Le dictionnaire des fiefs de la baronnie de Leuze déjà présenté dans le paragraphe consacré à la branche d’Escavée a ici aussi apporté son lot d’informations.
Volume 2 N° 28 « Fief de Flynes à Ecanaffles » dans la table des matières il est écrit Flines.
D’emblée on peut apporter une correction importante à l’article de de Lannoy. Page 397 il situe le fief de Flines à Obigies, mais ce fief est bien situé à Escanaffles. Par contre dans la succession des reliefs du fief on retrouve les mêmes filiations entre Jean de le Houzée père et Martin Joseph de le Houzée que celles de l’article :
« Le 25 mars 1619
Nicolas Delerue fils de Pierre fait relief dudit fief lui escheu par le trépas de Barbe Colin sa mère : lequel l’a vendu à Jean De le Houzée pour le prix de 1440 (livres?) qui en fit relief »
Il s’agit de Jean de le Houzée père, époux de Catherine Bruneau
« Le 11 7bre 1641
Jean De le Houzée a fait relief dudit fief lui escheu par le trépas de Jean son père »
Il s’agit de Jean de le Houzée fils, époux de Jeanne Formanoir de la Cazerie
« Le 6 7bre 1688 Pierre François De le Houzée a fait relief dudit fief lui escheu par le trépas de Jean son père »
Il était l’époux de Jeanne Louise Semet
« Le 13 9bre 1717
Pierre Alexis De le Houzée a fait relief dudit fief lui escheu par le trépas de Pierre François son père.
Notons qu’il dit dans le dénombrement que ce fief consiste en une maison chambre grange estable jardin et terre labourable contenant 3 bonniers et 1/2 en ce compris 1 bonnier raplicqué au gros du fief, tenant aux héritages des hoirs Louis Hauvarlez à ceux des hoirs d’Adrien Lequesne et au chemin allant au pont Couzart En rentes de bled, avoine, chapons et argent. En droit de terrage qui se lève sur quelques héritages.
Et en toute justice haute moyenne et basse »
Pierre Alexis De le Houzée est probablement resté célibataire et décédé sans enfants
« Le 19 9bre 1752
Pierre Martin Houzée a fait relief dudit fief par le trépas de Pierre Alexis son frère »
Pierre Martin De le Houzée était l’époux de Marie Agnès Bruneau dont le grand père maternel était Pierre François de Lannoy, ancêtre du colonel de Lannoy. Ceci explique son intérêt pour cette famille. On remarque que le nom a été singulièrement raccourci. Dans le relief suivant (et dernier) il reprendra sa forme initiale mais en un seul mot.
« Le 20 juin 1786
Martin Joseph Delehouzée a fait relief dudit fief lui escheu par le décès de Martin son père »
Ainsi durant près de 170 ans le fief de Flines est resté aux mains de cette famille. La plaque tombale des époux Jean de le Houzée Catherine Bruneau (voir plus loin) qui se trouve dans le porche d’entrée de l’église de Celles nous dit qu’il était seigneur de Flines et Hollay. Ces deux noms se retrouvent sur une carte militaire de 1691 intitulée carte d’Hérine et de Hauterive. A ce jour je n’ai rien trouvé sur la seigneurie de Hollay (Holé sur la carte)
La seigneurie de Flines à Escanafles appartenait au milieu du XVe siècle aux du Chastel de la Howardries. Il existe un plan détaillé de la seigneurie qui était morcelée en quatre parties distinctes situées aux hameaux de la Gruennerie et du Rejet Macquet aux archives de l’état à Mons. Ce plan, de grandes dimensions, date de 1766 et représente les bords du rieu de la Haie entre Celles et l’Escaut.
Quelques documents relaftifs à Jean de le Houzée père et son épouse Catherine Bruneau
Albert de Lannoy, dans son article, situe la naissance de Jean de le Houzée entre 1585 et 1590. Nous croyons pouvoir être plus précis, car nous avons trouvé un document signé de sa main. Sa signature est reproduite ci dessous:
Comme on peut le voir la signature est datée de 1639 soit l’année précédent celle de son décès et à l’extrême droite on trouve le nombre 56 qui, selon moi, ne peut se référer qu’à son âge. Son année de naissance serait donc 1583. Ce luxe de détails était sans doute nécessaire afin de ne pas confondre sa signature et celle de son fils également prénommé Jean.
Nous avons écrit plus haut que la plaque tombale des époux qui se trouve dans le porche de l’église de Celles mérite l’attention. Elle date de 1640. Nous en publions ci dessous deux détails.
Cette partie de la pierre tombale montre à gauche Jean de le Houzée sur un prie-Dieu, il est revêtu de sa cuirasse recouverte d’un vêtement textile, il porte épée et son heaume se trouve par terre près de lui. Derrière lui Saint Jean son Saint patron. En dessous de l’épée on devine deux petites formes humaines qui sont ses deux fils: Chistophe et Jean fils ancêtre de la lignée de Flines. A droite son épouse Catherine Bruneau, derrière elle Sainte Catherine reconnaissable à la roue qui se trouve derrière elle en bas. Deux filles sont également suggérées plutôt que représentées derrière elle. De Lannoy donne trois filles au couple mais il est vrai que l’une était décédée en 1640.
Le deuxième détail montre les armoiries familiales. L’absence de trame figurative des émaux et métaux ne permet pas de donner les couleurs de l’écu. Nous ferons sur ce point confiance à du Chastel de la Howardries qui les décrit dans les notices généalogiques tournaisiennes. Il devait ou doit exister un recueil héraldiqque qui m’est inconnu et qui les représente (tait) en couleur.
L’écu: d’argent au chevron de sable accompagné de trois coeurs de gueules. C’est la description de du Chastel, mais il nous semble que l’écu est entouré d’une bordure et dans ce cas il faudrait le mentionner. Si c’est le cas de quel émail est-elle?
Le heaume est présenté de trois quarts et il comporte 7 grilles. Un bourrelet est présent sur la partie supérieure du heaume.
Le cimier est un griffon dressé (issant en héraldique) que du Chastel dit être d’or.
Sur la plaque tombale Jean de le Houzée est qualifié d’Honorable Homme, donc roturier. Je ne peux m’empêcher de trouver la représentation de ses armoiries un peu prétentieuse.
La photo ci contre montre le sceau personnel de Jean de le Houzée. Il est appendu à un parchemin relatif à un contrat.
L’écu aux trois coeurs se trouve à gauche. Il est supporté par un griffon qui rappelle le cimier des armoiries. On dit en héraldique que l’écu est supporté à senestre (à gauche) par un griffon, or le griffon se trouve à droite. En fait les descriptions héraldiques se font comme si on portait les armes devant soi et face aux autres. Pour celui qui porte l’ensemble le griffon se trouve bien à senestre. Ce parchemin et le sceau m’ont été offerts par Mr Georges Formanoir de la Cazerie.
J’a pu voir un autre exemplaire de ce sceau, mieux conservé, dans la partie externe du cercle il est écrit JEAN DE LE HOUZEE.
La guerre de 1914-1918 / Une tragédie pour la branche d’Avelgem de la famille Delehouzée
Cet article est extrait de notes de l’histoire familiale de mon épouse Myriam Delehouzée. Ses grands-parents paternels étaient cousins issus de germains et portaient tous deux le nom de Delehouzée. Sa grand-mère était Gisèle Delehouzée fille de Désiré dont il sera question ci-dessous.
En 1918 Desiré Delehouzée et ses enfants Jeanne, Paula et Justine habitaient à la place d’Avelgem, les filles s’occupant de la gestion du magasin de textiles et vêtements L’Etoile-De Ster existant toujours en 2010 et tenu par la petite fille de Justine.
Le magasin « In de… (Ster) après le bombardement d’octobre 1918
Du début octobre 1918 au 11 novembre date de l’Armistice les forces anglaises ont reconquis sur les troupes allemandes un territoire situé entre Ploegsteert et Grammont, la région d’ Avelgem – Mont de l’Enclus se trouvait malheureusement sur cette trajectoire, la traversée de l’Escaut entre Avelgem et Escanaffles est la cause de l’âpreté des combats qui eurent lieu à cet endroit. Les 24, 25 et 26 octobre, l’artillerie allemande, postée sur le mont de l’Enclus tout proche a bombardé Avelgem, la nuit du samedi 26 au dimanche 27 et le dimanche (les informations varient selon les auteurs, certains situent ces événements un jour plus tard). Les Allemands lancent des grenades à gaz sur Avelgem et les environs, leur armée avait au préalable interdit tout déplacement à la population civile comptant sur ce bouclier humain pour retarder l’avance anglaise.
Durant le bombardement Désiré et ses trois filles ainsi que deux sœurs de sa défunte femme, Eulalie et Julie Vandendriessche avaient trouvé refuge dans une cave d’une maison de la rue Léopold à Avelgem. Pendant ce temps Robert Delehouzée un autre enfant de Désiré gérant avec sa femme Julie Dekeyser le café-restaurant dancing « Chez Julie » au Mont de l’Enclus se trouvait près des batteries des canons allemands et entendait distinctement l’officier dirigeant de façon très précise le tir sur les quartiers d’Avelgem, il put ainsi à plusieurs reprises entendre donner l’ordre d’envoyer des obus sur la rue Léopold où se trouvait sa famille.
Dans la cave Désiré Delehouzée observant le comportement des enfants plus sensibles que les adultes en conclut que des gaz asphyxiants devaient commencer à faire leur effet dévastateur, ceux-ci étaient inodores[1] et la population civile ne savait donc pas encore à quel risque elle était exposée, il expliqua alors ses conclusions aux occupants de la cave et proposa le départ vers Courtrai. Tout le monde ne se rendit pas tout de suite à ses recommandations, mais après discussion il obtint gain de cause et la troupe se mit en marche. Le long de la route, les symptômes observés sur la plupart des fuyards devaient malheureusement lui donner raison.
La suite sera tragique, Eulalie Vandendriessche née à Avelgem le 12 février 1854, fille de Joannes et Marie Constance Gevaert décédera la première le 31 octobre 1918 à 6 heures du matin, sa sœur consanguine Julie Vandendriessche née le 6 octobre 1863 d’un deuxième mariage de Joannes Vandendriessche décéda le même jour à 23 heures.
Paula – Julie –Justine Delehouzée née à Kessel-Lo le 26 janvier 1890 fille de Désiré et de Juliette Vandendriessche cette dernière sœur germaine d’Eulalie décéda le 1er novembre et enfin Jeanne – Marie –Juliette sœur de Paula née à Escanaffles le 24 décembre 1876 décéda le 3 novembre 1918. Toutes sont décédées au lazaret du Fort de Courtrai où une partie des victimes des bombardements d’Avelgem avaient été conduites.
Les témoignages de l’époque décrivent aussi bien la région sinistrée que les scènes au Fort de Courtrai comme des visions d’apocalypse. Au Fort le manque de place contraint les sauveteurs pour la plupart anglais à enrouler les gazés et blessés dans une couverture et à les coucher dehors, les affections pulmonaires et la grippe espagnole qui sévissait à ce moment aidées par le temps froid d’automne finissent d’achever ceux qui auraient pu résister aux gaz. Rien que pour Avelgem, on dénombre environ 300 victimes.
Cette situation chaotique se résume bien par une phrase extraite de la déclaration de succession de Paula Delehouzée : « Les vêtements et linge de corps que la défunte possédait au moment de l’évacuation au lazaret du Fort ont tous disparu sans qu’on ait pu trouver la moindre trace de celui ou ceux qui se les étaient appropriés»
Les Delehouzée Vandendriessche paient un lourd tribut à la guerre. Une autre fille de Désiré, Simone épouse d’Armand Vanderbeken en paie un plus lourd encore, elle voit en effet, en plus de ses deux sœurs et deux tantes maternelles, les père et mère de son mari : Grégoire Vanderbeken et Maria Dekeyser ainsi que la sœur de son mari : Simone Vanderbeken, décéder des suites des effets des gaz.
Image mortuaire des époux Grégoire Vanderbeken-Maria Dekeyser et leur fille Simone
Le ressentiment de la famille apparaît dans le texte de l’image mortuaire distribuée à l’occasion des funérailles des deux sœurs Delehouzée : en introduction en haut de l’image en lieu et place du texte pieux qu’on y lit souvent on trouve « En assassins ils ont attaqué notre pays et les paisibles habitants ont été poursuivis et tués ». Les circonstances du décès spécifient qu’elles furent « empoisonnées par des gaz meurtriers allemands ». Le texte souvenir dit «des lâches et infâmes barbares sont venus les ravir à notre affection et changer brusquement nos jours de joie et de bonheur en des jours de deuils et d’éternels regrets ».
Les textes en néerlandais des images mortuaires des sœurs Vandendriessche et de la famille Vanderbeken sont de la même inspiration.
Même dans le texte officiel de la déclaration de succession d’Eulalie Vandendriessche ont lit qu’ «elle est décédée accidentellement victime des gaz asphyxiants boches »
Désiré n’eut semble-t-il pas à souffrir de séquelles physiques des gaz par contre Justine sa vie durant souffrit de cette intoxication.
La psychogénéalogie nous enseigne que des événements majeurs de ce type peuvent rejaillir sur d’autres membres de la famille parfois plusieurs générations plus tard : on peut peut-être expliquer l’asthme sévère dont souffrait Elvire dite Gisèle Delehouzée une autre fille de Désiré et grand-mère de Myriam, de cette façon. Elle n’était en tout cas pas présente à Avelgem lors des événements, mais nous ignorons si elle présentait déjà des problèmes d’asthme avant cette période. A ce sujet on lira avec intérêt le livre de la psychiatre Anne Ancelin Schützenberger : Aïe mes aïeux ! Ed. La Méridienne Desclée De Brouwer 1993 page 188.
Concernant ces événements douloureux il m’a paru intéressant de recopier un extrait d’un article publié en néerlandais dans la revue De Leiegouw année XXXIV Nº 3 juillet 1992 par Egide Van Hoonacker « L’offensive finale 1918 dans la région de Courtrai »
Dans la rubrique concernant les faits qui se sont déroulés le lundi 28 octobre 1918 on peut lire :
« Toute la région est recouverte d’un nuage de gaz et continuellement bombardée. Les conséquences en sont catastrophiques pour la population civile. Les soldats uniquement disposent de masques à gaz. Des centaines de personnes sont asphyxiées. Des familles entières sont anéanties. Les ambulances anglaises sont surchargées de victimes gazées qui sont ramenées à l’arrière. Elles sont soignées dans les hôpitaux d’urgence de Courtrai : le Fort, l’Hospice st Joseph à la Voorstraat, N-D du Secours à la Sint-Jansstraat et quelques-unes au Pottelberg. Entre le 29 septembre et le 7 décembre décèdent à Courtrai 237 victimes civiles, principalement par les gaz : 113 viennent d’Avelgem, 50 de Tiegem, 12 de Heestert, 10 de Otegem, 9 de Anzegem, 7 de Ingooigem, etc.»
« Les autres habitants d’Avelgem, Outrijve, Bossuit et Helkijn doivent tous quitter leur commune. En quelques jours ces villages tranquilles sont transformés en paysage aux maisons à moitié démolies et aux toits troués. Uniquement pour Avelgem on dénombre 320 morts. »
Photo datant de 1910 montrant Désiré Delehouzée et ses trois filles qui allaient survivre après la guerre 14-18. De gauche à droite : Justine, Gisèle et Simone. C’était avant « les jours de deuil et d’éternels regrets »
1] Généralement les auteurs d’articles sur cette tragédie parlent de gaz très odorants comme l’ypérite, mais je communique l’information comme elle est transmise par la mémoire familiale.